Recensement : des indicateurs négatifs pour les Franco-Ontariens

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[ANALYSE]

OTTAWA – On en sait maintenant un peu plus sur le visage démographique de l’Ontario. Certes, il faudra attendre le mois d’août pour que les données comprennent la lentille des langues officielles, et même octobre, pour les chiffres de l’immigration. Deux critères qui permettront de dresser un portrait exhaustif de la communauté franco-ontarienne.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Mais les premiers indicateurs du recensement de 2016 publiés mercredi ne sont pas forcément une bonne nouvelle pour les Franco-Ontariens.

Si les chiffres ne font état que de l’évolution de la population et des logements, cette première lecture ne va dans les sens des 542 000 Franco-Ontariens qu’avait identifiés Statistique Canada en 2011.

Premier indice : beaucoup de villes en proie à une décroissance de la population sont avant tout des places où vivent les francophones. C’est surtout vrai dans le Nord avec Timmins (- 3,2 %) ou encore North Bay (-2,6 %). Avec une croissance de 0,8 %, le Grand Sudbury fait aussi pâle figure. Bien loin en tout cas de la moyenne de 4,6 % affichée par l’Ontario.

Un rapide coup d’œil vers les municipalités où les Franco-Ontariens sont encore majoritaires n’est guère rassurant. À Hearst, la population a légèrement baissé (- 0,4 %), tout comme à Hawkesbury dans l’Est ontarien (- 1,3 %). Plus inquiétant, Casselman, dont la croissance était jusqu’à maintenant à deux chiffres, commence à se vider (- 2.2 %).

Deuxième élément peu avantageux pour les Franco-Ontariens : le phénomène d’étalement urbain qui s’est accentué par rapport au recensement en 2011. Concrètement, la population est plus dispersée, et loin des centres-villes.

La croissance de population est désormais plus faible dans la grande région métropolitaine de Toronto qu’elle ne l’était auparavant. En contrepartie, les Ontariens sont de plus en plus nombreux à venir s’établir à Guelph, Oshawa, ou encore Kitchener-Cambridge-Waterloo. À une heure de route environ du centre-ville de Toronto…

À l’aune de ces résultats, les données du mois d’août montreront probablement une population franco-ontarienne plus dispersée. Pour une minorité linguistique, c’est bien sûr une mauvaise nouvelle et une force de frappe diminuée.

C’est aussi la preuve que la volonté du commissaire aux services en français, François Boileau, de faire de la province « une seule et même région désignée » prend ici tout son sens pour mieux servir une population plus disséminée.

Les démographes étaient en tout cas assez formels à la sortie des bureaux de Statistique Canada mercredi dernier : l’Ontario n’a probablement pas bénéficié de l’immigration comme auparavant. Une hypothèse qui expliquerait le fait que la province se situe pour le second recensement consécutif en-dessous de la moyenne nationale (5 %).

Or, pour les Franco-Ontariens, l’immigration est souvent vue à juste titre comme la solution pour dynamiser ses effectifs. Car les 542 000 francophones de l’Ontario (611 500 selon la définition inclusive de l’Office des affaires francophones) ne pèsent pas lourd parmi les plus de 13 millions d’Ontariens.

Un Ontario moins attractif ne répondra donc pas totalement aux exigences des leaders franco-ontariens. Surtout au moment où l’on commence à développer l’intérêt d’immigrer dans « l’Ontario français » par le levier de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

La preuve aussi que sur le dossier de l’immigration, le gouvernement ontarien reste non seulement tributaire des décisions d’Ottawa, mais aussi des flux migratoires. On pourra toujours arguer qu’il appartient aux dirigeants de donner une impulsion économique susceptible d’attirer, la marge de manœuvre est quand même étroite…

À l’heure où l’on veut célébrer la « présence francophone » devant Queen’s Park avec un Monument, un nouveau recul démographique des Franco-Ontariens serait une note assez amère.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 11 février.