Premiers votants francophones, ils partagent leur expérience

Archives ONFR+

[TÉMOIGNAGES]

Des millions d’Ontariens sont appelés à exercer leur droit de vote, ce jeudi. Parmi eux, beaucoup le font pour la première fois. #ONfr a rencontré quatre de ces premiers votants. Le temps pour eux de partager avec nous ce moment assez spécial. 

ROZENN NICOLLE
rnicolle@tfo.org | @Rozenn_TFO

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Hanane Jaouich | 33 ans | York-Simcoe

Hanane Jaouich est originaire de France. Immigrée depuis 10 ans en Ontario, elle a obtenu sa nationalité canadienne, et par la même occasion, son droit de vote, en juin 2017. Pour son premier scrutin ontarien, elle a choisi le vote par anticipation. Alors en pleine grossesse, elle ne savait pas dans quelle situation elle se trouverait le 7 juin et a souhaité prendre les devants.

« J’étais assez préparée, mais le jour où j’ai été dans le bureau de vote, j’ai quand même eu besoin d’assistance pour être certaine que je faisais tout comme il faut », résume-t-elle. Ses questions, elle les a posées en français, mais très vite, l’anglais a repris le dessus, raconte Hanane Jaouich.

« On m’a dit que le français est la 21e langue la plus parlée ici, et il y a eu un blanc. Pour moi, ça ne justifie pas le fait que je ne peux pas être servie dans la langue du pays. »


 « Sur place, ça a été très rapide, ça m’a pris moins de 10 minutes. » – Hanane Jaouich


Concernant le processus, Hanane Jaouich en retient la simplicité : « J’ai bien aimé le fait de pouvoir m’inscrire en ligne, ce qu’on ne peut pas faire en France. »

Pour prendre sa décision, celle qui a finalement donné naissance à son deuxième enfant, quelques jours avant le scrutin, s’est concentrée sur les questions familiales et les offres concernant la famille.

Pour ce vote, Hanane Jaouich souhaitait faire un choix « informé et réel ». « Je trouve qu’on n’est pas assez informé en français et on doit chercher nos informations seul », regrette-elle, avouant avoir dû se tourner vers les organismes communautaires. Selon elle, on oublie certains premiers votants : « On pense aux jeunes, mais on ne pense pas aux nouveaux citoyens. »

Sabrina Giacomini | 32 ans | Etobicoke-Lakeshore

Québécoise ayant déménagé en Ontario il y a trois ans, Sabrina Giacomini vote pour ses premières élections ontariennes, ce 7 juin. Pour elle, le processus n’est pas si différent que celui de sa province natale : « C’est assez simple », conclut-elle.

Ce qu’elle retient de cette campagne, c’est surtout son côté chaotique : « On dirait du gros cafouillage. » Pour s’informer, elle a suivi les médias traditionnels, mais s’est aussi beaucoup référée aux contenus partagés par son entourage sur les médias sociaux et concernant tous les partis.

Pour elle, l’information a besoin d’être vue dans toutes ses perspectives. En tant que journaliste automobile, vivant et travaillant dans la grande région de Toronto, elle reconnaît adorer ce mode de transport et son importance dans la région, mais prévient également qu’il faut savoir voir l’envers du décor : « C’est sûr que certaines promesses comme celle de réduire le prix de l’essence, sur papier c’est super sexy comme idée mais en bout de ligne, ça rend l’automobile plus accessible, les gens achètent des plus gros véhicules et consomment plus… et puis, 10 cents? Pour combien de temps? »


« L’Ontario, ce n’est pas la planète mars autant que les Québécois le pensent! » – Sabrina Giacomini


Sur les enjeux francophones, Sabrina Giacomini s’avoue cependant moins concernée : « Depuis que je suis ici, je suis quand même étonnée du nombre de francophones que j’ai rencontrés, je n’ai pas eu le sentiment que c’était une espèce en danger. »

À la veille du scrutin, son choix n’était pas encore fait : « Ce sera sûrement sur l’impulsion du moment, à savoir si je vais voter stratégique ou par conviction. On est dans une campagne où le vote stratégique est peut-être plus adapté. ». Selon elle, une chose est certaine : « Les options ne sont pas inspirantes. »

Pablo Mhanna-Sandoval | 18 ans | Carleton 

Depuis plusieurs mois, Pablo Mhanna-Sandoval est dans la lumière. Combat pour le bilinguisme officiel à la Ville d’Ottawa, mais aussi revendications pour une Université de l’Ontario français, le président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) a été très actif.

C’est dans la circonscription de Carleton, dans la banlieue d’Ottawa, que Pablo Mhanna-Sandoval est allé voter, ce matin. Le tout « en famille, et à deux minutes de marche », tient-il à préciser. Pour l’élève de 12e année qui se destine à un Bachelor of Public Affairs and Policy Management (B.P.A.P.M.) à l’Université Carleton, le rendez-vous était important.

Pour lui, « la campagne a été pleine de surprises, un peu comme une série TV ». Le président de la FESFO est en tout cas satisfait de la visibilité des dossiers francophones au cours des quatre dernières semaines.

« Je crois que les sujets ont quand même été amenés. Il y a eu une reconnaissance du vote francophone. »

Pablo Mhanna-Sandoval reste bien entendu secret sur la formation politique choisie.

« Les résultats de ce soir auront des conséquences sur les années à venir », analyse-t-il. « Le gouvernement, par exemple avec des investissements dans le domaine de l’éducation, a vraiment la possibilité de changer la vie des gens. »

L’élève de l’école catholique Franco-Cité a passé le cap de ses 18 ans en janvier dernier. La condition sine qua non pour voter. Sauf que cette règle pourrait être modifiée d’après lui.

« Je suis un grand croyant dans le vote à 16 ans. Cela pourrait booster la participation, et la conscience citoyenne dans notre société. En Autriche ou au Brésil, ce sont des choses qui marchent. »

Caroline Dognon | 18 ans | Beaches-East York 

La voix est encore un peu timide. Caroline Dognon. La campagne l’intéresse-t-elle? « Un peu, mais pas plus que ça. »

Étudiante à l’Université Western Ontario, Caroline Dognon a voté pour la première fois, ce jeudi. Dans la circonscription de Beaches-East York où elle réside, la victoire semble promise aux néo-démocrates.

« Chez moi, avec mes parents, les discussions sur la campagne sont très animées », confie-t-elle. « J’ai regardé un peu les programmes, et j’ai été surprise que le Parti progressiste-conservateur n’ait pas de plateforme. »

À l’université, Caroline Dognon a choisi le programme d’études de la famille. C’est tout naturellement que le thème des frais de garderie soit celui qui a le plus retenu son attention dans les dernières semaines.

« J’ai été assez encouragée par le programme des libéraux pour les garderies gratuites de deux ans et demi à quatre ans. J’ai cru comprendre que les progressistes-conservateurs, eux, voulaient donner de l’argent pour les familles mettant leurs enfants dans les garderies. Je suis moins convaincue. »


 « À 18 ans, on est encore trop jeune pour comprendre les enjeux. » – Caroline Dognon


Sur la question du vote à 16 ans préconisé par le président de la FESFO (voir ci-dessus) et la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Caroline Dognon se montre plus volubile.

« Personnellement, je suis contre. Je trouve qu’à 18 ans, il est encore difficile de faire un choix. »