Padminee Chundunsing, le visage de la francophonie en Colombie-Britannique

La présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) Padminee Chundunsing. Minesh Ramchurn Studio

[LA RENCONTRE D’ONFR]

VANCOUVER – La francophonie canadienne en contexte minoritaire ne cesse de revendiquer sa diversité. En Colombie-Britannique, la présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) Padminee Chundunsing représente bien ce nouveau visage.

« Qu’est-ce qui vous a conduit à venir vous installer au Canada en 2004?

Vous savez, l’Île Maurice est une très jolie île, touristique, mais la vie y est très chère et les opportunités peu nombreuses. J’ai donc pensé à mes deux enfants qui aujourd’hui travaillent et font leurs études ici.

Pourquoi avoir choisi la Colombie-Britannique?

Je vais être franche, au départ je voulais aller en Australie, à cause du climat. Je viens d’une île où les hivers sont très doux (rire)! Mais les critères pour immigrer en Australie étaient beaucoup plus difficiles. J’ai donc choisi Vancouver pour la météo.

Comment se sont passés vos premiers pas au Canada?

Ça a été difficile de s’intégrer. C’était un nouveau pays, il fallait que je me batte pour faire reconnaître mon diplôme, mes expériences. C’était contradictoire : j’avais obtenu les points pour pouvoir immigrer, mais je ne pouvais pas me servir de mes compétences professionnelles pour travailler! J’ai donc dû me débrouiller. J’étais directrice marketing à l’Île Maurice pour une entreprise américaine quand j’en suis partie, il a fallu que je recommence de tout en bas.

Je suis retournée à l’école pour suivre une formation en management. Ça n’a pas été facile, mais je suis contente de voir où j’en suis aujourd’hui.

C’est pour cette raison que j’ai voulu m’impliquer ensuite dans l’aide aux nouveaux arrivants. Je ne veux pas qu’ils vivent la même chose, qu’ils ne sachent pas où chercher un logement, un emploi… Même si je dois reconnaître qu’il existe aujourd’hui beaucoup plus d’aide qu’il y a 14 ans quand je suis arrivée.

Que dites-vous aux personnes qui viennent d’arriver?

Je leur dis de se donner la peine. C’est un grand défi de quitter son pays, ses amis, sa famille, alors il ne faut jamais baisser les bras. Le Canada t’offre beaucoup d’opportunités.

Avez le recul, le referiez-vous?

Je le referais! Venir ici a changé ma perspective de la vie, je me suis refait une identité et suis aujourd’hui fière d’être Canadienne et reconnaissante envers ce pays.

Comment en êtes-vous arrivée à vous impliquer dans la francophonie de votre province?

Quand je suis arrivée, je ne savais même pas qu’il s’y trouvait une communauté francophone. C’est en rencontrant une personne qui parlait en français dans un Walmart que je l’ai réalisé. Elle m’a parlé d’une école de langue française, ce qui m’a permis d’enlever mon fils de l’école anglaise pour l’y inscrire. J’ai ensuite contribué à la création d’Ethno-femmes à Surrey où on se rencontrait entre francophones, puis au sein d’autres organismes. C’était très important pour moi de continuer à vivre en français.

Est-ce difficile comme parent de maintenir l’importance de cette francophonie auprès de ses enfants?

Ce n’est pas facile, car tout leur entourage parle anglais. Mais nous parlons en français à la maison et j’essaie de les sensibiliser. Je pense que c’est la clé de leur faire comprendre que la francophonie, c’est eux. Il faut les impliquer dans les activités francophones, les inciter à siéger sur des conseils d’administration, à faire du bénévolat…

Mais il nous faudrait aussi des infrastructures culturelles pour qu’ils puissent vivre pleinement leur francophonie. Souvent, après leurs études, on perd nos jeunes francophones. 

Vous êtes présidente de la FFCB depuis trois ans, sur quels dossiers travaillez-vous actuellement?

Nous continuons à réfléchir aux suites à donner au jugement du juge Gascon [La Cour fédérale a rejeté, fin mai, la demande de la FFCB qui reprochait au gouvernement fédéral d’avoir oublié ses obligations linguistiques en transférant aux provinces les services d’aide à l’emploi, en 2008]. On travaille avec nos avocats et avec la communauté pour voir ce qu’on fait.

Il y a aussi le dossier de l’immigration qui est important, puisque nous offrons des services à la FFCB. Mon rêve serait d’avoir un comptoir d’accueil en français à l’aéroport de Vancouver et un espace d’hébergement et d’accueil pour les nouveaux arrivants et les réfugiés francophones. C’est ambitieux, mais faisable!

Et puis, on se prépare à accueillir les Jeux de la francophonie canadienne à Victoria en 2020.

Enfin, on espère voir développer une politique des services en français au niveau de la province, puisque nous sommes la seule au Canada à n’avoir ni loi ni politique sur les services en français. On sent de l’ouverture de la part du ministre responsable du Programme des affaires francophones de la Colombie-Britannique, Adrian Dix.

C’est la raison pour laquelle j’aimerais continuer pour un mandat de plus, car il y a encore beaucoup à faire et que je connais les dossiers. On verra bien si je suis réélue.

Padminee Chundunsing avec l’ancienne vice-présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Audrey LaBrie. Crédit image : Courtoisie

N’êtes-vous pas découragée de devoir si souvent faire appel aux tribunaux pour des résultats qui ne sont pas toujours à la hauteur?

Ça peut m’arriver, car je suis humaine. Mais je me dis que si comme présidente, je me décourage, que va faire la communauté?

On a parfois l’impression que la Colombie-Britannique est fermée à la francophonie?

Il y a beaucoup de travail à faire, c’est sûr. La francophonie y est minimisée. On semble croire que parce qu’on est à l’Ouest du Canada, la francophonie n’existe pas. Il y a pourtant 400 000 personnes capables de parler le français en Colombie-Britannique et 75 000 francophones. On doit le faire savoir ici, mais aussi à l’échelle du Canada.

En terminant, si vous étiez à la place de Justin Trudeau, quelle serait votre première mesure?

Je reconnaîtrais publiquement les défis que vivent les francophones en contexte minoritaire et j’encouragerais tous les ministères à soutenir les communautés. Je tâcherais aussi de faire comprendre l’impact qu’ont les francophones sur le pays. M. Trudeau s’est engagé à moderniser la Loi sur les langues officielles, j’espère qu’il va respecter son engagement. »


LES DATES-CLÉS DE PADMINEE CHUNDUNSING

1963 : Naissance à Port-Louis (Île Maurice)

2004 : Arrivée au Canada

2007 : Commence à s’impliquer au sein de la Fédération des francophones de Colombie-Britannique

2015 : Devient présidente de la Fédération des francophones de Colombie-Britannique

2017 : Nommée Femme Leader de la Francophonie

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.