Que valent les annexes en immigration francophone?

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de Citoyenneté Canada, Ahmed Hussen. Crédit photo: Archives

OTTAWA – Fin avril, l’Ontario a dévoilé l’annexe francophone qui s’ajoute à son entente en immigration avec le gouvernement fédéral. La province suit ainsi les pas du Nouveau-Brunswick qui, en mars 2017, avait signé une entente similaire. Un an plus tard, les résultats sont encore difficiles à évaluer, mais l’initiative est intéressante, s’accordent à dire des spécialistes en immigration.

« Un tel document démontre un engagement de la part des gouvernements en matière d’immigration francophone, alors que les cibles n’ont jamais été atteintes. Cela donne des précisions sur ce qu’on peut s’attendre à voir mis en place », juge le professeur de l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia, Chedly Belkhodja.

Un avis que partage Christophe Traisnel, professeur à l’École des hautes études publiques (HEP) de l’Université de Moncton.

« Il ne faut pas négliger l’impact de ces annexes, car un gouvernement ne signe pas de telles ententes à la légère. Ça donne un coup de boost pour de nouvelles initiatives. C’est toujours plus facile quand la volonté des gouvernements est inscrite noir sur blanc. »

Lors de son récent passage devant le comité permanent des langues officielles, le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC), Ahmed Hussen avait d’ailleurs cité ces annexes pour montrer la volonté de son gouvernement d’atteindre les cibles.

« Ces annexes nous permettent de partager les informations pour atteindre les cibles que se fixent les provinces et le fédéral. »


« Il ne faut pas oublier que le critère linguistique n’est pas le seul critère de la politique migratoire du Canada. Le critère économique l’emporte de très loin. » – Christophe Traisnel


S’il reconnaît la bonne volonté des différents gouvernements actuellement, M. Traisnel prône la patience, car la route est encore longue en immigration francophone.

Les provinces s’engagent

Le fédéral garde le dernier mot, souligne le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Croissance démographique, Gilles LePage, qui gère le dossier de l’immigration au Nouveau-Brunswick.

« C’est un travail de longue haleine, mais nous sommes très encouragés. L’annexe en immigration francophone solidifie ce que nous faisons sur le terrain et offre de meilleures garanties à long terme. Il y a une excellente collaboration, même si c’est toujours le fédéral qui a le gros bout du bâton. »

Pour M. Belkhodja, de telles ententes spécifiques en immigration francophone démontrent l’implication naissante des provinces dans le dossier.

« Petit à petit, les provinces commencent à penser à des stratégies plus ciblées, plus précises. Elles comprennent qu’elles ont un rôle à jouer et le fédéral leur laisse plus de place pour le faire. »

Car pour séduire, chaque province doit adapter son message, estime le professeur de l’Université Concordia.

« L’Ontario et sa métropole Toronto attirent, ce sont des destinations de choix. Mais pour que ça se concrétise, il faut développer une stratégie de promotion et de recrutement et s’assurer de répondre aux questions très précises que se posent les candidats au moment de choisir où ils vont aller. Ce serait également important d’intégrer des employeurs avec des postes à pourvoir. »

Le travail de promotion et de recrutement fait d’ailleurs partie des points communs et majeurs des annexes signées par l’Ontario et le Nouveau-Brunswick.

Encore peu de résultats visibles

Plus vieille d’un an, celle signée entre les gouvernements de Justin Trudeau et de Brian Gallant, il y a plus d’un an à Moncton, n’a pas encore donné de résultats très visibles sur le terrain. Elle s’étend toutefois sur cinq ans, ce qui laisse encore du temps pour une analyse.

« On pourra sans doute en mesurer son impact au bout de quatre ans », évalue M. Traisnel.

Le professeur de l’Université de Moncton note toutefois certaines initiatives sur le terrain, prenant pour exemple le Programme de rétention des étudiants internationaux, géré par le Centre d’accueil et d’accompagnement francophones des immigrants du Sud-Est du Nouveau-Brunswick (CAFI).

« C’est un programme très intéressant, car les étudiants internationaux sont de bons candidats. Ils sont déjà sur place et déjà intégrés. Leur défi, c’est de trouver un emploi sur place et ce programme les prépare au marché du travail local et leur offre des cours d’anglais, ce qui est important dans une province bilingue. »

Le ministre LePage reconnaît que les étudiants internationaux sont une des cibles privilégiées par sa province, qui vise 30 % d’immigrants francophones d’ici 2020, afin de combler les besoins dans les secteurs des technologies, de la santé, du camionnage et des services.

Ressources nécessaires

L’exemple du CAFI démontre que les organismes doivent également se servir de ces annexes, souligne M. Traisnel.

« Les organismes ont la responsabilité d’être vigilants et de surveiller que ces annexes sont suivies d’effet. Ils ont le savoir-faire, ils sont sur le terrain. »

Reste la question financière, rappelle M. Belkhodja. Le gouvernement fédéral a annoncé 40,8 millions de dollars sur cinq ans pour l’immigration francophone dans son Plan d’action pour les langues officielles. Mais divisée entre les provinces et les territoires, l’enveloppe sera-t-elle suffisante?

« Cela prend des ressources pour engager les employeurs, faire de la promotion et du recrutement, puis accueillir et intégrer des nouveaux arrivants. »


POUR EN SAVOIR PLUS :

L’Ontario et le Canada dévoilent leur plan pour l’immigration francophone

Immigration : une lentille francophone pour l’Entente Ontario-Canada