Programme de contestation judiciaire : une promesse qui se fait attendre

Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Langues officielles Mélanie Joly (à gauche). Crédit image: Archives ONFR+

OTTAWA – En février 2017, le gouvernement libéral de Justin Trudeau annonçait fièrement le retour du Programme de contestation judiciaire (PCJ), une de ses promesses électorales. Mais plus d’un an a passé et rien ne s’est concrétisé.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Nous sommes préoccupés. Nous comprenons que le gouvernement veut procéder de la bonne façon et que les étapes sont nombreuses, mais ça fait plus d’un an qu’on attend. On veut un retour le plus rapidement possible », lance le président de la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc. (FAJEF), Daniel Boivin.

Le Programme de contestation judiciaire fournit une aide financière aux individus ou aux organismes qui veulent porter une cause linguistique devant les tribunaux. Il a notamment financé en partie la cause de la Fédération des Parents de l’Île‑du‑Prince‑Édouard contre son gouvernement provincial pour obtenir l’ouverture d’une école de langue française dans la région de Summerside.

Créé à la fin des années 70, éliminé en 1992, rétabli en 1993, puis de nouveau supprimé en 2006, il avait été remplacé, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, par le Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL). Un programme plus restrictif qui ne comprenait pas la question des droits de la personne et qui s’est achevé le 31 mars 2017 sans que rien ne vienne le remplacer.

« Beaucoup de causes dépendent de l’argent de ce programme, car c’est cher d’aller devant les tribunaux, surtout pour les communautés francophones en contexte minoritaire. Ce sont souvent des causes complexes. Les procédures sont longues et peuvent se rendre jusqu’à la Cour suprême du Canada », explique M. Boivin.

Il précise toutefois ne pas avoir entendu parler de litige spécifique qui n’a pas pu aller de l’avant faute de retour du PCJ.

« Mais plusieurs avocats qui travaillaient avec le PADL nous ont dit que plusieurs dossiers ont pris du retard… »

Le ministère du Patrimoine canadien assure que « dans le processus de transition vers la nouvelle administration du Programme de contestation judiciaire modernisé, des mesures ont été mises en place pour garantir un transfert des dossiers actifs, c’est-à-dire les causes toujours actives de l’ancien Programme de contestation judiciaire et les causes actuelles du Programme d’appui aux droits linguistiques », sans donner plus de détails sur les mesures en question.

Inquiétude sur le budget

Dans leur plateforme électorale de 2015, les libéraux avaient promis de rétablir et de moderniser le PCJ. Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, ne peut cacher son impatience.

« Ça fait depuis 2015 que nous avons des discussions autour du rétablissement du programme. On attend toujours. Le gouvernement ne semble pas très actif dans ce dossier. Il aurait peut-être fallu qu’il maintienne le Programme d’appui aux droits linguistiques, le temps de créer le nouveau programme. »

Autre source d’inquiétude, depuis la fin du PADL en 2017, les 5 millions annuels qui devaient être consacrés au nouveau PCJ n’ont pas été dépensés cette année et pourraient être perdus.

« Nous demandons au gouvernement de réinvestir cette somme dans le budget du programme dès que celui-ci sera rétabli », lance M. Johnson.

Sur le bureau de la ministre

En septembre, le gouvernement fédéral avait annoncé que le nouveau PCJ serait administré par l’Université d’Ottawa. Il avait également désigné cinq personnes pour recommander des candidats pour siéger sur les deux comités d’experts qui détermineront les causes à financer.

Le professeur de droit et spécialiste en droits linguistiques de l’Université d’Ottawa, Pierre Foucher, qui travaille sur le projet, assure que les choses avancent.

« Il faut déplorer que le Programme de contestation judiciaire ne soit pas encore remis sur pied, mais pas s’en inquiéter. Les choses avancent. Des recommandations pour former les deux comités d’experts ont été envoyées à la ministre [du Patrimoine canadien]. Une fois les comités formés, il faudra établir les critères d’admissibilité des dossiers qui seront présentés. »

Une équipe administrative doit aussi être recrutée pour gérer le Centre canadien du programme de contestation judiciaire (CCPCJ), afin d’appuyer le travail de deux comités.

La FCFA espère l’aide de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly pour faire avancer le dossier. Mais contacté par #ONfr, son bureau répète la même réponse que deux mois plus tôt.

« Bien que nous travaillions de manière à ce que le programme soit opérationnel le plus tôt possible, il est également important de s’assurer que la sélection des membres des comités d’experts se déroule avec l’attention, la diligence et la transparence qui s’imposent. »


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