Plus aucun obstacle à la nomination de Raymond Théberge

Le très probable nouveau commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge.

OTTAWA – Sauf éventuel, et hautement improbable, retournement de situation à la Chambre des communes, Raymond Théberge deviendra bel et bien le septième commissaire aux langues officielles du Canada. Sa nomination a reçu l’appui du comité permanent des langues officielles, ce jeudi 7 décembre, s’ajoutant à celui du Sénat, la veille.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Mardi, M. Théberge avait dû interrompre sa comparution devant le comité permanent des langues officielles à la suite de problèmes techniques dans l’édifice. Le candidat du premier ministre Justin Trudeau pour succéder à Graham Fraser avait maîtrisé son sujet jusqu’à sa réponse très ambigüe sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada. Un commentaire ambivalent qui avait soulevé plusieurs inquiétudes et lui avait valu une interpellation de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

« M. Théberge aura une autre heure de témoignage devant le Comité permanent des langues officielles. Nous espérons bien qu’il saura utiliser cette occasion pour clarifier ce qu’il voulait dire et établir fermement que le bilinguisme des juges à la Cour suprême n’est pas un principe négociable. »

Deux jours plus tard, ce dernier a tenté de rattraper le coup, jugeant que la seconde partie de sa réponse, mardi, était « moins bonne ».

« Je me suis mal exprimé. Le bilinguisme est essentiel, c’est indéniable. (…) Il faut s’assurer, à l’avenir, du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada. Il faut le codifier, il faut une loi. »

Une clarification qui a rassuré le porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke.

« Il a répondu qu’il appuyait le bilinguisme des juges à la Cour suprême de manière très claire aujourd’hui. Il a également dit qu’il était pour des pouvoirs coercitifs. M. Théberge a une bonne connaissance de la loi, il a la volonté de travailler pour améliorer la situation des communautés. C’est vrai qu’il n’a peut-être pas une personnalité combative, mais je donne la chance au coureur. Je vais recommander au caucus conservateur d’appuyer sa candidature. »

Le NPD vote contre

M. Théberge a également tenté de rassurer celles et ceux qui doutent de sa capacité à s’opposer au gouvernement.

« De 1983 à 1985, j’étais le directeur général de la Société Franco-Manitobaine quand on a eu une crise linguistique au Manitoba. Il y a eu des menaces de mort, des incendies… J’ai démontré que je peux confronter le gouvernement. »

Suffisant pour que les membres du comité appuient sa nomination, à l’exception du Nouveau Parti démocratique (NPD) qui a préféré voter contre.

« Ce n’est pas contre la personne, c’est contre le processus. Le gouvernement ne nous a pas consultés comme il aurait dû le faire. Il nous a juste dit qui il était en train de nommer sans nous demander notre avis », a expliqué Thomas Mulcair, qui remplaçait le porte-parole aux langues officielles du NPD, François Choquette. « M. Théberge a beaucoup de qualités, mais on aurait aimé savoir qui étaient les autres personnes. »

Le comité permanent des langues officielles présentera sa recommandation favorable à la Chambre des communes ce vendredi. Le vote des députés ne devrait toutefois pas avoir lieu avant le début de la semaine prochaine.

Le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton a prudemment confié sa satisfaction.

« Il reste quelques étapes, mais je suis extrêmement honoré et heureux de ce poste. Pour moi, c’est un point culminant dans ma vie. »

Le Sénat approuve sans voter

Sa nomination ne fait aucun doute. Face à une Chambre des communes majoritairement libérale, seul le Sénat pouvait s’opposer au choix de M. Théberge comme nouveau « chien de garde » des langues officielles.

C’est justement sur cet aspect que les sénateurs avaient semblé hésiter, en début de semaine, lorsque M. Théberge était venu répondre à leurs questions. Le sénateur Serge Joyal l’avait notamment questionné sur sa capacité à s’opposer au gouvernement. Cette crainte n’a pas empêché la Chambre haute d’approuver sa nomination, le mercredi 6 décembre, sans même avoir à passer par un vote, l’appui étant unanime.

« Je suis heureux que nous ayons un commissaire, mais on va continuer à assumer nos responsabilités en nous assurant que M. Théberge comprend bien son mandat qui est de prendre tous les moyens à sa disposition pour défendre l’égalité linguistique au pays », prévient M. Joyal. « Il y a encore des zones grises dans sa compréhension du statut du français et de l’anglais et du rôle du commissaire, mais nous avons les moyens, grâce aux comités des langues officielles au Sénat et à la Chambre des communes, de suivre son travail et de le convoquer si nécessaire. Disons que notre appui est une probation. »

Une fois confirmé, le Franco-Manitobain deviendra le premier commissaire aux langues officielles issu d’une province autre que le Québec et l’Ontario.


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