Pas de gagnants dans la grève des collèges

La grève dans les 24 collèges de l'Ontario aura duré 5 semaines. Archives #ONfr

[ANALYSE]

TORONTO – À condition exceptionnelle, situation exceptionnelle. L’une des plus longues grèves des dernières années dans les collèges s’est finalement achevée par le vote d’une loi spéciale, la semaine dernière. Objectif : remettre immédiatement au travail les employés.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Une directive qui concernait quand même les 12 000 professeurs, instructeurs, conseillers et bibliothécaires de 24 collèges en Ontario. Ce n’est pas rien. D’autant que le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) avait voté trois jours avant la poursuite de la grève.

Les cinq semaines d’un conflit qui a fini par s’enliser n’ont pas fait de gagnants. Certains ont quand même beaucoup plus perdus que d’autres. À commencer par les étudiants. Un nombre estimé à 500 000 dans tout l’Ontario.

La plupart commençaient à perdre patience devant ces cours qui ne reprenaient pas. Des cours retardés, c’est le risque pour beaucoup de perdre leur session, pour les étudiants internationaux de ne plus pouvoir partir en vacances. Quand bien même ces vacances peuvent parfois servir à financer les études.

C’est justement la grogne des étudiants, relayée sur les médias sociaux, qui a peut-être apporté un tournant dans le conflit. Et fait pencher l’opinion publique du côté d’une fin de grève.

La balle au bon moment pour les libéraux

Dans ces conditions, le vote d’une loi spéciale par les libéraux, aussi contestable fut-elle, n’a pas provoqué beaucoup d’indignation dans la province. À l’Assemblée législative, l’opposition néo-démocrate n’a pas généré beaucoup d’émotion.

Dans un dossier sensible, les libéraux sont parvenus à saisir la balle au bon moment, du moins stratégiquement. Le parti de Kathleen Wynne a su donner l’impression qu’il laissait du terrain aux revendications des enseignants, tout en sortant les griffes, une fois la colère accentuée.

À six mois d’une élection compliquée, les libéraux ne sortiront ni grandis, ni forcément diminués par cette manœuvre. La première ministre de l’Ontario sait probablement que ce type de loi est à utiliser avec parcimonie.

Il serait tout de même faux de laisser le gouvernement s’ériger comme le sauveur des étudiants. Les cordons de la bourse restent à Queen’s Park, et les collèges ne sont ni plus ni moins que des créatures provinciales. À défaut d’être coupable, le gouvernement a une part de responsabilité dans le conflit.

Tout n’est pas fini

Reste les principaux acteurs de cette grève : le personnel enseignant. La plupart espéraient des meilleures conditions de travail : plus d’embauches de professeurs à temps plein, une diminution des contractuels, et une augmentation salariale. Les voilà pour la plupart bredouilles, et délestés d’une partie de leur salaire. La grève n’est pas gratuite, et l’énergie dépensée peut laisser des traces.

On pourrait croire que cette « officialisation du statu quo » fait les affaires des directions des collèges. En réalité, ce genre de confrontations place bien souvent la haute gestion dans des situations inconfortables, et ne font que repousser les problèmes.

Tout n’est pas terminé. Et il faudra bien que les partis s’entendent. Les questions non réglées seront très vite envoyées à une médiation-arbitrage exécutoire. Entre temps, le SEFPO a d’ores et déjà fait savoir qu’elle contesterait la loi en cour.

Quant aux étudiants, les plus grands perdants du conflit, ceux-ci seront admissibles à un montant 500 $ s’ils décident de poursuivre le semestre de l’automne. Une somme de dédommagement, qui après cinq semaines de grève et de stress, fait figure pour beaucoup de goutte d’eau.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 27 novembre.