Ottawa bilingue : « Nous sommes confiants pour 2017 »

23 plaintes pour les services en français ont été comptabilisées par la Ville d'Ottawa en 2016.

OTTAWA – L’année 2017 approche à grands pas, mais les membres de l’initiative #OttawaBilingue restent confiants de parvenir à officialiser le bilinguisme de la capitale nationale à temps pour le 150e anniversaire de la Confédération.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’initiative #OttawaBilingue se veut « simple, mais novatrice », explique le regroupement de 12 organismes francophones, dont l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO), la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC), la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) ou encore, le Mouvement pour une capitale du Canada officiellement bilingue (MOCOB).

Le groupe peut compter sur l’appui du conseiller municipal d’Ottawa-Vanier, Mathieu Fleury. Sympathisant à l’idée de faire d’Ottawa une capitale officiellement bilingue, le conseiller municipal francophone avait toutefois demandé à plusieurs reprises que soit précisée la nature du bilinguisme souhaité pour la capitale du Canada.

« Nous avons travaillé très dur pendant un an à définir précisément et concrètement ce qu’on entendait par « officiellement bilingue ». Nous avons rencontré de nombreux leaders de la communauté francophone, des juristes, des gens du milieu d’affaires et de la communauté anglophone afin de parvenir à une définition acceptable pour la grande majorité. Aujourd’hui, nous avons une proposition concrète, raisonnable et pragmatique à proposer au conseil municipal », explique l’avocat François Baril, qui travaille sur le projet.

Construire sur ce qui existe

Reconnaissant que la politique de bilinguisme et le Règlement municipal sur le bilinguisme « fonctionnent généralement bien depuis 2001 », le groupe dit vouloir construire sur ce qui existe déjà.

L’idée serait donc de protéger la Politique de bilinguisme en l’incorporant dans le Règlement municipal sur le bilinguisme. #OttawaBilingue prévoit également que soit modifiée la Loi provinciale de 1999 sur la ville d’Ottawa afin de « reconnaître explicitement l’égalité de statut des langues française et anglaise au sein de la Ville d’Ottawa » et que soit précisé que la Ville d’Ottawa doit se doter d’un Règlement sur le bilinguisme, au lieu d’une Politique.

« Le bilinguisme officiel que nous proposons, c’est un bilinguisme propre à Ottawa, pas une copie du bilinguisme fédéral », insiste M. Baril. « Concrètement, nous ne voulons qu’ajouter quelques paragraphes qui permettront de reconnaître le caractère bilingue d’Ottawa, ce qui est important symboliquement, et que la Politique de bilinguisme soit mieux protégée afin que si un conseil municipal moins favorable à la communauté francophone est élu, il ne puisse pas l’abolir trop facilement. »

Pour Bernadette Sarazin, autre membre du groupe, il s’agit de penser aux générations futures.

« Aujourd’hui, le bilinguisme d’Ottawa repose uniquement sur la bonne volonté du conseil municipal au pouvoir. Nous voulons que les services en français présentement offerts par la ville soient protégés pour les générations futures. »

Ainsi formulée, la proposition satisfait l’élu d’Ottawa-Vanier.

« Je pense que c’est important d’avoir une définition concrète de ce que l’on veut et que l’on parle d’une seule voix. L’approche proposée, qui n’implique ni désignation de postes ni dépenses supplémentaires, me semble la mieux à même de rallier des appuis. »

Le groupe insiste également sur les retombées économiques et sur les occasions d’affaires que le bilinguisme officiel pourrait représenter pour Ottawa, notamment en matière de tourisme.

Moins ambitieux?

Cette proposition pourrait toutefois paraître moins ambitieuse qu’espéré durant les États généraux de la francophonie d’Ottawa, en 2012, qui avaient fait de la reconnaissance officielle du bilinguisme d’Ottawa son principal objectif.

« Il y a plusieurs manières de voir le bilinguisme officiel, mais je pense que cette approche est la bonne car elle est plus acceptable au niveau politique. Elle solidifie nos acquis et permet de reconnaître la contribution des francophones », souligne un autre membre du groupe et militant franco-ottavien de longue date, Lucien Bradet.

Après avoir déjà rencontré une quinzaine d’élus municipaux, le groupe continue à solliciter les conseillers restants et se dit confiant de pouvoir respecter l’échéance de 2017.

« Au cours des derniers mois, nous avons réalisé un important travail d’éducation pour défaire les mauvaises perceptions que pouvaient avoir certains élus et répondre à leurs questions. Ces rencontres ont été très positives et aucun des conseillers contactés n’a refusé de nous rencontrer pour l’instant. Ils étaient plutôt heureux que nous leur expliquions notre proposition », assure Mme Sarazin.

Loin de la coupe aux lèvres

Malgré cet optimisme affiché, la tâche s’annonce ardue. Le maire Jim Watson, lui-même, pourrait être un obstacle de taille à cette initiative, lui qui a toujours plaidé pour un « bilinguisme pratique », et donc pour le statu quo.

Dans un échange de courriels avec #ONfr, son équipe réitère sa position.

« Le maire Watson tient sa position que la Ville d’Ottawa est en effet une ville bilingue, tel qu’indiqué dans nos règlements par rapport au bilinguisme. Vous noterez également que tous les services et programmes de la ville sont offerts en anglais et en français, à tous nos résidents. »

M. Bradet reconnaît que le maire ne sera pas forcément le premier allié du groupe mais compte sur les conseillers municipaux pour le faire changer d’avis.

« Nous sommes confiants que si la majorité des conseillers est en faveur de notre proposition, le maire se rangera derrière eux. »

Un avis que partage le conseiller Fleury, qui a participé à quelques rencontres du groupe avec les élus.

« Il est certain que le maire ne jouera pas un rôle de leader dans ce dossier, mais si une majorité forte de conseillers appuie la proposition, il ne s’y opposera pas. Il y a plusieurs conseillers qui sont susceptibles de soutenir ce projet. »

Pour obtenir cette forte majorité, il faudra toutefois convaincre. Et là encore, la partie n’est pas gagnée. Malgré une rencontre qu’elle juge positive, la conseillère de Kanata-Nord, Marianne Wilkinson, par exemple, reste campée sur la position du maire.

« Je ne suis pas en faveur du bilinguisme officiel mais pour le bilinguisme pratique tel qu’en place présentement à la Ville d’Ottawa et qui bénéficie à toute la communauté francophone », indique-t-elle.

Dans Alta-Vista, le conseiller francophone Jean Cloutier indique avoir rencontré le groupe, mais ne souhaite pas commenter pour l’instant.

Sur les nombreux conseillers sollicités par #ONfr, beaucoup n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue. La peur d’éventuelles répercussions électorales? Les commentaires parus à la suite de l’article du Ottawa Citizen, qui s’intéressait récemment au dossier, laissent songeurs.

« Il ne faut pas juger la situation sur les quelques commentaires d’une minorité audible qui représente seulement 10 à 15% de la population. Je pense que la majorité silencieuse des gens d’Ottawa est en faveur de ce que nous proposons et que 2017 offre une excellente opportunité d’adopter cette proposition qui sera un legs important pour Ottawa et pour tout le Canada », tempère Mme Sarazin.