Plusieurs manquements en environnement 

La commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand. Benjamin Vachet

OTTAWA – Dans son rapport de l’automne 2015, publié le mardi 26 janvier, la commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand, pointe du doigt plusieurs manquements en matière d’environnement, notamment dans la surveillance des projets de pipelines.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Alors que la veille, lors des premiers échanges de l’année à la Chambre des communes, le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada a occupé une grande partie des échanges, la commissaire à l’environnement et au développement, Julie Gelfand, a, sans le vouloir, soufflé sur les braises du débat entourant ce mode de transport du pétrole et du gaz naturel, jugé par le député conservateur Gérard Deltell comme le « mode le plus sûr ».

Mme Gelfand a pointé du doigt l’Office national de l’Énergie (ONE) coupable de ne « pas avoir surveillé de manière appropriée la mise en œuvre des conditions d’approbation des pipelines ni effectué de suivi adéquat des écarts de conformité des compagnies ». La commissaire à l’environnement et au développement durable juge les systèmes de suivi de l’ONE « désuets et inefficaces ».

L’ONE est l’organisme chargé de fixer les conditions d’approbation des projets de pipelines aux compagnies et de rappeler les règlements en vigueur. Le Canada compte quelque 73000 kilomètres de pipelines transportant du pétrole et du gaz naturel à travers le pays, selon les chiffres fournis par Mme Gelfand. Problème toutefois, une fois le projet approuvé, l’ONE ne fait pas les suivis adéquats pour vérifier si les compagnies se conforment aux exigences requises, ni lorsque celles-ci sont coupables de manquements, s’inquiète la commissaire.

« Cela peut aller de manquements mineurs sur lesquels aucun suivi n’a été fait à des problèmes beaucoup plus majeurs », explique-t-elle, rappelant que trois à dix incidents sérieux ont lieu, chaque année, au Canada.

La sortie de Mme Gelfand ne manquera pas de relancer le débat entre les partisans et les opposants du projet d’oléoduc de 4600 kilomètres, Énergie Est, qui doit permettre de transporter 1,1 million de barils de pétrole par jour de l’Alberta et de la Saskatchewan vers les raffineries de l’Est du Canada et un terminal maritime au Nouveau-Brunswick.

De passage à Montréal, où les propos du maire Denis Coderre contre le projet Énergie Est avaient provoqué l’ire de la chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Rona Ambrose, le premier ministre Justin Trudeau a appelé TransCanada à convaincre la population de la pertinence et de la sécurité de son projet. Plusieurs communautés s’inquiètent des risques environnementaux encourus. La première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, n’a quant à elle pas officiellement appuyé le projet, demandant au préalable plusieurs garanties de sécurité à TransCanada.

« Les constats faits par la commissaire sont alarmants. Il est temps d’agir rapidement pour s’assurer que les conditions fixées par ONE font l’objet d’un suivi rigoureux. Le précédent gouvernement avait tendance à demander aux Canadiens de faire confiance à l’ONE, mais comment avoir confiance lorsqu’on constate les manquements observés par la commissaire? », a réagi le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’environnement et de changement climatique, Nathan Cullen.

Oublis dans les ministères

La commissaire  à l’environnement et au développement durable a également publié deux autres enquêtes sur l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) et sur la mise en œuvre de stratégies de développement durable dans certains ministères. Dans les deux cas, là encore, Mme Gelfand a remarqué plusieurs problèmes.

Selon ses observations, l’ARLA, qui doit réévaluer tous les 15 ans les pesticides homologués au Canada, ne procède pas assez rapidement à cet examen, au risque de laisser en libre circulation des produits dangereux. De même, les pesticides autorisés sous conditions restent en circulation trop longtemps sans que l’information supplémentaire demandée ne soit fournie, note la commissaire.

« Je suis préoccupée par le fait que l’ARLA a mis en moyenne cinq ans – et parfois jusqu’à 11 ans – pour retirer du marché certains pesticides après avoir établi que le produit posait des risques inacceptables pour toutes les utilisations. (…) L’ARLA doit s’activer pour prévenir les risques inacceptables pour les Canadiens et l’environnement. »

Enfin, alors que depuis 1990, il est demandé à 26 ministères et organismes gouvernementaux de tenir compte de l’impact environnemental de leurs projets et programmes, Mme Gelfand a constaté que, sur plus de 1700 projets soumis à Agriculture Canada, l’Agence du revenu du Canada, Patrimoine canadien ou Pêches et Océans Canada, seulement cinq ont suivi cette directive.

« Cela signifie, par exemple, qu’il n’y a pas eu d’information fournie sur d’importants effets environnementaux possibles pour le projet des Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015 », illustre-t-elle. Et de poursuivre : « Cela s’avère particulièrement important pour les ministères fédéraux car ils prennent des décisions relatives à des politiques, des plans et des programmes gouvernementaux qui peuvent avoir des répercussions considérables sur l’économie, la société et l’environnement du Canada. »