Pas de réforme de la Loi sur les langues officielles avant l’automne, dit Ottawa

OTTAWA – Le projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles ne sera pas adopté avant l’automne prochain, confirme Ottawa qui accuse l’opposition, notamment les conservateurs, de ralentir le processus.

« Nous avons tenté de travailler avec les membres de l’opposition », a plaidé la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor en entrevue.

« Je voulais voir le projet de loi se rendre au Sénat avant la fin de la session parlementaire… Le projet de loi va être ramené l’automne prochain et puis j’espère qu’à ce moment-là, on ne va pas voir des jeux politiques. Pour moi, c’est un projet de loi qui est très important et qui va faire une différence », a ajouté la députée acadienne avant la période des questions.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor lors d'une annonce à l'Université de Sudbury.
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor. Crédit image : Dominique Demers

Un peu plus tôt dans la matinée, le leader du gouvernement Mark Holland a accusé le Parti conservateur de faire dérailler C-13. « Il y a beaucoup d’appui dans la Chambre des communes et sur le besoin d’adopter la législation pour les langues officielles, mais avec le blocage, de particulièrement le Parti conservateur, c’est difficile d’adopter. J’imagine qu’on va adopter le projet de loi C-13 à l’automne à cause de l’obstruction », a-t-il lâché devant les journalistes avant la réunion du Cabinet.

L’opposition dénonce

Ces propos des deux membres du gouvernement Trudeau font bondir les partis de l’opposition.

« Le problème là-dedans, ce n’est pas le Bloc, le NPD ou les conservateurs, c’est les libéraux », critique le député conservateur Joël Godin.

« Les libéraux ont essayé de nous en passer une petite vite », estime de son côté le député du Bloc Québécois Mario Beaulieu. « C’est eux qui essaient de faire des petits jeux politiques. Tous les partis de l’opposition ont été d’accord. C’était vraiment vouloir passer ça à toute vapeur comme ça. »

« Je suis en désaccord avec l’analyse de la ministre et des libéraux. C’est clair que c’est un projet de loi qui doit être amélioré », pense Niki Ashton, la critique en Langues officielles pour les néo-démocrates.

« Ce nouveau délai est une grosse déception », lance Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).

Cette dernière estime que le retard dans ce processus fait augmenter « le coût social ».

« Déjà il y a cinq ans, la FCFA a fait de la modernisation de la Loi sur les langues officielles sa priorité dans un contexte de contestation du statut du français à plusieurs endroits au pays. Le rapport du commissaire aux langues officielles la semaine dernière a montré que les entorses au français se poursuivent et ça ne changera pas tant qu’on n’aura pas une Loi forte, moderne et respectée », a déclaré Mme Roy.

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy. Gracieuseté

La semaine précédente, les trois partis de l’opposition ont accusé en chaîne les libéraux de « bulldozer » le processus. Le Parti libéral avait alors déposé une motion en comité où il demandait notamment un maximum de 15 heures d’étude pour C-13, qui se retrouve à l’étude au Comité des langues officielles depuis le début du mois juin.

« Utopique » comme échéancier

Le porte-parole de l’opposition conservatrice en Langues officielles soutient que la ministre n’a qu’à blâmer son parti et elle-même, eux « qui avaient le contrôle de l’agenda ».

« Elle essaie de nous faire porter l’odieux. Elle va spinner ça tout l’été pour faire en sorte que ce soit les oppositions qui sont contre l’évolution du projet de loi C-13. C’est un dossier qui est très important et je pense qu’il faut le faire de façon rigoureuse et sérieuse. Ils sont en train de politiser un dossier qui est un des plus importants dans l’actualité », déplore Joël Godin.

Le critique aux Langues officielles chez le Parti conservateur Joël Godin. Crédit image : Twitter

Ce dernier dit qu’il a toujours espéré un projet de loi d’ici la fin de l’année 2022. Ottawa a déposé son projet de loi au début mars. Sachant cette échéance, l’objectif de la ministre d’avoir une nouvelle mouture au Sénat avant le début de l’été est farfelu, selon lui.

« Son objectif est utopique, c’est rêver en couleur et déconnecter de la réalité (…). Il faudrait peut-être qu’elle se renseigne (sur la procédure parlementaire) avant de dire n’importe quoi. »

Niki Ahston dit vouloir se ranger derrière les amendements demandés par la FCFA, notamment l’inclusion de clauses linguistiques, mais elle dit s’interroger sur l’appui des libéraux à certaines propositions.

« Je voix des jeux politiques de la part des libéraux. Il faut être clair que oui on veut avancer ce projet de loi. Au NPD, ce n’est pas une question de perdre notre temps, on veut bien faire notre travail. On veut vraiment avancer des amendements qui vont améliorer le projet de loi, et on est clair sur quels sont ces amendements. J’espère que les autres partis, incluant les libéraux vont entendre les intervenants. »

Pour la formation souverainiste, cette mouture mérite plusieurs autres séances afin d’être scrutée à la loupe.

« Pour les gens au Québec, je pense que c’est important qu’il y ait un débat public sur la Loi sur les langues officielles, car au Québec, elle ne vise qu’à promouvoir l’anglais », estime Mario Beaulieu.

Ginette Petitpas Taylor refuse toutefois de dire si le projet de loi sera similaire à son retour en septembre. « Le Comité va faire l’étude et puis de là, on va s’assurer d’avoir le meilleur projet de loi possible. »

Récemment, le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge a recommandé aux parlementaires d’étudier la possibilité d’obliger le bilinguisme de hauts fonctionnaires fédéraux.