Quelle vie après la FESFO? Quatre anciens présidents témoignent

Les élèves défilent lors des Jeux franco-ontariens à Rockland en 2010. Gracieuseté: FESFO

[TÉMOIGNAGES]

OTTAWA – C’est ce dimanche que Pablo Mhanna Sandoval quittera officiellement son poste du président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO). Depuis 1978, ils sont 42 à l’avoir précédé dans cette fonction. En marge des Jeux franco-ontariens toute la fin de semaine à l’école Omer-Deslauriers d’Ottawa, #ONfr a retrouvé quatre anciens présidents. En exclusivité, ils acceptent de nous partager leur expérience et de s’épancher sur leur nouvelle vie… jamais éloignée de la francophonie.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Julie Mitchell (Présidente 1991-1992)

Les Jeux franco-ontariens ne sont pas encore crées lorsque Julie Mitchell d’Ottawa est élue présidente de l’organisme porte-parole des élèves du secondaire, en 1991. Le début des années 1990 est une époque de revendications pour les Franco-Ontariens. Il s’agit de se doter d’un deuxième collège, après celui de La Cité collégiale ouvert à Ottawa, et d’obtenir – déjà – une université de langue française.

« Les canaux de communication étaient alors très différents pour faire pression sur les politiciens. Ce n’était pas encore l’époque d’Internet », raconte Mme Mitchell. « On avait, par exemple, envoyé des matériaux de construction au bureau du premier ministre, Bob Rae, pour symboliser notre volonté de construction de collèges francophones. Nous lui avions aussi écrit une lettre géante dans le même but. »

Employée de la FESFO par la suite où elle anime plusieurs ateliers, l’ancienne présidente s’exile en 1998, à Montréal, où elle commence à travailler pour le Cirque du Soleil. 20 ans après, elle y opère toujours comme directrice des opérations.

« La francophonie est plus facile à Montréal. Mes trois enfants, ici, ne vivent pas les mêmes réalités qu’en Ontario. On partage à nos enfants ce que représente la vie en milieu minoritaire. En étant majoritaire, on ne se rend parfois pas compte des privilèges que l’on peut avoir. »

Mariée à un Franco-Ontarien, l’ancienne élève du Collège catholique Samuel-Genest n’est finalement qu’à deux heures de route de son ancien domicile. À savoir si la francophonie de 1991 est différente de celle de 2018, Mme Mitchell est catégorique. « Ce sont encore les mêmes thèmes et les mêmes choses qui reviennent, mais nous avons maintenant accès à de l’information immédiate. C’est donc mieux pour faire de la pression! »

Noémi Paquette (Présidente 2002-2003)

Le printemps 2002, date de l’élection de Noémi Paquette à titre de présidente, succède aux années de la Crise de Montfort. Les Franco-Ontariens connaissent une nouvelle embellie. Le drapeau vert et blanc vient d’être reconnu officiellement à Queen’s Park.

« Nous travaillions à l’époque sur la Politique d’aménagement linguistique de l’Ontario. Il fallait, par exemple, s’assurer par ce programme que la culture soit transmise aux élèves dans les écoles franco-ontariennes, s’assurer par exemple d’avoir des animateurs dans les écoles. »

Du pain sur la planche en somme ponctué par un grand souvenir : l’organisation des Jeux franco-ontariens en 2003. « C’était les 10èmes Jeux, et c’est moi qui les ai organisés dans ma ville, à Sudbury! »

Les Jeux franco-ontariens de 2003 à Sudbury. Crédit image : Facebook FESFO

15 ans plus tard, Noémi Paquette a fait son chemin. L’ex sudburoise a changé de province, mais pas vraiment de latitude. C’est à Québec qu’elle officie aujourd’hui comme avocate en droit criminel. « La politique pour moi, c’est ma carrière, et me battre contre les injustices. » Elle est mariée à l’historien franco-ontarien, Serge Dupuis.

