Peu d’intérêt des touristes pour La Route Champlain

Crédit image: Étienne Fortin-Gauthier

TORONTO – La Route Champlain, qui doit stimuler le tourisme francophone en Ontario, intéresse peu les touristes. En un an, à peine 2 300 personnes ont visité son site web, qui doit pourtant permettre aux voyageurs de préparer leur périple. La Société économique de l’Ontario (SÉO), qui a développé le projet grâce à 800 000 $ en fonds publics, appelle à la patience et espère plus de financement de la province.

« On avait eu un budget pour monter le site web. Dans le plan, c’était de monter le projet, le concept. Maintenant, on est rendu à le faire connaître », lance Isabelle de Bruyn, gestionnaire en tourisme à la SÉO. Lorsqu’on lui rappelle qu’une campagne publicitaire a pourtant été diffusée, l’an dernier, elle précise son propos.

« Oui. On voulait que les gens, surtout en Ontario et autour, soient conscients que ce projet arrivait. Le ministère voulait dévoiler le projet, il voulait que ça sorte et montrer qu’il y avait eu des investissements », nuance-t-elle.

Entre le 12 juin 2018 et le 3 juin 2019, le site web de la Route Champlain a attiré un maigre 2 300 visiteurs. Depuis 2015, 790 786 $ ont pourtant été injectés dans le projet grâce à des subventions du ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport de l’Ontario. Cela incluait la recherche de partenaires qui accepteraient d’accueillir des touristes francophones, du mentorat pour accroître l’offre de services en français et la construction d’un site web, notamment. Lors du lancement, il était clair que l’objectif de la Route Champlain était d’attirer des milliers de nouveaux touristes francophones dans la province.

La gestionnaire tourisme de la SÉO, Isabelle de Bruyn. Crédit image : Étienne Fortin-Gauthier

Isabelle de Bruyn admet que les résultats ne sont pas encore à la hauteur. « Ça aurait pu être plus rapide. Ça a pris beaucoup de temps à bâtir. Même avec l’aide du gouvernement, les ressources sont limitées. Tout ce qui concerne le référencement et l’indexation du site web, il faut que j’apprenne à le faire. J’ai besoin d’être formée, car ça coûte moins cher de le faire à l’interne. On a un très bon site web, il faut juste l’optimiser », explique-t-elle.

Le chiffre de 2 300 visiteurs du site est bien loin de sa cible, admet Mme de Bruyn. « On voudrait passer un certain cap. Arriver à un 10 000, un 20 000 visiteurs et augmenter », confie-t-elle.

D’autres retombées

Mais pour l’instant, les retombées sont ailleurs. Il faut aussi considérer les 70 organisations qui ont accepté de prendre part au projet et qui ont bonifié leur offre de services en français grâce à l’impulsion de la Route Champlain, dit-elle.

Isabelle de Bruyn est toujours aussi persuadée de la pertinence de la Route Champlain. Un jour, des compagnies touristiques offriront des forfaits pour amener les touristes sur ce circuit, dit-elle.

« Mais ça prend du travail. Au minimum trois, quatre ou cinq ans. Mais il faut commencer maintenant, sinon on n’y arrivera jamais », lance-t-elle.

Au cours des derniers mois, la Route Champlain a obtenu de la visibilité lors de salons touristiques à Montréal et à Québec. On tente de courtiser les touristes qui voyagent à bord de leur véhicule motorisé ou à vélo.

« On travaille pour la prochaine génération. On plante des graines pour que les communautés puissent utiliser le tourisme pour diversifier leur économie et que ça aide les communautés francophones », assure-t-elle.

Grosse incertitude

La Société économique de l’Ontario a obtenu du financement pour bâtir les premiers volets de la Route Champlain, mais pas pour en faire sa promotion et permettre sa pérennité. Depuis la fin de l’année fiscale, il n’y a plus d’argent provincial dans les coffres pour ce projet.

Le directeur de la SÉO, Luc Morin, a multiplié les rencontres avec le ministre du Tourisme, Michael Tibollo, afin de trouver une solution. La Route Champlain pourrait donc faire du surplace si rien n’est fait par la province.

« À moins de recevoir d’autres sources de financement de la province, ce sera difficile », admet M. Morin. Un plan de survie a été développé basé sur un « budget minimal », précise-t-il.

Les acteurs du tourisme francophones de l’Ontario et du Canada ont développé une signalétique à l’intention des fournisseurs de services en français. Crédit image : Étienne Fortin-Gauthier

En attendant, la gestionnaire du dossier touristique est payée grâce à une portion d’une enveloppe fédérale. Luc Morin attend toujours des nouvelles du gouvernement Ford.

« Nous avons fait une nouvelle demande de subvention pour la phase 5 du projet pour faire du marketing digital. Il s’agit d’avoir les fonds pour mettre ce plan. On a un plan, mais pas l’argent », affirme M. Morin.

Il nuance les résultats décevant du site web de la Route Champlain.

« 2 000 frappes sur le site web, ça ne tient pas compte du nombre de personnes que nous avons rencontrées en personne dans différents événements. Je suis persuadé que le nombre doit être multiplié par trois ou quatre », lance-t-il.

À moyen terme, la SÉO dit vouloir dépendre moins des subventions provinciales. « On veut mettre une structure en place pour que les membres de la Route Champlain payent une cotisation. On pourrait alors dépendre moins du gouvernement », croit-il.

Le gouvernement demeure flou

« Le français et la culture francophone jouent un rôle clé dans la fabrique culturelle unique de notre province », affirme la porte-parole du ministère du Tourisme de l’Ontario, Denelle Belfour.

« Nous travaillons constamment avec les partenaires de l’industrie pour identifier les opportunités qui permettent de faire avancer le tourisme francophone en Ontario. Nous sommes heureux de travailler avec la Société économique de l’Ontario pour appuyer le développement de la Route Champlain », a-t-elle indiqué, suite aux questions d’ONFR+ sur l’avenir du projet de la Route Champlain.

« Le ministre continue d’explorer les opportunités potentielles avec la SÉO pour promouvoir le tourisme francophone », dit-elle, lorsque questionnée sur l’octroi ou non d’argent frais pour promouvoir le circuit touristique.