Ottawa plus délaissé par les chefs qu’en 2014

Le chef du Parti PC, Doug Ford. Crédit image: Twitter

[ONVote2018]

OTTAWA – Kathleen Wynne effectuera ce jeudi sa troisième visite à Ottawa lors de la campagne électorale. Attendu samedi dans la capitale, Doug Ford, lui, en sera seulement à sa deuxième visite. Une différence dès lors notable avec la région de Toronto très prisée par les différents chefs des partis depuis le 9 mai dernier. À une semaine du scrutin, c’est même pour l’instant moins qu’en 2014 où le précédent chef du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, Tim Hudak, s’était rendu cinq fois à Ottawa, contre quatre pour Kathleen Wynne.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les temps ont manifestement changé, même si la raison est d’ordre technique. « Les circonscriptions sont tout simplement plus nombreuses dans la région de Toronto, surtout avec le nouveau découpage territorial », indique le co-fondateur de l’organisme Democracy Watch et professeur à l’Université d’Ottawa, Duff Conacher.

Avec un total de 48 circonscriptions, Toronto et sa grande région métropolitaine constituent environ 40 % du total de tous les comtés dans la province.

C’est donc beaucoup plus que la région d’Ottawa qui compte moins de territoires (Ottawa-Centre, Ottawa-Sud, Ottawa-Vanier, Ottawa-Ouest-Nepean, Orléans, Nepean, Carleton, Glengarry-Prescott-Russell).

« À Toronto, les chefs des partis peuvent visiter plus facilement des circonscriptions en une seule journée. De plus, la couleur politique peut y changer plus facilement. À Ottawa, les circonscriptions sont plus ancrées historiquement pour un parti ou un autre, et c’est plus facile de savoir qui va gagner. »

À cela s’ajoutent quelques circonstances, d’après le politologue. « Dans cette élection précise, déjà Toronto est le cœur de la Ford Nation, ensuite Andrea Horwath met beaucoup d’efforts dans la région de Toronto, tandis que Kathleen Wynne se bat pour y sauver des circonscriptions. »

Les batailles dans la couronne de Toronto, le fameux « 905 », sont actuellement très serrées si l’on se fie aux sondages… entre les progressistes-conservateurs et les néo-démocrates.

 

Distance et prix des déplacements invoqués

Ce jeudi, la chef du Parti libéral de l’Ontario sera en tout cas au Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO), puis à la Fromagerie St-Albert en début d’après-midi. Une visite donc sous le sceau de la francophonie. « Il y a beaucoup de châteaux-forts à conserver en danger pour le Parti libéral, comme Ottawa-Vanier, ou encore Ottawa-Centre », analyse Peter Graefe de l’Université McMaster de Hamilton.

Pour illustrer le manque d’intérêt global des partis vis à vis d’Ottawa, le politologue a même une hypothèse : des sondages internes dans les partis recommandant d’éviter le déplacement. « Cela reste une stratégie bizarre. Nous ne sommes pas dans une campagne fédérale où les distances sont très longues pour les chefs de partis. Ottawa n’est qu’à quatre heures de route de Toronto. »

La première ministre sortante, Kathleen Wynne, lors d’un point de presse le 20 mai 2018. Crédit image : Twitter.

Toujours est-il que les déplacements entre les deux principales villes de la province peuvent coûter cher. C’est en tout cas l’avis de Stewart Kiff, président de Solstice Affaires publiques, une compagnie de lobbying qui travaille à Queen’s Park. « Ça peut coûter parfois des milliers de dollars. Cela explique le fait que les chefs réfléchissent avant d’y aller. »

L’idée que Mme Wynne et M. Ford soient tous deux directement établis dans la région de Toronto entre aussi dans l’équation, selon l’analyste. « Il faut aussi comprendre que la culture politique est très différente, si l’on vient d’Ottawa ou bien de Toronto. »

 

L’inconnue Andrea Horwath

Si la tactique du chef progressiste-conservateur et de son homologue libérale semble facile à décrypter pour les experts, celle d’Andrea Horwath reste plus obscure. Alors que les sondages prédisent désormais une victoire néo-démocrate dans Ottawa-Centre, Ottawa-Vanier, ou encore Ottawa-Ouest-Nepean, la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) n’est venue qu’à une reprise dans la capitale, le 20 mai dernier.

Lors des élections de 2014, Mme Horwath n’était aussi passée qu’une seule fois dans cette partie de l’Ontario.

Andrea Horwath salue des militants à Ottawa, le 20 mai dernier. Crédit image : Benjamin Vachet

« Le fait qu’elle ne soit pas plus active dans la région d’Ottawa, alors qu’il y a des possibilités de gagner, ce n’est pas explicable », avance M. Kiff.

Un sentiment partagé par M. Graefe. « On dirait qu’elle ne souhaite pas appuyer, par exemple, le candidat de Ottawa-Centre, Joel Harden. En comparaison de 2014, beaucoup de sièges sont pourtant gagnables du fait de l’effondrement du vote libéral dans cette région. »