« La francophonie à Québec est différente. Je dirais plus insouciante face à la fragilité de la langue française. Avec mon mari, les gens ne s’attendent pas forcément à ce qu’on parle en français à nos enfants. »

Pas de doute cependant : la francophonie en Ontario a tout de même bien changé au cours des dernières années. « Les conseils scolaires sont maintenant bien établis. La jeunesse peut se tourner vers d’autres enjeux, comme l’Université de l’Ontario français. Je suis fière de voir que le modèle proposé, qui n’est pas assez provincial, soit critiqué. »

Denis Fugère (Président 2003-2004)

Jeux franco-ontariens de Cornwall en 2004. Devant 1 100 élèves, le président de la FESFO, Denis Fugère, s’apprête à vivre l’un des moments les plus intenses de son existence. « Je devais faire un discours à titre de président. Finalement, sur une chanson ridicule, j’ai réussi à faire danser ces 1 100 personnes. Ce genre de moment m’a permis définitivement de trouver ma place. »

Né au Québec de père militaire, Denis Fugère voyage beaucoup, avant de s’établir dans la région d’Ottawa en 2000. C’est à l’école secondaire catholique L’Escale de Rockland qu’il tombe dans le bain de la francophonie ontarienne. « Je ne suis pas un Franco-Ontarien de souche, mais je me considère comme un Franco-Ontarien quand même. »

Denis Fugère a été élu président de la FESFO en 2003. Crédit image : Facebook.

Son année de présidence n’est pas de tout repos. En octobre 2003, l’Ontario connaît une transition politique majeure. Les libéraux de Dalton McGuinty succèdent aux progressistes-conservateurs d’Ernie Eves. « Je me promenais d’école en école. Je me souviens qu’on avait fait une mise en situation, avec le thème des subventions accordées aux écoles. Certains élèves jouaient les représentants de chaque parti pour faire comprendre l’enjeu aux autres. »

Denis Fugère ne s’est jamais éloigné des écoles justement. C’est à l’établissement Saint-Jean-Paul II de Stittsville qu’il enseigne aujourd’hui les arts. « 40 kilomètres séparent Stittsville de Rockland, mais la fierté est très différente. Dans l’Ouest d’Ottawa, on est vraiment dans une découverte de la francophonie. »

L’ancien président se lancera-t-il un jour en politique? Petite hésitation. « À l’école secondaire, on me disait déjà que je devais faire de la politique. Si une vie politique m’appelle un jour, pourquoi pas… »

Jean-Philippe Héroux (Président 2013-2014)

Dans l’Ontario, la famille Héroux n’est pas inconnue des organismes. Le père, Jacques, est l’actuel président de l’Association canadienne-française de l’Ontario, de Prescott et Russell . Il y a aussi, la fille, Marie-Pierre, co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), sans oublier, le fils, Jean-Philippe, ancien président de la FESFO. « Quand on est en famille, c’est toujours une mise à jour de qui fait quoi », résume ce dernier.

Son accession à la tête de l’organisme en 2013 est un moment clé. On recommence à parler de plus en plus d’une université franco-ontarienne. Un projet dans lequel la FESFO embarque. « À titre de président, il y a tout un travail d’équipe. Tu dois agir dans le monde des adultes. J’ai pu atteindre un niveau de maturité assez rapidement. Ça m’est très utile, aujourd’hui. »

L’ancien président, Jean-Philippe Héroux. Crédit image : Antoine Ryan.

Au collège La Cité présentement, M. Héroux termine son programme en Soins paramédicaux. Assez pour utiliser le français dans ses expériences professionnelles? « Disons que malheureusement, l’Ontario est une province unilingue, mais être franco-ontarien reste quand même un atout pour le travail. »

Parmi les deux expériences les plus valorisantes de son mandat, l’ancien élève de l’école secondaire catholique d’Embrun hésite. « Il y a eu le Prix Jeunesse Thomas-Godefroy obtenu au Banquet de la francophonie de Prescott et Russell, la cerise sur le sundae, mais aussi la motivation que j’ai ressentie pour les Jeux franco-ontariens à Hearst, en 2014. »

Quatre ans plus tard, M. Héroux, très occupé, regarde l’avenir avec sérénité, mais refuse de voir trop loin. « Je ne fais pas des plans, cinq ans avant. Plus tard peut-être, je trouverai le temps libre pour plus m’impliquer. »