« On a besoin de plus d’immigrants francophones », torpille le ministre Monte McNaughton

Monte McNaughton, ministre du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences
Monte McNaughton, ministre du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences. Archives ONFR+

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Monte McNaughton, ministre du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences au sein du gouvernement de l’Ontario, a répondu aux questions d’ONFR+.

LE CONTEXTE :

La province s’apprête à renégocier son entente avec le palier fédéral, qui prend fin à l’automne. Son objectif est clair : réclamer un contrôle accru de son immigration économique et francophone.

L’ENJEU :

En regroupant l’emploi et l’immigration sous la coupe du même ministère, l’Ontario envoie le signal que l’immigration économique est devenue prioritaire pour endiguer la pénurie de main-d’œuvre.

« Votre mandat élargi à l’immigration représente-t-il une opportunité de résoudre la pénurie de travailleurs qui sévit en Ontario?

Certainement. Notre ministère est responsable de tout ce qui a trait aux politiques d’immigration, aux programmes d’entrée, ainsi qu’aux services d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants. Mon principal but est de gérer la pénurie. Au début de la pandémie, on avait 200 000 emplois non pourvus. Aujourd’hui, on parle de 300 000 et cela coûte très cher à notre économie. Il y a de multiples opportunités pour les gens de travailler et faire grandir leur famille en Ontario. Ça va être mon défi.

Mais, dans les faits, la province a peu d’emprise sur son immigration. Demandez-vous au gouvernement fédéral d’accorder plus d’autonomie à l’Ontario dans le contrôle de son immigration?

On appelle le fédéral à une nouvelle donne en immigration. L’accord qui lie l’Ontario et le Canada sur ce point se termine à l’automne prochain. Des négociations vont être lancées avec Sean Fraser (ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté). J’ai de bonnes relations avec lui et il doit comprendre qu’on a vraiment besoin d’avoir une plus grande maîtrise de notre immigration pour bâtir une province forte.

La façon dont le Québec gère sa propre immigration vous semble-t-elle un exemple à suivre?

Il y a certainement quelques directions dans lesquelles on veut nous aussi aller. On veut par exemple sélectionner plus d’immigrants selon nos besoins économiques. J’ai parlé aux ministres provinciaux de l’immigration à travers le pays et je suis prêt à parler en leur nom et mettre leurs propositions de l’avant quand nous serons assis à la table des négociations avec le fédéral à la fin du mois.

Estimez-vous que l’Ontario est le grand perdant du pays en immigration, comparé aux autres provinces?

Le Québec a sélectionné 50 000 immigrants cette année, La Nouvelle-Écosse a choisi 50 % du total de ses immigrants. L’Ontario : 5 %. On a besoin d’une nouvelle donne.

Et l’immigration francophone dans tout ça? La province est-elle à la hauteur des enjeux dans ce contexte de pénurie?

On a besoin de plus d’immigrants francophones. Via notre notre Programme ontarien des candidats à l’immigration, on donne la priorité aux travailleurs de la santé, aux compétences et aux immigrants francophones. Mais en 2022, on a pu sélectionner que 9 000 immigrants, tandis que le gouvernement en a choisi 190 000 pour nous.

Entendez-vous les frustrations des candidats francophones à l’immigration exaspérés par les délais de traitement de leur dossier?

C’est en effet un autre point critique. Les délais d’approbation des applications de la part du gouvernement fédéral sont trop longues. On entend travailler avec le gouvernement canadien pour accélérer ce processus.

Au-delà du secteur de la santé, la pénurie touche aussi l’enseignement de langue française. Quelle est votre marge de manœuvre en la matière?

Mme Mulroney et M. Lecce (respectivement ministre des Affaires francophones et ministre de l’Éducation) travaillent aussi sur ce dossier afin de créer plus d’opportunité d’immigration et pourvoir des postes vacants. On a besoin de plus de marge pour sélectionner des immigrants en fonction de la pénurie. C’est sur le haut de la pile de notre gouvernement.

Avec 2 % d’immigration francophone en 2021, l’Ontario est loin de sa cible de 5 %. Êtes-vous préoccupé, voire déçu, de ces résultats? Cette cible est-elle inatteignable?

Non. On négocie un nouvel accord Ontario-Canada pour améliorer cela, pour sélectionner les immigrants dont on a le plus besoin pour répondre à la pénurie de main-d’oeuvre, avec un gros focus sur l’immigration francophone car il y a un besoin énorme et grandissant pour avoir plus de francophones en Ontario. On a déjà signalé cela au gouvernement fédéral et on va continuer de le faire. Pour être honnête, je suis déçu du gouvernement fédéral libéral et je vais continuer de discuter avec le ministre Fraser pour trouver des solutions.

Comment expliquer que le ministère de l’Immigration, aboli en 2018 par le gouvernement Ford, refasse surface maintenant? La vision du premier ministre concernant l’immigration a-t-elle changé depuis?

Je crois fermement que les nouveaux Canadiens font de notre communauté, notre province et notre pays des endroits plus forts. J’ai toujours promu l’immigration ces dernières années et cela reste une priorité pour mon gouvernement et pour moi-même. On est la première province au Canada à reconnaître les diplômes internationaux pour les professionnels étrangers dans la santé. On a éliminé l’expérience professionnelle canadienne et on a réduit les exigences de test linguistique pour s’assurer que les gens puissent accéder au métier qu’ils désirent, car cela change la vie. »