Preuve d’emploi, le cauchemar des PVTistes à destination de l’Ontario

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Le « V » du PVT (Permis Vacances-Travail) a pris du plomb dans l’aile depuis que le gouvernement canadien conditionne l’entrée des candidats à l’immigration sur son territoire à une preuve d’embauche. La mesure visant à lutter contre la COVID-19 contraint des milliers d’étrangers francophones, de 18 à 35 ans, à se lancer dans une course effrénée à l’emploi, une démarche compliquée depuis leur pays d’origine.

« Je ne sais pas comment je vais faire… Mon rêve canadien tombe un peu à l’eau », lâche Sonye Rebeka Omodella, étudiante française en commerce international. « Trouver un job en Ontario depuis la France est très compliqué, car les employeurs veulent des certitudes : être sûr que vous allez venir et que vous serez immédiatement disponible. »

Des certitudes, c’est justement ce qui manque à la jeune femme qui espérait gagner la province après ses études qui se terminent en juillet prochain. « Je pensais d’abord visiter Toronto durant les premiers mois et commencer à postuler sur place, comme le font tous les PVTistes, mais tout a changé », regrette-t-elle.

Sonye Rebeka Omodella, étudiante en commerce international. Gracieuseté

« C’est dommage que le Canada ferme ses portes. Je m’étais préparée administrativement et financièrement pour venir, mais si je ne trouve pas d’employeur, je vais abandonner et commencer ma vie professionnelle sur un autre continent. »

Au cours de sa recherche d’emploi, Sonye Rebeka Omodella a ressenti une certaine fermeture des employeurs au moment d’aborder la question de son statut. « Il y a des sociétés qui sont ouvertes, d’autres non. On sent qu’ils sont sceptiques. Ils ont peur que vous n’honoriez pas votre engagement une fois sur place. »

Recruter à l’étranger : pas assez dans la culture des employeurs

Tout comme elle, Rachel Wumba Diluka rêve de gagner l’Ontario. Elle dit comprendre cette restriction fédérale, mais aurait voulu plus de souplesse et de compréhension des employeurs.

« Cette mesure est justifiée, car elle limite les voyages et on peut facilement contrôler si les gens se déplacent ou non pour des raisons essentielles, mais il faudrait inciter les employeurs à recruter depuis l’étranger et alléger les démarches. »

« J’ai cherché partout sur les sites d’offre d’emploi en ligne, en me concentrant sur la vente et l’administration, des secteurs qui embauchent surtout des profils bilingues, mais je ne parle pas trop anglais. J’espérais l’apprendre su place », dit-elle. « Et en parlant à des recruteurs, ils te disent tout de suite que leurs clients préfèrent des gens déjà au Canada. Même sur Guichet Emploi, un site gouvernemental, on te demande d’être au Canada. »

Rachel Wumba Diluka, assistante administrative, en région parisienne. Gracieuseté

Cette Française, qui a des compétences et de l’expérience en tant qu’assistante administrative, n’a pas réussi à trouver un emploi lors de ces démarches pour le PVT 2020. Elle retente sa chance en 2021 avec les mêmes difficultés.

Sensible à cette problématique, le consul général de France à Toronto, Tudor Alexis, indique que la difficulté provient du fait que les PVTistes postulent principalement dans des « secteurs sinistrés (par la pandémie et la crise) où il n’y a plus d’activité, surtout dans les services. Ce sont des employeurs qui ont mis la clé sous la porte ».

Mais il y a toujours « une réelle attente en Ontario pour les gens maîtrisant le français et formés en France : la demande est croissante », affirme-t-il, espérant un retour à la normale pour ses compatriotes avec les campagnes de vaccination de part et d’autre de l’Atlantique.

Des barrières même pour les enseignants francophones

Pourtant, tous les PVTistes ne cherchent pas du travail dans les services.

Enseignante à Annecy (France) depuis sept ans, Charlène Martin devrait être avoir l’embarras du choix dans une province qui cherche désespérément du personnel francophone en éducation.

Or, ce n’est pas le cas. Elle voudrait rejoindre sa compagne dans la région d’Ottawa, à l’issue de l’année scolaire, en août. « Je recherche des emplois sur internet et je démarche directement les conseils scolaires avec mes diplômes. J’ai eu deux réponses à mes demandes, pour le moment, dans le Nord et l’Est de l’Ontario. »

« En tant qu’enseignant, je trouve que les démarches sont lourdes, car on nous demande une autorisation d’enseigner et des équivalences de diplôme. On nous demande aussi de faire partie de l’ordre des enseignants alors que, pour en faire partie, il faut un numéro d’assurance social qu’on a pas, car on n’est pas encore au Canada. »

« J’ai tous les diplômes qu’il faut mais ça ne le,ur suffit pas. Je comprends qu’ils ne trouvent pas. La barre est tellement haute que ça peut décourager. » Une situation paradoxale au moment où les conseils scolaires franco-ontariens affrontent une pénurie chronique d’enseignants qualifiés.

La jeune femme garde tout de même espoir. Un troisième employeur de la région de Toronto l’a contactée.

Charlène Martin, enseignante française de Haute-Savoie. Gracieuseté

Les mesures liées à l’offre d’emploi resteront en place tant que les restrictions de voyage seront en vigueur, prévient de son côté Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Rémi Larivière, en charge des relations avec les médias auprès du ministère, affirme que « des mesures existent pour encourager le recrutement de jeunes étrangers par les employeurs ».

Il s’agit toutefois du même dispositif qui était déjà en place avant la pandémie : un employeur qui recrute un PVTiste n’a, par exemple, pas besoin d’obtenir une étude d’impact sur le marché du travail et aucune directive particulière ne s’applique à l’embauche.

En 2019, 52 389 permis de travail Expérience internationale Canada (EIC, dont fait partie le PVT) ont été distribués au Canada en tant que permis de travail ouverts. En 2020, ce chiffre a chuté à 15 691.

« Il est encore trop tôt dans la saison 2021 pour évaluer l’impact total de l’offre d’emploi validée sur le nombre de candidats et sur le programme », indique M. Larivière. « Toutefois, selon les premières indications, il est possible que moins de candidats pour la catégorie vacances-travail reçoivent une invitation en raison de l’exigence d’une offre d’emploi validée. »