Nathalie Codsi, médecin au chevet des services en français

Montage ONFR

[LA RENCONTRE D’ONFR] 

TORONTO – Nathalie Codsi est une jeune médecin de famille, originaire de Montréal, résidente à Toronto depuis deux ans. La francophone a été plongée dans l’univers des hôpitaux anglophones torontois, où elle a été confrontée aux besoins de la clientèle franco-ontarienne. Elle a observé que, bien souvent, les soins qu’ils reçoivent dans leur langue dépendent… de la chance.

« Comme médecin, en première ligne à Toronto, à quelle fréquence accueillez-vous des francophones? Est-ce assez rare?

En fait, c’est plutôt commun. Mes collègues commencent à savoir que je parle français et ils me réfèrent des patients francophones. Donc dans ma pratique, j’ai plusieurs patients francophones. Ils composent environ 10% de ma clientèle.

Êtes-vous identifiées comme étant capables d’offrir des services en français dans vos hôpitaux?

Pas du tout. On doit se fier au bouche-à-oreille. Bien souvent, ce sont les secrétaires qui me les amènent, car ils savent que je viens de Montréal. Il faudrait une manière plus systématique d’identifier les professionnels de la santé francophones. Ça faciliterait la vie des francophones, qui doivent en ce moment compter sur la chance dans plusieurs régions. Pour être soignés en français, il faut de la chance, actuellement.

Avez-vous quelques exemples de patients francophones qui ont pu profiter de votre aide?

Je me rappelle d’un cas en particulier où une dame était en plein délire. Déjà, d’être à l’urgence, c’est stressant. Elle était désorientée, agressive et d’avoir personne qui parle sa langue, ça empirait la situation. Par hasard, je passais par là et je suis allée la calmer. Le simple fait d’entendre sa langue a changé complètement son attitude. Elle s’est sentie écoutée et comprise. On sous-estime ce facteur.

Et c’était simplement le fait du hasard?

Oui, car personne ne nous identifie en fonction de nos capacités linguistiques. Il y a beaucoup de professionnels de la santé à Toronto qui parlent français. Mais qui? Où? Dans quels quarts de travail? Il faut les identifier et s’assurer qu’ils soient disponibles pour la clientèle.

Avez-vous d’autres idées pour améliorer les services en français?

À l’Université McGill, plusieurs étudiants anglophones suivent un cours de « français médical ». Le français du monde de la médecine est très différent du français courant qu’on utilise au quotidien. Il y a un besoin pour un tel cours ici pour permettre à des médecins francophiles de réellement pouvoir traiter les francophones.

D’un côté, il y a les professionnels qui ne sont pas toujours identifiés comme capables de parler français, mais on voit la même problématique chez les patients qui ne demandent pas toujours des services en français, n’est-ce pas?

Oui, souvent des patients viennent et ils sont gênés de parler français. Ils sont habitués d’avoir à parler anglais. Moi, quand j’entends leur accent, je leur parle dans leur langue maternelle. Et je vois qu’ils sont soulagés.

Certains hôpitaux font-ils figure d’exception en offrant des services meilleurs que la moyenne?

Disons qu’à certains endroits, il y a un service efficace de traducteurs. On voit des urgences où un ordinateur portable nous reliant directement à un service de traduction est disponible en tout temps. Mais dans d’autres hôpitaux, on utilise encore les hauts-parleurs pour tenter de trouver quelqu’un qui peut agir comme traducteur. Pas nécessairement dans le cas du français, cependant, mais plutôt pour d’autres langues.

Comment comparez-vous l’offre en anglais au Québec à celle en français en Ontario?

Au Québec, il y a des services en français. Et en anglais. Et les gens savent où trouver quels services. Ici, les gens ne savent pas où aller. Même si le français est la langue principale au Québec, il est possible d’avoir des bons services en anglais, également.

Personnellement, vous avez fait un choix? Vous resterez en Ontario ou retournerez au Québec?

Il y a des besoins ici et je suis certaine que je pourrais être utile. Probablement que j’aurai une pratique en Ontario et au Québec. C’est l’idée que je caresse en ce moment. J’aime beaucoup l’Ontario et je trouve les services de santé bien organisé. Mais je ne suis pas la seule à soutenir la population francophone! »

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario.