« On ne voit pas encore assez les femmes immigrantes », regrette le MOFIF

Fayza Abdallaoui, présidente du MOFIF. Archives #ONfr

TORONTO – Le Mouvement Ontarien des Femmes Immigrantes Francophones (MOFIF) passe la vitesse supérieure. Le groupe a présenté, ce mardi, son livre blanc à la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Objectif : une meilleure participation des femmes francophones immigrantes à la vie civique et citoyenne de leur communauté et de leur province.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Si les choses s’améliorent lentement, en témoigne l’élection d’Arielle Kayabaga comme conseillère municipale à London, ou les postes à responsabilité occupés par Fété Ngira-Batware Kimpiobi, Soukaina Boutiyeb ou encore Léonie Tchatat, beaucoup de chemin reste à faire.

« On ne voit pas encore assez les femmes immigrantes. Il faut des femmes qui s’engagent que ce soit à titre de bénévoles dans les conseils d’administration francophones, mais aussi anglophones, des femmes qui se présentent comme conseillère scolaire, et même inciter les femmes à se présenter comme députée provinciale », explique la présidente du MOFIF, Fayza Abdellaoui, en entrevue pour #ONfr.

Pour parvenir à ses fins, le groupe se définissant comme « la voix des femmes immigrantes en action » a livré une pléiade de solutions. Des pistes qui vont de la rédaction d’un « guide de l’engagement civique », plus de formations dans les centres d’emploi et d’établissement ou encore, la tenue de débats lors des « différents paliers de participations démocratiques ».

La rencontre des membres du MOFIF avec la ministre, Caroline Mulroney ce mardi. Gracieuseté : MOFIF

« Lors de la rencontre ce mardi, Caroline Mulroney était très à l’écoute », fait part Mme Abdellaoui. « Parmi les nombreux points exposés, nous avons parlé du réseautage. Beaucoup de femmes n’ont encore pas la possibilité de réseauter au niveau politique. Les élus peuvent ici jouer un rôle par le partage de leurs expériences. À l’inverse, beaucoup de femmes immigrantes ne savent pas encore qu’on peut écrire directement aux députés. Le rapport avec les élus en Amérique du Nord est beaucoup plus facile que dans la plupart des pays d’où viennent ces femmes. »

Autre thème abordé avec la ministre : la reconnaissance des diplômes avec le pays d’origine des immigrantes. Les barrières seraient encore énormes à ce niveau. « C’est plus facile pour les femmes de s’engager quand elles sont stables économiquement », plaide la présidente du MOFIF.

« Lorsqu’il y a des solutions et des faits exposés comme dans le livre blanc, les ministères sont plus à l’écoute. »

Un premier livre blanc pour le MOFIF

Mais pourquoi au juste revendiquer plus de participation des femmes immigrantes, maintenant? D’autant que c’est la première fois que l’organisme s’est lancé dans la rédaction d’un livre blanc. « Il y avait eu cette idée de manière sporadique, mais c’était mis de côté. On s’était concentré, par exemple en 2016, sur une étude concernant les barrières économiques pour les femmes immigrantes. Auparavant, on avait aussi parlé beaucoup d’isolement et de violence. »

Débats, consultations, rencontres sur le terrain, le MOFIF a multiplié les initiatives au cours des derniers mois pour parvenir à dévoiler ce livre blanc. « Nous sommes allées à leurs rencontres à Toronto, Ottawa et Welland en réunissant une trentaine de femmes leaders francophones », peut-on lire dans le document.

Fété Ngira-Batware Kimpiobi est justement l’une de ces femmes dont le CV s’allonge depuis plusieurs années. Originaire de la République démocratique du Congo, elle a, depuis son arrivée au Canada en 1999, gravi beaucoup de marches. Établie depuis à Welland, elle est la directrice et fondatrice de l’organisme Solidarité pour les femmes et familles immigrantes francophones du Niagara (SOFIFRAN).

Fété Ngira-Batware Kimpiobi, directrice générale de l’organisme Solidarité pour les femmes et familles immigrantes francophones du Niagara (Sofifran). Archives #ONfr

« Bien souvent, il faut pour les femmes apprendre le système de la société canadienne, faire une formation de mise à niveau, peu importe le niveau d’études. Cette formation sert souvent à s’intégrer à la société canadienne. Ensuite, ces femmes doivent voir quel talent, quel don, elles doivent exploiter ici au Canada pour pouvoir se tailler dans leur niche. »

Mme Ngira-Batware Kimpiobi reconnaît l’existence de barrières, mais les estime somme toute franchissables. « La première barrière, c’est la langue… Il y aussi la discrimination, quand on est une minorité visible… C’est sûr que les femmes immigrantes sont obligées de faire deux fois plus d’efforts. »

Le défi du financement

Reste que le MOFIF est conscient que la bonne volonté de ses membres, dont la plupart sont bénévoles, bute encore sur la question financière.  « Nous vivons en recevant du financement pour les projets depuis des années. Pour l’année fiscale précédente, trois projets sur huit ont, par exemple, été retenus. La fatigue s’accumule, il sera indispensable qu’on soit soutenu », espère Mme Abdellaoui.

Les fonds obtenus par le groupe proviennent des deux paliers gouvernementaux.