Queen’s Park : le gouvernement n’a pas encore rassuré les francophones

Le premier ministre, Doug Ford, et la Procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney. Crédit image:

TORONTO – La « session d’été » de Queen’s Park, qui s’est terminée ce jeudi, a été intense jusqu’au bout. Sans tirer à boulets rouges sur le gouvernement progressiste-conservateur, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) estime que le premier ministre, Doug Ford, et son équipe, devront à long terme faire mieux vis-à-vis des francophones.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

« À ce moment-là, on ne parlera pas fort, on veut donner du temps au nouveau gouvernement pour s’organiser », affirme le président de l’organisme porte-parole des francophones, Carol Jolin. « Il y avait des élus, début juillet, qui cherchaient encore un logement et ne s’étaient pas mis encore dans les dossiers. On donne six mois pour que les ministres connaissent les dossiers, après on va parler sérieusement. »

Une éclaircie tout de même : la confirmation par le gouvernement que l’Université de l’Ontario français (UOF) sera bel et bien bâtie. « Un bon point », salue l’AFO. « Nous reconnaissons l’importance de cette nouvelle université pour la communauté francophone de l’Ontario et nous voulons lui accorder l’attention et le soutien qu’elle mérite », avait fait part le gouvernement dans un communiqué envoyé le 23 juillet.

Un geste sans saveur pour certains. À commencer par la critique aux Affaires francophones du Parti libéral, Marie-France Lalonde. « Ils ont juste dit qu’ils ne coupaient l’UOF. Ils n’ont rien créé. La sanction royale a déjà été donnée, et le conseil des gouverneurs est en marche. »

Mais aux termes de cinq semaines de débats à l’Assemblée législative de l’Ontario, la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, n’a pas apporté de garanties sur la question de la Loi sur les services en français. Depuis plusieurs années, l’AFO, le commissaire François Boileau, mais aussi l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) demandent une refonte de la loi emblématique de 1986.

« C’est une revendication toujours présente », fait part M. Jolin, un poil prudent. « Nous avons rencontré Mme Mulroney, il y a quelques semaines. Elle m’a assuré qu’elle était passée à travers les Livres blancs que nous avons rédigés. »

Autre sujet qui inquiète : le doublement de l’enveloppe du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO). Dans le budget voté au printemps, les libéraux s’étaient engagés à faire passer à 2 millions de dollars les subventions octroyés annuellement pour les organismes francophones.

« J’ai parlé à Caroline Mulroney du PAFO, mais je n’ai aucune réponse », assène Marie-France Lalonde. Et d’ajouter : « Pour le moment avec Mme Mulroney, ce n’est pas encore une approche de collaboration en ce qui me concerne. La francophonie ne doit pas avoir de couleur politique. »

« Nous voulons vraiment que Mme Mulroney soit au courant des besoins », ajoute M. Jolin. « Les demandes des différents organismes pour le premier exercice du PAFO se sont élevées à 8 millions de dollars. »

Passage à 25 élus à Toronto

Au-delà des sempiternelles demandes (Loi sur les services en français, PAFO), le vote d’une loi pour réduire la taille du conseil municipal de Toronto, mardi dernier, a semé le doute. À partir de décembre, ils ne seront plus 47, mais 25 sur les bancs municipaux de la Ville reine.

L’hôtel de ville de Toronto. Archives #ONfr

Fin juillet, l’Association des communautés francophones de l’Ontario (ACFO) de Toronto avait d’emblée émis des craintes sur ce qui n’était alors qu’un projet de loi. « En diminuant le nombre de conseillers municipaux, ceux qui resteront auront encore plus de dossiers à gérer et ce sera encore plus difficile de faire entendre nos revendications », déclarait alors son président Constant Ouapo, en entrevue pour #ONfr.

Un son de cloche sensiblement le même pour la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard. « Le conseil va devoir faire le même travail avec 25 élus. Cela va être plus d’enjeux pour eux et un plus gros territoire à couvrir. Vont-ils dès lors prendre le temps pour se pencher sur la francophonie? »

« Relation en construction »

On le comprend donc, l’AFO reste pour le moment sur sa faim. Pourtant, fallait-il espérer autre chose du nouveau gouvernement? « C’est à peu près à quoi on pouvait s’attendre », souligne Mme Chouinard. « Certains, la plupart des partisans libéraux, étaient très alarmistes, d’autres voix étaient plus rassurantes. Ce que l’on peut voir en ce moment, c’est que la population francophone n’est pas vraiment dans la ligne de mire du nouveau gouvernement. »

Pour la politologue, s’il apparaît clairement que la francophonie « n’a pas été au cœur des premiers débats », il faut aussi relativiser. « La relation de Doug Ford et des francophones est en construction. Le premier ministre s’est davantage consacré à mette à sa jour sa grande plateforme électorale. »

Stéphanie Chouinard, politologue au Collège militaire de Kingston. Archives #ONfr

Ironie du sort, il y avait au final une portion de français, mercredi, dans la déclaration du ministre de l’Énergie, Greg Rickford, sur la nomination d’un nouveau conseil d’administration à Hydro One. « Promesse faite, promesse tenue », s’est il exclamé. « Le milieu médiatique doit continuer à mettre la pression et rappeler au gouvernement qu’il y a une population francophone », analyse Mme Chouinard.

La session parlementaire doit maintenant reprendre le 24 septembre prochain.

À noter que Caroline Mulroney, et France Gélinas, critique néo-démocrate aux Affaires francophones, n’ont pas donné suite à nos demandes d’entrevue au moment de mettre ces informations sous presse.