Rentrée scolaire : parents et enseignants sur le qui-vive

Le ministre de l'Éducation Stephen Lecce. Crédit image: Rudy Chabannes

Rarement une rentrée scolaire n’aura créé autant de remous avant même de commencer en Ontario. Côté francophone, si les salles de classe et les transports devraient être relativement épargnés, les coupes gouvernementales devraient en revanche affecter les effectifs non enseignants et l’attention accordée aux besoins spéciaux des enfants.

Au cours des derniers jours, Stephen Lecce a tenté d’éteindre le feu des inquiétudes suscitées par l’augmentation initiale des effectifs moyens financés par classe de 22 à 28 élèves. Le ministre de l’Éducation parle désormais d’un élève supplémentaire de la 4e à la 8e année et d’un demi-élève de la 9e à la 12e année.

Du fait de la taille modeste de la plupart de leurs classes, les écoles de langue française ne devraient pas souffrir outre-mesure de ce changement. « L’effectif par classe va demeurer inchangé sur notre territoire », certifie André Blais. Le directeur de l’éducation du conseil scolaire catholique MonAvenir est tout aussi rassurant sur le nombre d’enseignants.

André Blais, directeur de l’éducation du conseil scolaire catholique MonAvenir. Gracieuseté : MonAvenir

Pour satisfaire aux directives gouvernementales de réduction de dépenses sans « toucher » aux salles de classe, les conseils scolaires ont donc passé au crible leurs dépenses structurelles, service par service, et procédé à des mutations depuis leur siège vers les écoles.

Moins de conseillers pédagogiques

« Nous avons demandé à chaque service de regarder son budget et d’apporter un certain nombre de coupures. On a aussi demandé à des accompagnateurs et des conseillers pédagogiques embauchés pour desservir l’ensemble des écoles de façon systémique de retourner dans les classes pour combler les besoins. »

Ce transfert de personnel, également confirmé dans les écoles publiques, va donc mécaniquement amoindrir le nombre de conseillers pédagogiques, des personnels qui jouent un rôle important dans le soutien aux enseignants et dans l’analyse de curriculum.

Denis Chartrand, président de L’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario. Gracieuseté : ACÉPO

« Cela permet de conserver le même nombre d’enseignants que l’an passé », explique Denis Chartrand, président de L’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO). « Il a fallu s’adapter puisqu’une quarantaine de postes ont été éliminés dans l’ensemble des quatre conseils scolaires publics. Ces gens-là étaient en appui des enseignants. On ne verra pas de grandes différences au début de l’année scolaire dans les classes mais peut-être l’année prochaine. »

Les parents demeurent inquiets

« On ne sait vraiment pas combien d’enfants il y aura réellement par classe dans telle ou telle école », regrette Nathalie Rainville-Fournier, membre du conseil d’administration de Parents partenaires en éducation. Cette mère de trois enfants craint que la baisse de ressources humaines entraîne des problèmes de discipline et de manque d’attention porté aux élèves ayant des besoins spécifiques ». Au final, s’alarme-t-elle, « il risque d’y avoir plus de décrochage ».

« On s’attend à ce que des élèves qui avaient des services à l’extérieur de l’école reviennent dans le système », anticipe Rémi Sabourin, président de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO). « Ils étaient certainement déjà dans le système mais, 2-3 jours par semaine, ils allaient dans un autre centre », précise-t-il. « Ça va causer des défis pour ces élèves aux besoins particuliers. »

Nathalie Rainville-Fournier, membre de Parents partenaires en éducation. Gracieuseté : PPE

Mme Rainville-Fournier redoute par ailleurs un effet domino : « Les enseignants risquent d’être trop chargés pour faire des activités parascolaires. Cela pourrait entraîner plus de burn-out et des remplacements plus fréquents avec du personnels moins qualifié. Il pourrait y avoir aussi moins de spécialistes en mathématiques et d’experts qui travaillent avec les enfants comme les travailleurs sociaux et les aides-enseignants. Nos enfants ont besoin de ses spécialistes. »

Mme Rainville-Fournier déplore par ailleurs les conditions dans lesquelles se sont déroulées les consultations du ministère de l’Éducation auprès des parents. « Ce sont des sondages abstraits et trop discrets », dit-elle. « On n’est pas assez au courant qu’il y a des consultations. Tout se fait pas mal en cachette, surtout dans la francophonie. »

Conventions collectives : les enseignants vigilants

Du côté des enseignants, on reste tout de même vigilant. De nouvelles règles du jeu entre enseignants, conseils scolaires et gouvernement restent à définir, alors que les conventions collectives en vigueur arrivent à leur terme.

« On a eu de bonnes discussions avec le ministre de l’Éducation lorsqu’il a été nommé », rappelle Rémi Sabourin. « Reste à savoir comment ça va se traduire dans les négociations. C’est un processus complexe et long. »

Et de revenir sur la polémique de l’été : « Il n’a jamais été question d’avoir une entente avant la rentrée. C’est de la rhétorique politique du gouvernement qui a tenté de mettre le feu aux poudres. Rien ne sera réglé d’ici la rentrée. »

Rémi Sabourin, président de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens. Gracieuseté : AEFO

Le principal point d’achoppement dans ces futures discussions reste la revalorisation des salaires que le gouvernement entend bien plafonner à 1%. Une hausse que beaucoup d’enseignants jugent insuffisante et déconnectée du coût de la vie. « Ça sera définitivement à la table des négociations », prévient M. Sabourin. « Ça fait des années qu’on le dit, et surtout depuis ce gouvernement, l’éducation est un endroit où il faut investir et non couper. »

De tardifs changements de curriculum

Les programmes d’éducation sexuelle, de mathématiques et d’éducation autochtone ont aussi connu des changements dans les dernières semaines, posant des défis de préparation aux enseignants, selon M. Chartrand.

L’apprentissage électronique obligatoire, quant à lui, devrait être introduit plus tard, en 2020-2021. « Nous sommes en attente de directives du ministère de l’Éducation (…) qui se pose des questions sur la capacité de l’ensemble des élèves en province à participer à ce genre d’apprentissage », précise M. Blais.

« Pour qu’il y est des cours en ligne, il faut un adulte en salle de classe pendant que les jeunes sont devant l’ordinateur », indique M. Chartrand. « Comment ça va fonctionner? Nous n’en savons rien. Je ne sais pas si on va sauver des sous avec ça. »

« Le gouvernement prend des décisions qui ne sont pas basées sur la rétroaction », regrette Rémi Sabourin. « Ça existait déjà mais, là, ça devient obligatoire. La poussière doit retomber, on va voir les résultats en salle de classe. »

Tout roule pour les transports scolaires?

Les transports ne devraient pas souffrir de coupes en cette rentrée, le gouvernement ayant majoré les montants d’aide de l’ordre de 4% selon plusieurs intervenants en éducation.

« Dans le passé, ça a toujours été une enveloppe déficitaire », reconnaît M. Blais. « Par contre, l’ajout budgétaire de cette année va nous aider et on espère que la révision attendue de la formule d’aide gouvernementale permettra un financement plus juste et équitable pour les francophones. »

« Si on perd le transport, on perd nos élèves », lâche Mme Rainville-Fournier, relayant les interrogations des parents bousculés par toutes les annonces intervenues depuis le printemps.

Dans tous ces dossiers, le premier jour de classe livrera de précieuses indications.