Pénurie de Tylenol et Advil : Ottawa ne dit pas non à lever l’exigence des langues officielles

OTTAWA – Alors que le Canada est touché présentement par une pénurie de Tylenol, d’Advil et de médicaments pour enfants, le fédéral ne ferme pas la porte à en allouer certains réglementés dans des langues étrangères sur les tablettes.

C’est ce qu’ont proposé les conservateurs mercredi matin pour faire face à cette pénurie alors qu’arrive la saison de la grippe. Le critique en Santé conservateur Michael Barrett demande au gouvernement d’autoriser la venue de médicaments en langue étrangère en plus de donner des directives aux médecins et aux pharmaciens sur la façon de les administrer.

« L’importation de médicaments aurait des exigences similaires à celles d’autres produits qui nécessitent des conformités linguistiques spécifiques. Les instructions au professionnel de la santé, au pharmacien et au médecin de famille à l’étiquetage temporaire donneraient la possibilité pour le pharmacien de transférer d’une bouteille à une autre l’étiquetage en pharmacie », a affirmé mercredi le député donnant l’exemple d’inhalateurs en espagnol offert durant la pandémie.

Ce dernier déposera une motion en Comité jeudi pour que Santé Canada procède à la venue de médicaments étrangers. En réponse à cette proposition, le ministre de la Santé Jean-Yves Duclos dit ne pas fermer aucune porte à lever l’exigence de l’anglais et du français.

« L’objectif principal est la santé des gens. Donc, s’il faut le faire et s’il faut faire d’autres choses, ça va être fait, mais il faut juste le faire correctement parce que lorsque des médicaments arrivent dans un format qui n’est pas habituel, ces médicaments doivent aussi venir avec des précautions pour protéger la santé des gens », a dit le ministre Duclos avant de faire son entrée à la période des questions.

Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos. Archives ONFR+
Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos. Archives ONFR+

Un projet de loi dit le contraire

Sa collègue, la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor n’a pas souhaité faire de commentaires.

Pourtant, dans son propre projet de loi C-13, c’est écrit noir sur blanc que « les obligations juridiques relatives aux langues officielles s’appliquent en tout temps, notamment lors de situations d’urgence ». Cette affirmation avait été ajoutée lors de la deuxième version du projet de loi en mars 2022 après des ratés en termes d’exigences linguistiques durant la pandémie.

En mars 2020, alors que la pandémie de la COVID-19 frappait de plein fouet le pays, Santé Canada avait levé pendant quelques mois l’exigence du bilinguisme pour des étiquettes des contenants de désinfectants et antiseptiques ainsi que des produits nettoyants. Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge avait vivement critiqué ce type de mesures prises durant la pandémie, les qualifiant de « lacunes flagrantes et récurrentes qui peuvent avoir des conséquences néfastes, voire mettre la vie du public en danger ».

Le commissaire aux langues officielles avait dénoncé la décision de Santé Canada sur l’étiquettage au début de la pandémie. Capture d’écran ONFR+

Le conservateur Michael Barrett a justement pris l’exemple du début de la pandémie pour justifier sa demande ajoutant qu’il compte aussi envoyer une lettre à M. Duclos à ce sujet.

« Jusqu’à présent, nous avons entendu dire que le ministre envoie des pensées et des prières. Et pour les mamans et les papas, cela n’est pas suffisant lorsque leurs enfants ont de la fièvre et qu’ils cherchent à les garder à l’aise », a-t-il dit.

Depuis le début de la pandémie

En août dernier, sur Twitter, Santé Canada avait rappelé aux Canadiens de ne pas faire des réserves de médicaments pendant la pandémie. À l’heure actuelle, ce manque touche particulièrement les ingrédients pour analgésiques sous forme liquide tels que les Advil et les Tylenol pour enfants.

Jean-Yves Duclos ne cache pas que le besoin est présent avec l’hiver qui approche et que « dans les derniers mois, la quantité offerte était très proche de la quantité demandée ».

« Donc, on évalue toutes les possibilités. Évidemment l’enjeu de faire venir des médicaments de l’étranger qui ne sont pas correctement étiquetés dans les deux langues officielles doit être traité correctement pour protéger la santé et la sécurité des gens », a-t-il renchéri.

Le NPD et le Bloc en désaccord

Le député du Nouveau Parti démocratique (NPD) Alexandre Boulerice s’est dit en désaccord avec cette proposition des conservateurs soutenant les erreurs commis par Santé Canada sur l’étiquetage au début de la pandémie.

« C’était une erreur et il ne faut pas répéter cette erreur-là. Il faut respecter la minorité francophone. C’est aussi une question de santé et de sécurité. Si on n’est pas capable de lire les instructions sur une bouteille, on peut mal prendre une posologie et se rendre plus malade. »

Le député Alexandre Boulerice. Crédit image : Bernard Thibodeau, House of Commons Photo Services

Pour le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet se dit aussi en faveur de l’accélération du processus, mais à condition qu’on « comprenne ce qui est écrit sur une petite bouteille de pilules ».

« S’il faut que ça devienne un prétexte à renoncer à des formes de maintien de l’application de ce que sont en théorie les langues officielles, je pense qu’il va juste falloir accélérer l’impression de petits papiers dans la bonne langue. »