Politique culturelle : les francophones attendent de voir

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a dévoilé la nouvelle politique culturelle fédérale du gouvernement, le jeudi 28 septembre, devant le Economic Club of Canada. Une nouvelle vision attendue avec impatience par les francophones de l’extérieur du Québec, et qui est aujourd’hui accueillie avec prudence.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La vision culturelle du gouvernement, baptisée Un Canada créatif, repose sur trois piliers : investir dans les créateurs et leurs récits, promouvoir la découvrabilité et la distribution du contenu canadien à l’échelle nationale et internationale et renforcer la radiodiffusion publique et soutenir les nouvelles locales.

Un plan qui satisfait a priori la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

« Nous sommes encouragés par ce que nous avons entendu, maintenant il va falloir en connaître tous les détails. On donne la chance au coureur, mais on veut voir comment cela va se traduire en termes réels », commente, pour #ONfr, le président, Jean Johnson.

Une entente de 500 millions $ avec Netflix

Parmi les mesures concrètes déjà annoncées, le gouvernement indique qu’il augmentera son financement du Fonds des médias du Canada (FMC), à partir de 2018, afin d’en maintenir le niveau actuel qui est menacé par la baisse des revenus d’abonnement des câblodistributeurs privés. Ottawa contribue actuellement, chaque année, à hauteur de 134 millions $, soit près de 38 % du budget de 349 millions de 2017-2018, mais sa contribution est gelée depuis 2010-2011.

Ottawa annonce également un investissement de 125 millions $ sur cinq ans pour favoriser l’exportation du contenu culturel canadien.

Le gouvernement annonce également qu’il procédera à la révision de plusieurs lois pour les adapter à la réalité d’aujourd’hui, dont la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.

Très attendue et révélée par le réseau CBC la veille de l’allocution de Mme Joly, la ministre a également confirmé une entente avec Netflix de l’ordre de 500 millions $ sur cinq ans. Cette somme devrait être investie dans des productions originales au Canada, dans les deux langues officielles. En échange, le géant américain échappera à la « taxe Netflix », souhaitée par plusieurs acteurs des milieux culturel et politique canadiens.

Pour les membres de l’industrie francophone hors Québec, il est toutefois encore bien difficile de savoir à quel point l’enveloppe annoncée aura un impact. Aucune garantie de production francophone ne semble avoir été émise, même si Netflix devrait investir 25 millions $ dans une « stratégie de développement du marché pour le contenu et la production francophones, y compris dans les communautés francophones minoritaires ».

« On dit bravo pour cette entente, mais on se demande comment nos communautés et nos artistes vont en profiter? », se questionne M. Johnson.

La ministre Joly a assuré à #ONfr que les producteurs francophones de l’extérieur du Québec auront l’occasion de rencontrer Netflix, mais la prudence est également de mise du côté de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

Maggy Razafimbahiny, directrice générale de la FCCF. Crédit image : FCCF

« C’est un bon début, mais, pour paraphraser la ministre Joly, il y a encore beaucoup à faire. Entre ce qui se dit et ce qui se fait, on va voir comment cela va se traduire et comment ça va bénéficier à nos artistes », explique Maggy Razafimbahiny, la directrice générale de l’organisme porte-parole des arts et de la culture de la francophonie canadienne. « On va étudier le plan plus en détail! »

De l’aide pour les nouvelles locales

Mme Razafimbahiny confie à #ONfr avoir notamment encore des inquiétudes pour les médias francophones en situation minoritaire.

Si Mme Joly a annoncé que le plan prévoit un soutien aux nouvelles locales, elle a également précisé que le gouvernement « ne compte pas soutenir des modèles qui ne sont plus viables pour l’industrie ».

« Nous comprenons que nous sommes à l’ère du numérique, mais on ne peut pas aborder cette question de manière uniforme, car la réalité est très différente d’un endroit à l’autre. On aurait également aimé plus de jus sur la question des médias, car les termes utilisés sont assez vagues sur cette question. »

L’Association de la presse francophone (APF) se montre toutefois encouragée par les propos de la ministre du Patrimoine canadien.

Crédit photo : Archives #ONfr

« À première vue, c’est très encourageant. On rappelle l’importance des médias locaux, on parle de financement basé sur le contenu et non plus sur la démographie et d’un appui à la transition numérique… Évidemment, il n’y a pas de chiffres précis et nous les attendons, mais nous sommes satisfaits de voir que la ministre insiste sur l’importance des nouvelles locales, d’autant plus pour les communautés minoritaires », se réjouit le président de l’APF, Francis Sonier.

Dans le plan de Mme Joly, on peut notamment lire : « Pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, l’accès à du contenu dans leur langue est essentiel à la vitalité communautaire et à la fierté collective : outre l’école, les médias locaux, la musique, le théâtre, les institutions culturelles sont des éléments fondamentaux de la vitalité de nos deux langues officielles partout au pays ».

La ministre assure que le gouvernement tiendra compte des réalités particulières des médias minoritaires.

« On va tenir compte de différents paramètres, notamment des endroits où la couverture internet est plus faible, de la différence linguistique et aussi de la question des médias en situation minoritaire qui a toujours été très importante dans notre évaluation du Fonds du Canada pour les périodiques. »