Qui a le meilleur plan financier dans cette élection?

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TORONTO – Les électeurs ontariens ont été bombardés de chiffres et de promesses au cours des dernières semaines. Afin d’y voir plus clair, #ONfr revient sur certaines d’entre elles avec deux experts dans les questions budgétaires.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Les dépenses du NPD

Dans la première année d’un gouvernement néo-démocrate, le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est engagé à dépenser près de 158 milliards de dollars, comprenant une augmentation du financement des hôpitaux évaluée à 363 millions de dollars, ainsi que 312 millions de dollars pour l’ajout de 2 000 nouveaux lits. En tout, le NPD souhaite dépenser 5 milliards de dollars de plus que l’actuel gouvernement libéral.

Pour financer ses promesses, le NPD s’engage à augmenter l’impôt sur le revenu pour les plus riches, ce qui doit rapporter 606 millions de dollars de plus dans les poches de l’état et une augmentation de la taxe sur le tabac, qui rapportera 233 millions dollars de plus.

Au final, le NPD estime être en mesure de faire un déficit de l’ordre de 4,71 milliards de dollars pour sa première année. À noter que dans une première version de sa plateforme, le NPD prévoyait un déficit de plus de 3 milliards de dollars, mais s’est ravisé après une « erreur comptable ».

À noter que plusieurs programmes, comme le système d’assurance dentaire universel, évalué à 670 millions de dollars, entreront en vigueur dans une deuxième année d’un gouvernement néo-démocrate.

Pour la politologue de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier, les programmes d’assurance dentaire et d’assurance médicaments universelles risquent de coûter beaucoup plus cher que les estimations du NPD.

Les plans du parti prévoient que les employeurs qui fournissent déjà des assurances de ce type à leurs employés devront continuer de le faire. Or, pour Mme Tellier, ces entreprises risquent d’être tentées de laisser la place au public afin de réduire leur coût, ce qui fera augmenter la facture pour les contribuables.

Pour l’économiste indépendant, Donald Rumball, les promesses faites par la formation politique d’Andrea Horwath restent un pari.

« Le problème avec le fait de vouloir plus taxer les riches, c’est qu’ils ont plus de moyens afin de trouver des échappatoires à ces nouvelles mesures », note-t-il.

Il croit également que Mme Horwath fait un pari risqué en demandant aux entreprises de payer plus. Pour lui, les entreprises pourraient être tentées d’aller faire affaires ailleurs, bien qu’il note que les impôts pour les entreprises sont déjà peu élevés en Ontario.

Des questions à répondre chez les progressistes-conservateurs

Le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, est le seul parti à ne pas avoir présenté de programme entièrement chiffré. Depuis le début de la campagne, Doug Ford, le chef du Parti PC, n’a donné que très peu de détails sur ses engagements qui permettraient de générer de nouveaux revenus. Au cours des derniers jours, la formation politique a détaillé certaines mesures, comme la fin du système de plafonnement et d’échange sur le carbone, qui génère annuellement 1,9 milliard de dollars par année en revenu d’État. M. Ford n’a pas proposé d’alternative à cette perte de revenus.

Doug Ford a aussi promis de réduire de 20 % les impôts de la classe moyenne, ce qui coûtera 2,26 milliards de dollars par année, et de réduire la taxe sur l’essence de 10 cents le litre. Cette mesure est évaluée à 1,19 milliard dollars par année.

Certaines mesures ont été avancées pour générer de nouveaux revenus, notamment la promesse faite par M. Ford de trouver des « efficacités » dans la fonction publique.

Selon Donald Rumball, il n’est pas impossible de trouver des économies à grande échelle, mais cela nécessite une restructuration majeure de l’appareil gouvernemental.

« Ce n’est pas une tâche que l’on peut faire en six mois ou un an, ça pourrait prendre plusieurs années », explique-t-il en entrevue à #ONfr.

Donald Rumball doute que ces économies puissent être trouvées rapidement sans perte d’emploi.

« Quatre ans, c’est trop peu pour revoir l’appareil gouvernemental dans son ensemble. On parle ici d’un travail qui pourrait prendre une décennie », estime-t-il.

Même son de cloche chez Mme Tellier. Le « ménage » de la fonction publique est un travail de longue haleine, qui pourrait même nécessiter une commission d’enquête. Elle voit mal arriver à un résultat sans perte d’emplois.

En vertu de ce que l’on sait du plan de M. Ford, Mme Tellier note une absence de ligne directrice, ce qui rend difficiles ses priorités rendues au pouvoir et surtout où se trouveront les « efficacités » qu’il a promises.

Le plan fiscal des libéraux

Le Parti libéral de l’Ontario (PLO) prévoit faire un déficit de 6,7 milliards de dollars pour la prochaine année fiscale et un retour à l’équilibre budgétaire en 2024. L’an dernier, le gouvernement Wynne était arrivé à l’équilibre budgétaire, mais a justifié le retour au déficit en indiquant que plusieurs Ontariens étaient toujours laissés pour compte.

Ses nouvelles dépenses comprennent un programme d’assurance médicaments au 65 ans et plus, une mesure évaluée à 575 millions de dollars, et a augmenté le budget des hôpitaux de 4,6 % au lieu de 3,3 % comme prévu. Cette dernière mesure devrait coûter 822 millions de dollars aux contribuables.

Selon M. Rumball, il existe toujours un doute sur les chiffres avancés par l’administration Wynne à cause du conflit comptable entre son gouvernement et la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk.

Mme Tellier n’est pas du même avis. Pour elle, la vérificatrice générale aurait dû avoir plus de nuance dans son analyse. Somme toute, elle estime que le plan des libéraux répond à un besoin de l’électorat et que l’expérience du pouvoir de Mme Wynne pourrait lui servir.

Qui a un plan réaliste?

Lorsque questionné à savoir qui a le meilleur plan financier, Donald Rumball n’hésite pas à répondre : « personne », lance-t-il.


« Les libéraux ont triché avec les finances publiques, le NPD va créer une spirale de déficits et le Parti PC n’a aucun plan. » – Donald Rumball


Il nuance toutefois son propos en indiquant que Mme Wynne a l’expérience du pouvoir, ce qui lui donne un avantage sur le plan financier.

Geneviève Tellier croit, pour sa part, que la question du meilleur plan revient à une question de préférence. Elle est également d’avis que Mme Wynne part avec une longueur d’avance du fait qu’elle a géré les coffres de l’État depuis les cinq dernières années.