Recensement : les failles de l’immigration francophone en région

Montage photo #ONfr

TORONTO – Les nouvelles données du recensement illustrent les difficultés de l’Ontario à attirer des immigrants francophones en dehors des grands centres, selon un des experts de Statistique Canada. Sur le terrain, un organisme dit qu’il faut revoir la stratégie.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« C’est le même phénomène dans l’Est et le Nord de la province. Malgré une population vieillissante, les communautés ne réussissent pas à accueillir beaucoup d’immigrants, encore moins de langue française », explique Jean-Pierre Corbeil, spécialiste des données sur la langue chez Statistique Canada

Il s’intéresse, par exemple, à la situation à Sudbury. « Il y a peu d’immigrants qui choisissent le Grand Sudbury. Ils ont perdu 1 500 personnes qui parlent le français entre 2011 et 2016 », observe-t-il. Pourtant, les villes du Nord ont un besoin criant de nouveaux citoyens. « Il y a dans les régions une population vieillissante et on constate que les enfants francophones vont vers les centres urbains », dit-il.

La situation n’est pas plus rose dans le secteur de Glengarry-Prescott-Russell, souligne-t-il. « Le défi est grand là-bas, alors que plusieurs vont plutôt être tentés d’aller à Ottawa, plutôt que de s’installer en région. Ça provoque une situation très difficile avec, là aussi, une population vieillissante. »

Si des données du recensement 2016 plus précises sur l’immigration seront dévoilées le 25 octobre prochain, l’expert affirme que les régions ont le devoir de se faire connaître davantage et de miser sur leurs forces. « Pour atteindre les cibles en immigration francophone, il faut attirer des immigrants internationaux ou même des autres provinces. Il faut mettre de l’avant les opportunités et les emplois disponibles », dit-il.

« Des bureaucrates de Toronto représentent l’Ontario français »

Christian Howald, coordonnateur de projet du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario, ne s’étonne pas des résultats du recensement hors des grands centres. « Ce sont des bureaucrates de Toronto qui représentent l’Ontario français. L’immigration francophone en région est aléatoire, alors qu’il n’y a pas de stratégie de la province ou du fédéral », lance-t-il.

Alors que des intervenants anglophones mènent des missions à l’étranger, notamment en Asie et en Europe, pour attirer des immigrants de langue anglaise, il affirme qu’aucune initiative du genre n’est financée par les gouvernements pour les francophones. « Il va nous manquer 40 000 personnes dans le Nord pour le travail, au maximum d’ici 15 ans. On a besoin de recruter à l’étranger. Mais pour ça, il faut un service qui vend le Nord en français », insiste-t-il.

Christian Howald du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario.

Les données de recensement dévoilées à l’automne pourraient permettre de savoir avec plus de précision combien de nouveaux arrivants ont décidé de s’établir en région. Car actuellement, il est difficile de le dire, s’attriste M. Howald.

« Il nous manque de données et de statistiques. Selon l’Agence du revenu du Canada, 65 immigrants francophones se sont établis chez nous entre 2007 et 2014. Mais selon le ministère de l’Éducation, on compte 165 étudiants issus de l’immigration. De notre côté, nous constatons la présence de centaines de nouveaux visages », dit-il.

Il souligne que la communauté d’accueil doit aussi faire un effort pour mettre à l’aise ces nouveaux arrivants. « Il faut montrer que la Francophonie est diverse et qu’on aime se mélanger », dit-il.