Réduction du conseil municipal de Toronto : Ford prêt à passer en force

Le premier ministre de l'Ontario. Doug Ford. Archives ONFR+

TORONTO – C’est un nouveau rebondissement dans le feuilleton qui oppose le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, à la Ville de Toronto quant à la réduction du conseil municipal. Le premier ministre a affirmé lundi en conférence de presse qu’il utilisera la clause dérogatoire de la Constitution canadienne pour protéger son plan de diminuer de moitié le nombre d’élus dans la Ville reine.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Dans leur décision rendue lundi matin, les juges de la Cour supérieure ont pourtant accordé à la municipalité une demande d’injonction.

En d’autres mots, la province ne peut pas selon eux aller de l’avant avec l’application de la Loi sur l’amélioration des administrations locales (Loi 5). Adoptée le mois dernier à Queen’s Park, la loi a pour but de réduire le nombre d’élus dans la Ville reine de 47 à 25.

La décision controversée avait laissé planer le doute sur la capacité de la Ville de tenir les élections municipales le 22 octobre.

« Selon la preuve présentée, je n’ai aucune difficulté à conclure que la mise en oeuvre de la Loi 5, qui change le nombre et la taille des quartiers électoraux au beau milieu de la campagne, fait entrave à la liberté d’expression des candidats », a fait part le magistrat de la Cour supérieure de l’Ontario, Edward Belobaba.

La décision de la province de ne pas avoir mené de consultations avant l’adoption de cette loi est également pointée du doigt dans le jugement.

Le premier ministre de l’Ontario n’avait eu de cesse de vanter ce modèle calqué sur les circonscriptions provinciales et fédérales déjà en place à Toronto.

Clause nonobstante

Doug Ford déposera donc un projet de loi invoquant l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés qui, s’il est adopté, assurera que la Loi 5 soit « appliquée à temps » pour l’échéance électorale du 22 octobre.

L’hôtel de ville de Toronto. Les élections municipales auront lieu le 22 octobre. Archives #ONfr

L’article 33 de la Constitution permet aux provinces d’outrepasser certaines obligations de la Charte canadienne des droits et libertés. Un droit alors valable pour cinq ans.

« La Constitution du Canada est claire : la province a la responsabilité exclusive des municipalités, a souligné le premier ministre en annonçant les mesures que prendra son gouvernement. La Loi sur l’amélioration des administrations locales réduira la taille et le coût de l’appareil gouvernemental et permettra de lutter contre les dysfonctionnements du conseil municipal », a fait part M. Ford.

Et d’enfoncer le clou : « Ceux qui font le plus entendre leur mécontentement face à cette législation et qui s’y opposent sont un petit groupe de conseillers de gauche qui cherchent à continuer à profiter de l’argent du contribuable et un réseau de groupes d’activistes qui ont tiré parti du statu quo pour asseoir leur autorité. »

Une première en Ontario

La décision de Doug Ford d’en recourir à l’article 33 de la Constitution demeure une première en Ontario, explique la politologue au Collège militaire de Kingston, Stéphanie Chouinard.

« Lors de la mise en place de la Charte canadienne des droits et liberté, on avait trouvé un accord grâce à cet article 33 de ne pas laisser trop de pouvoirs aux tribunaux, le tout au profit des provinces. L’Ontario était alors pourtant plus mesuré que les autres provinces sur la mise en place de l’article 33. »

Stéphanie Chouinard, politologue au Collège militaire de Kingston. Archives #ONfr

Pour Mme Chouinard, il pourrait même y avoir un coût politique à la décision de M. Ford. « La base conservatrice de M. Ford croît en la loi et l’ordre. Faire appel à la clause nonobstant, ça pourrait avoir un impact délétère. »

La politologue cite à cet égard l’exemple du gouvernement de l’Alberta au début des années 2000 prêt à contourner la décision favorable de la Cour suprême du Canada sur le mariage homosexuel. « Le gouvernement de l’Alberta avait fait finalement volte-face. »

Article mis à jour pour la dernière fois le 10 septembre à 17h50