Résultats en baisse aux tests d’écriture : les élèves anglophones en cause?

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TORONTO – L’écriture ne serait plus le fort des élèves dans les écoles francophones. Les résultats aux tests de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) de l’Ontario dévoilés la semaine dernière y montrent une tendance à la baisse depuis plusieurs années. Pour Jean Lemay de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), ces résultats s’expliquent par l’intégration des élèves anglophones dans les systèmes scolaires.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

« Il y a beaucoup d’élèves qui nous arrivent des conseils anglophones, ils doivent améliorer leur français et nous tirent un peu vers le bas », explique le président de l’association représentant les huit conseils scolaires catholiques de langue française en Ontario. « Entre la 1ère année et la 6ème année, ces élèves ont moins de bagages en lecture et en écriture, et donc plus de rattrapage à faire. »

Pas question pour M. Lemay de jeter la pierre à ces élèves. La démarche des institutions éducatives serait de les intégrer le mieux possible. Cela fonctionnerait, si l’on se fie aux résultats au Test provincial de compétences linguistiques (TPCL) en 9ème année. Quelque 91 % des élèves francophones l’ont réussi en 2018.

À contrario, seulement 78 % des élèves de la 6e année avaient réussi le teste d’écriture cette année, contre 76 % pour ceux de 3e année. Des chiffres bien en-dessous de la moyenne provinciale.

« C’est assez prononcé et on suggère aux conseils scolaires de voir cela de plus près », avait même laissé entendre la directrice de l’évaluation à l’OQRE, Joanne Rinella interrogée par #ONfr, la semaine passée. En 2014, les résultats étaient alors de 89 % pour les élèves de 6e année et 81 % pour leurs camarades de 3e année (voir graphique ci-dessous).

Graphique sur la proportion de réussite au test d’écriture pour les élèves des écoles de langue française (3è et 6è année).

Pour M. Lemay, la démarche d’intégration passerait avant tout par les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP). La mission : regrouper des enseignants de différents niveaux, et fixer des objectifs adaptés pour les élèves.

Du côté de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), le président Denis Chartrand n’avait pas voulu mettre en cause les élèves de langue maternelle anglaise dans les résultats de l’OQRE.

Trop d’élèves anglophones?

Faut-il dès lors moins d’élèves ayant l’anglais comme langue maternelle dans le conseils scolaires? C’est en tout cas l’avis de Basile Dorion. Sur les médias sociaux comme dans les coulisses, l’ancien leader à Penetanguishene en 1979 pour obtenir une école de langue française n’en démord pas.

« Je ne suis pas surpris par les résultats », laisse-t-il entendre. « Nous sommes beaucoup trop tolérants dans nos écoles. On a peur de dire aux parents de parler en français à leurs enfants. Les parents ont une responsabilité, un peu comme dans un club de hockey. Ce n’est pas au club de s’occuper que les enfants aient des patins, mais aux parents! »

Le résident de Penetanguishene n’en est pas à sa première sortie publique sur un éventuel trop-plein d’élèves anglophones. L’année dernière, M. Dorion avait écrit une lettre dans ce sens à l’intention du gouvernement et des conseils scolaires. Un pavé dans la mare qui avait alors fait grand bruit dans la communauté francophone.

« Dans ma région, 10 % des élèves ont l’habitude de parler en français en dehors des salles de classe, mais 90 % ne vivent pas le français et ne le parlent pas avec leurs parents. Je comprends tout à fait qu’il faut intégrer les élèves anglophones, mais ça ne veut pas dire qu’il faut descendre les attentes, et faire par exemple de la traduction un mot à la fois. »

Vérification faite, 42 % des élèves scolarisés dans une école francophone en Ontario en 2016-2017 n’avaient pas le français comme première langue apprise à la maison. Une augmentation nette, puisque quatre ans auparavant, ce chiffre n’était que de 34 %.

Les ayant droits pas forcément reliés aux anglophones

Reste que le débat sur le lien entre les résultats en baisse aux tests d’écriture et la présence d’élèves anglophones renvoie directement au statut d’ayant droits. Comprendre les parents désireux d’envoyer leurs enfants dans une école francophone, mais ne répondant pas aux critères de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Pour ce fameux article, il faut pour se prévaloir de ce statut avoir appris le français comme première langue et le comprendre, avoir fréquenté une école primaire en français au Canada ou troisième critère, avoir un enfant qui a reçu ou reçoit son éducation primaire ou secondaire en français au Canada.

En Ontario, la gestion des ayant droits est laissée aux conseils scolaires. Mais pour la professeure de l’Université d’Ottawa, Christine Dallaire, il faut éviter de ranger les élèves dans une catégorie. « Il ne faut pas mettre l’accent sur ceux issus d’une catégorie familiale, mais plutôt sur ceux qui parlent le français spontanément. »

La professeure de l’Université d’Ottawa, Christine Dallaire. Crédit image : Université d’Ottawa. 

Spécialiste des questions des identités culturelles, M. Dallaire est d’avis que les élèves anglophones ne doivent pas porter tout le fardeau. « Dans les ayant droits, il y a aussi des Français de France, des Marocains, par exemple. Ce n’est donc pas une question uniquement d’enfants anglophones. »

La professeure soutient qu’il appartient aux conseils scolaires « d’évaluer la proportion » des élèves ayant droits dans leurs salles de classe.


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