Réforme de la Santé : encore des questions

La ministre de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, Christine Elliott. Archives #ONfr

[ANALYSE]

TORONTO – La transformation du système de santé de l’Ontario a commencé. Le plan présenté la semaine dernière par Christine Elliott n’est en réalité guère différent que ce que les fuites laissaient augurer. Mais l’annonce de la ministre de la Santé et des Soins de longue durée marque un tournant.

Le projet de loi 74, Loi de 2019 sur les soins de santé de la population, adopté en première lecture, signe l’arrêt de mort des réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS). Symbole de la « bureaucratie » de l’époque libérale, selon le gouvernement actuel, les 14 RLISS seront remplacés par des équipes Santé Ontario locales.

Grosso modo, ces équipes fourniront des services de santé, ce qui n’était pas le cas des RLISS cantonnés à des tâches de planification. Il pourra s’agir alors de cibler un type de patients précis ou des régions géographiques. Les hôpitaux, les centres de soins de longue durée et les centres d’accès à des soins communautaires en feront partie. Au niveau central, le tout sera supervisé par une « super agence » qui veillera au grain.

Plus de centralisation et d’efficacité, pour moins de bureaucratie, la ministre Elliott n’a pas manqué de servir les formules chères aux progressistes-conservateurs pour justifier le projet. Ces RLISS, l’équivalent ontarien des Régies régionales de santé et de services sociaux qui avaient cours au Québec à l’époque, n’auraient représenté qu’un fardeau…

Pas de chiffres sur les économies

Seconde indication : le gouvernement progressiste-conservateur n’a pas beaucoup parlé des économies générées par le projet de loi 74. Des services touchés? Des emplois supprimés? Il faudra sans doute attendre le dévoilement du budget dans les prochaines semaines pour en connaître davantage sur les coûts et bénéfices de cette transformation.

Pour la petite histoire, la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, avait toujours évalué les RLISS à 90 millions de dollars en frais d’administration.

La bonne nouvelle pour les francophones, c’est que le projet de loi 74 semble dissiper quelques inquiétudes quant aux entités de planification. Ces six entités dont le rôle était d’épauler les RLISS continueront bel et bien leur mission. Mme Elliott a été claire sur la question. Comment? Le projet de loi ne dit pas grand-chose.

Lentille franco-ontarienne

Il faudra voir maintenant de quelle manière ces groupes vont pouvoir s’intégrer à la nouvelle structure provinciale et conseiller ces mêmes équipes Santé Ontario. Les entités de planification – un terme certes complexe – ont un rôle primordial pour l’offre de services dans la langue de Molière aux quatre coins de l’Ontario.

L’autre défi pour les Franco-Ontariens à la vue du projet, c’est l’application de la Loi sur les services en français. À priori, la centralisation du système autour d’une super-agence pourrait faciliter les choses, et éviter ainsi le travail en silos comme au temps des 14 RLISS.

Le préambule du projet de loi 74 parle bien d’un respect de la Loi sur les services en français, mais reste flou sur son application. Avec quelle portée les services des équipes Santé Ontario y seront assujettis? Mystère et boule de gomme.

L’autre manière de voir choses, c’est de se dire que trois mois après le « jeudi noir », les francophones l’ont peut-être échappé belle. On aimerait croire aussi sur parole que le gouvernement progressiste-conservateur a cette fois compris la leçon. Dans ces conditions, le budget ontarien sera probablement le test le plus sérieux.


Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 4 mars.