Plus de 200 soignants francophones pour renforcer les soins de longue durée

L'apport de nouveaux préposés bilingues à l'automne est accueillie avec soulagement dans les résidences pour aînés. Archives ONFR+

TORONTO – 8 200 nouveaux préposés aux services de soutien à la personne (PSSP) prêts à travailler dans le secteur des soins de longue durée dès l’automne prochain : c’est la cible de l’Ontario qui va financer 216 inscriptions francophones.

La province a annoncé un investissement de plus de 115 millions de dollars pour que 24 collèges, dont La Cité et Boréal, soient en mesure de dispenser ce programme, entièrement financé, à 6 000 nouveaux étudiants.

Le collège La Cité ouvre ainsi 126 places réparties entre Ottawa et Toronto, qui s’ajouteront au 58 en cours de formation. De son côté, le Collège Boréal en ouvre 90, qui compléteront les 65 étudiants actuellement inscrits, dont 18 suivent un programme de formation pilote à Kapuskasing, d’une durée trois mois.

Le programme accéléré lancé par le gouvernement ne durera que six mois, au lieu des huit, habituellement. Après trois mois de cours et d’apprentissage par l’expérience en milieu clinique, les étudiants suivront les trois derniers mois de formation rémunérée dans un foyer de soins de longue durée ou dans un milieu de soins à domicile ou communautaires.

Quant aux étudiants qui suivent déjà cette formation actuellement, ils seront, pour 2 200 d’entre eux, admissibles à une bourse de 2 000 dollars pour les aider à terminer leurs études, et à une allocation pour effectuer le stage clinique de leur formation. 

Une profession à valoriser d’urgence

Les recruteurs potentiels saluent l’initiative. « Grâce à ce partenariat, nous pourrons accueillir une main-d’œuvre qualifiée en santé qui pourra offrir des services de qualité à nos aînés francophones et ainsi favoriser leur qualité de vie », réagit Barbara Ceccarelli, directrice générale du Centre d’Accueil Héritage, à Toronto.

Pour Sean Keays, directeur général du Foyer Richelieu, un centre de soins de longue durée situé à Welland, cela devrait répondre en partie aux besoins de recrutement mais il faudra veiller à maintenir une certaine attractivité de la profession malmenée durant la pandémie.

« Aller chercher des bons préposés bilingues est un défi colossal pour nous. Ça va nous donner une chance mais le gouvernement devrait conserver les augmentations de salaire (temporaires) mises en place ces derniers mois, si on veut garder ces gens dans la durée. » Celle de 3 $ doit prendre fin le 31 mars.

« C’est important qu’on reconnaisse la difficulté de ce métier. Il faut les retenir », insiste M. Keays. « C’est une job très physique et très dure psychologiquement, par exemple quand on perd des résidents, car il y a une attache. Les préposés sont la raison principale pour laquelle les aînés entrent dans un foyer : pour avoir des soins et du service social. Ce personnel met aussi à risque sa propre santé, en temps de pandémie. »

Sean Keays, directeur du Foyer Richelieu, Michaël Dumoulin, directeur de l’Institut des sciences de la santé et de la vie, et Marc Lebel, coordonnateur de la formation PSSP au Collège La Cité. Montage ONFR+

Michaël Dumoulin, directeur de l’Institut des sciences de la santé et de la vie, au Collège La Cité, partage ce constat : « La pandémie a mis en lumière un des corps de la santé qui mérite le plus d’être revalorisé car c’est celui qui passe le plus de temps avec le patient. » En ce sens, il pense que les stages rémunérés proposés par le gouvernement sont une bonne approche.

« Ça fait des années que les gens militent pour de meilleures conditions salariales », ajoute Marc Lebel, coordonnateur de la formation PSSP au Collège La Cité. Selon lui, c’est amplement justifié, surtout à un moment où il manque de personnel. « La charge de travail devient énorme et tout le monde fait du travail supplémentaire, car il y a un manque flagrant de personnel que ce soit des PSSP, des infirmières auxiliaires ou autorisées ».

« Nous devons maintenir nos effectifs » dit la ministre Fullerton

La ministre des Soins de longue durée, Merrilee Fullerton, a reconnu en conférence de presse, ce mercredi, que le taux d’abandon en cours de formation et dans les deux premières années d’exercice était particulièrement préoccupant.

« Nous devons maintenir nos effectifs », a-t-elle déclaré, incluant l’importance d’apporter des soins en français. « Il s’agit de stabiliser un secteur négligé pendant des dizaines d’années et de créer à la fois un meilleur environnement de travail pour les préposés, et un meilleur environnement de vie pour les résidents. On est sur la bonne voie. »

Merrilee Fullerton, ministre des Soins de longue durée. Source : Twitter Merrilee Fullerton

L’objectif affiché de gouvernement est de susciter de nouvelles vocations pour combler, dès l’automne prochain, les postes vacants dans une profession en tension, surtout depuis les ravages de la pandémie.

Ce programme s’ajoute à ceux annoncés ces dernières semaines qui formeront 300 PSSP avec une expérience clinique au départ de leur formation et 371 autres PSSP, suite au récent financement provincial de 4,1 millions de dollars.

« Le gouvernement vient de se réveiller » réagit l’opposition

« Si on veut attirer des francophones dans ce métier, il faut bien les rémunérer », tempête Guy Bourgouin, le porte-parole aux affaires francophones de l’opposition officielle. Il reproche au gouvernement de ne pas avoir agi plus tôt, avant la deuxième vague de COVID-19.

« Ça fait un an qu’on dit au gouvernement d’engager des préposés. En Colombie-Britannique, ils en ont embauché 5 000, au Québec 10 000 et, chez nous, le gouvernement vient de se réveiller. Mais ce n’est pas avec 200 préposés qu’on va soutenir une communauté franco-ontarienne vieillissante qui a besoin de ses services-là. »