Rentrée parlementaire : les trois dossiers brûlants de la francophonie

Les travaux reprennent ``a l'Assemblée législative de l'Ontario. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – Après plus de quatre mois d’interruption, les députés provinciaux font leur retour en chambre à Queen’s Park ce lundi. Ce délai inhabituel, motivé par la tenue des élections fédérales, a mis entre parenthèses plusieurs dossiers en souffrance qui devraient vite rattraper le gouvernement.

La modernisation de la Loi sur les services en français

C’est sans aucun doute le dossier qui polarise le plus l’attention. La communauté réclame une refonte de la Loi sur les services en français, inchangée depuis son adoption il y  plus de 30 ans, et garantissant aux francophones de 26 régions désignées le droit à des services gouvernementaux dans leur langue.

Après le tardif projet de loi déposé par l’ancienne députée libérale Nathalie Des Rosiers, avant l’été, le néo-démocrate Guy Bourgouin a déclaré en septembre dernier vouloir présenter lui aussi un plan de modernisation « le plus vite possible » à l’Assemblée législative de l’Ontario.

La ministre des Affaires francophones elle-même avait promis dès le 25 septembre 2018, jour des Franco-Ontariens, de prendre cette réforme à bras-le-corps. Un engagement réitéré en direct au micro d’ONFR+ un an plus tard, jour pour jour. Mme Mulroney mettait cependant en garde contre les risques d’une révision à la hâte, prônant le dialogue et la concertation.

Le député Guy Bourgouin a présenté un plan de modernisation en septembre. Archives ONFR+

Pour lui faciliter la tâche, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a lancé, depuis un an, des travaux de consultation qui ont débouché cette fin de semaine sur l’adoption, lors de son congrès annuel, d’un texte de loi libellé clé en main. Élaboré avec l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO), ce document politique doit être transmis à la ministre dans les prochains jours.

Les différents acteurs du dossier réclament l’extension des services en français à l’ensemble de la province, la systématisation de l’offre active (des services sans qu’on ait à les demander) et le rétablissement d’un commissariat aux services en français indépendant.

Depuis le mois de mai, le Commissariat a été intégré dans les services de l’ombudsman, une situation que n’a pas l’intention de changer Mme Mulroney. « Le commissaire est indépendant » a-t-elle affirmé en septembre dernier, une lecture loin d’être partagée par la communauté.

Le plan d’action pour l’économie franco-ontarienne

Autre dossier en suspens : la francophonie économique. Diligenté par la ministre Mulroney à l’automne 2018, un tour de table provincial a permis de saisir, depuis plusieurs mois, l’état critique de l’économie franco-ontarienne, les besoins considérables de ses entrepreneurs et les défis de ses travailleurs qualifiés.

Des consultations plus récentes auprès de plusieurs organisations laissent présager une annonce imminente. Des fonds pourraient être débloqués, entre autres, pour accélérer plusieurs chantiers, tels que celui impulsé par le Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO) visant à la création d’un incubateur-accélérateur d’entreprises, ou encore celui de la Société économique de l’Ontario (SÉO), un programme destiné à développer l’économie autour de l’immigration et de l’emploi.

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, sur le plateau d’ONFR+. Archives ONFR+

Dans une récente publication, ONFR+ révélait que la dynamique et les initiatives d’affaires en Ontario français profitaient surtout aux partenaires économiques québécois et français de la province qui entrevoient l’Ontario comme un marché, et non aux Franco-Ontariens eux-mêmes pour les aider à fructifier leur savoir-faire et leurs débouchés dans et hors de la province.

Il sera intéressant d’en suivre les développements, ainsi que le fruit du travail ressorti de la collaboration établie entre le ministère des Affaires francophones et celui du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce.

Depuis un an, la province n’utilise que très peu le levier économique que représente potentiellement l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Restée en retrait jusqu’ici, la ministre pourrait aussi choisir de se rapprocher de l’OIF afin de saisir des opportunités d’affaires inexplorées avec les autres pays francophones de la planète.

La réévaluation des services coupés?

Depuis les compressions budgétaires des derniers mois, le gouvernement est revenu sur plusieurs décisions, à la fois contestées par la population dans la rue et par les élus d’opposition sur les bancs de l’Assemblée législative. Nombre de ces rétropédalages ont profité à la communauté.

Rétablissement d’un ministère des Affaires francophones à part entière, rétablissement partiel du Commissariat aux services en français (au sein de l’ombudsman), cofinancement de l’Université de l’Ontario français, report d’un an des compressions aux municipalités, révision du plan provincial sur l’autisme ou encore, plus récemment, annulation de la hausse des effectifs par classe dans les écoles…

Le premier ministre, Doug Ford, à l’Assemblée législative de l’Ontario. Crédit image : Rudy Chabannes

Ces revirements en série en amèneront-ils d’autres? De nombreux services affectés espèrent retrouver leur part du gâteau perdu, d’autant que le déficit 2018-2019 de 15 milliards de dollars annoncé l’année dernière s’avère être, en réalité, de 7,5 milliards, à la lueur des dernières données provinciales.

Le gouvernement – toujours en négociation avec les syndicats enseignants sur les conventions collectives – risque d’être attaqué sur tous les fronts, dans tous les secteurs impactés par les compressions.

Des compressions qui affectent, par ricochet, les Franco-Ontariens. Notamment dans un domaine exsangue : la culture. Les festivals ont encaissé un recul du soutien gouvernemental – via le programme Fêtons l’Ontario – malgré, là aussi, une autre volte-face du gouvernement qui a surtout profité aux événements anglophones.

Quant aux financements structurels à venir, ils s’annoncent dérisoires pour les organismes communautaires. L’enveloppe du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) – dont on devrait connaître les bénéficiaires cet hiver – a été divisée par deux. 500 000 $ iront aux organismes non lucratifs, certes, mais le reste tombera dans la poche du secteur économique.