Ontario Made : promouvoir l’achat ontarien avec un site en français… en format PDF

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, aux côtés du logo "Fabriqué en Ontario". Montage ONFR+

TORONTO – Un site internet en français de quatre petites pages disponible seulement sur demande et qui ne comporte pas du tout ou très peu de produits francophones? Le programme « Ontario Made » n’attire pas les entrepreneurs franco-ontariens. Lancé en grande pompe par le gouvernement Ford cet été, on peut compter sur les doigts d’une main les entreprises francophones présentes sur le site.

En consultant le site « Fabriqué en Ontario » ou Ontario Made, ONFR+ a remarqué que parmi la centaine de compagnies présentes, celles qui sont bilingues ou qui ont un site en français sont quasi inexistantes. Les marques bilingues sont, en fait, des entreprises pancanadiennes comme le constructeur automobile Ford ou le producteur de papiers ménagers Royale.

« Je ne connais absolument aucun de nos membres qui utilisent ce site-là. On a un peu plus de 70 entreprises et jamais personne ne nous a dit qu’il faisait partie de ça », lance Julien Geremie, directeur général du Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO).

Pourtant, Doug Ford a multiplié les annonces économiques, dans les dernières semaines, avec le logo « Fabriqué en Ontario », suppliant les résidents de la province d’acheter des produits ontariens.

« Lorsque vous voyez ces logos et ces étiquettes (fabriqué en Ontario), allez là-bas et achetez local », avait indiqué M. Ford en conférence de presse, à la fin du mois d’octobre.

Doug Ford effectuant une annonce avec le logo bilingue de Ontario Made. Source : Capture d’écran Youtube

Lancé en juillet dernier, le gouvernement avait pris du retard à se présenter en public avec une version bilingue du logo de cette initiative, alors que la version anglaise avait été disponible sur-le-champ.

Aujourd’hui, le gouvernement se défend que le site ne soit pas bilingue, sauf sur demande.

« Le programme Ontario Made n’est pas administré par le gouvernement de l’Ontario », précise le bureau de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney.

Le bureau du ministre du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce, Victor Fedeli, précise qu’Ontario Made « a été élaboré et est actuellement mis en œuvre par le Canadian Manufacturers & Exporters (CME) avec le soutien financier du fonds l’Ontario, ensemble. »

Une des quatres pages disponible uniquement en format PDF du site internet francophone de « Fabriquée en Ontario ». Capture écran ONFR+

À CME, on insiste sur la possibilité de « fournir une traduction française sur demande ».

« Les fabricants de toute la province peuvent sélectionner des logos « Fabriqué en Ontario » (…) y compris des versions anglaise, française et bilingue. (…) Nos bulletins de nouvelles sont également disponibles en français, sur demande, en même temps que ceux en anglais. »

Un achat local mal compris

Julien Geremie, dont l’organisme agit auprès d’une clientèle bilingue et francophone, dit n’avoir jamais eu de questions par rapport au programme et pense qu’il n’est pas attrayant pour les francophones et le reste de la population.

« Pour les Franco-Ontariens, un site qui fait seulement de la promotion en anglais, ça ne développe pas un fort sentiment d’appartenance. De plus, s’il faut cliquer sur 50 liens pour arriver à acheter le produit, ça va vraiment dissuader le consommateur d’acheter. Les entreprises ne sont pas dupes et se rendent compte que ce n’est pas l’idée du siècle », pense le dirigeant du CCO.

Certains pensent que le gouvernement a mal évalué le concept d’achat local en présentant cette plateforme.

« L’achat local, en Ontario, se fait au niveau municipal. Les gens de Toronto veulent acheter des produits locaux de Toronto, même chose pour les gens d’Ottawa avec des produits de leur région, comme dans l’Est ontarien », soutient Julien Geremie.

Aller chercher les francophones est un « besoin »

Pour Christian Howald, de la Société Économique de l’Ontario (SÉO), il s’agit d’une plateforme « nouvelle et positive », mais qui, malgré tout, ne semble pas profiter aux commerces francophones, surtout ceux situés à l’extérieur des grands centres urbains.

« Plus les entreprises sont en région, plus elles sont petites, alors elles ont besoin d’autres variables ou d’autres outils. Les grandes entreprises de Toronto, Sarnia, Ottawa et London, etc. sont déjà dans un réseau qui est habilité pour ce site. »

Il tient à rappeler que l’apport du consommateur francophone en Ontario est plus important qu’on ne le pense.

« 744 000 Franco-Ontariens avec un revenu moyen de 50 000 $, c’est un marché autour de 37 milliards de dollars (…) C’est-à-dire qu’on a un pouvoir d’achat et de production équivalent à l’industrie automobile et minière. C’est pour cette raison qu’on doit avoir le côté entrepreneurial. Mais en ce moment, on regarde ça comme si c’était 5 % de la population . »

Pour lui, il ne fait pas de doute que le programme du gouvernement serait gagnant en étant plus attrayant auprès des francophones.

« On a besoin d’aller chercher la communauté francophone. Le marché francophone est assez grand pour justifier le fait que le site soit bilingue. Il faut qu’on arrête d’essayer de vivre comme le reste de la communauté ou comme un Canadien standardisé. C’est notre diversité qui enrichit le pays. Au niveau entrepreneurial, cette diversité donne une valeur ajoutée. »