Réouverture des écoles : la prudence de Doug Ford

Le premier ministre Doug Ford lors d'un point de presse. Capture écran ONFR+

[ANALYSE]

C’est par étapes que la plupart des gouvernements doivent maintenant se déconfiner. Entre les scientifiques généralement scrupuleux de la distanciation sociale, et les milieux d’affaires favorables à une réouverture de l’économie, la « voix médiane » est bien souvent difficile à trouver.

En choisissant de ne pas rouvrir les écoles au moins avant fin mai, le premier ministre ontarien, Doug Ford, a quelque peu surpris. « Je veux protéger les enfants à tout prix. Je ne ferais pas ça, ici, en Ontario », a-t-il justifié dans sa conférence de presse quotidienne, non sans surjouer l’importance de cette décision.

L’Ontario n’échappe pas à la comparaison avec le Québec où le premier ministre, François Legault parie, lui, sur une réouverture de la majorité des établissements dès le 11 mai, sur une base volontaire.

Entre un François Legault, salué pour son empathie depuis le début de la crise, marquant cette fois son impatience dans le dossier des écoles, et le « businessman » Doug Ford tout à coup si prévenant vis-à-vis du monde enseignant avec lequel il entretient des relations froides, il y a l’impression que le monde tourne à l’envers.

Une certitude : la « Toronto-centriste » Ford Nation a mis de l’eau dans son vin au cours des dernières semaines. M. Ford vit sans doute intensément cette épidémie dont l’impact est immense à Toronto, et laquelle touche directement sa propre belle-mère.

Par ailleurs, l’Ontario, qui a beaucoup moins dépisté que son voisin québécois, serait contraint de poursuivre encore et toujours les mesures barrières, avancent certains virologues. La province viendrait seulement d’atteindre son objectif d’un peu plus de 16 000 tests quotidiens.

Autre hypothèse : l’Ontario dispose d’une petite avance en éducation. D’autant que la mise en place de l’apprentissage en ligne, mais aussi des partenariats avec Rogers Communications et Apple pour fournir aux élèves des tablettes se sont imposées provisoirement comme des solutions utiles.

L’Ontario dans la lignée de la majorité des provinces

Le gouvernement Ford s’est-il dès lors montré raisonnable, voire visionnaire? Pour y répondre, il faut faire abstraction de la sempiternelle opposition Québec-Ontario. Si l’on se place dans une perspective pancanadienne, M. Ford est dans la lignée des autres provinces.

Le Nouveau-Brunswick, où toutes les personnes qui étaient malades de la COVID-19 se sont rétablies, ne rouvrira ses salles de classe qu’en septembre. Le Manitoba fera de même. La Colombie-Britannique, de son côté, n’a pas encore coché une date.

Dans le débat sur le déconfinement, si l’attention s’est naturellement portée sur la date du retour des élèves, c’est aussi parce que le sujet fait vibrer une corde sensible chez les millions de parents ontariens. Doug Ford en a conscience.

Déconfinement graduel de l’économie

En revanche, l’économie de la province la plus populeuse du Canada rouvrira bien à partir de ce lundi. Des remises en marches avec les règles de distanciation sociale qui concerneront entre autres les centres de jardin et les pépinières, les services d’entretien des pelouses et d’aménagement paysager, ou encore certains chantiers de construction essentiels supplémentaires.

Loin d’être négligée par le gouvernement, l’économie ontarienne devrait se déconfiner graduellement durant les prochaines semaines.

Il est encore bien trop tôt pour juger les actions ou inactions du gouvernement Ford dans une crise complexe dont la réalité brutale dépasse les solutions. Faute de garanties suffisantes, l’Ontario n’a pas d’autre choix aujourd’hui que la prudence, signe que le bout du tunnel est encore très loin.

Cette analyse est aussi publiée sur le site du quotidien Le Droit du 4 mai.