Salaire des hauts dirigeants, travaux coûteux, opacité : la vérificatrice générale accable La Laurentienne

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La crise à la Laurentienne avait provoqué la fermeture de 76 programmes rappelle le rapport de la vérificatrice générale de l'Ontario. Crédit image : Inès Rebei.

SUDBURY – Sept mois après avoir dévoilé son rapport préliminaire, le bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario a rendu publique tôt ce matin la version finale de son enquête sur la gestion de la crise qui a secoué l’Université Laurentienne en février 2021. Immobilisations trop coûteuses et mal planifiées, salaire des hauts dirigeants inapproprié, entrave à l’accès aux documents, surveillance mal orientée du Conseil des gouverneurs… le rapport confirme les failles au sein de l’établissement et son recours injustifié à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

La vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, a finalement publié aujourd’hui son rapport attendu initialement en juin dernier avant la dissolution de l’Assemblée législative en vue de l’élection générale du 2 juin.

Sur plus d’une centaine de pages, elle revient sur les conclusions établies lors du rapport préliminaire « en donnant un aperçu solide » de ces constatations à ce jour.

Outre le fait que l’Université Laurentienne n’avait pas à recourir à la LACC et a choisi de rejeter le soutien financier du ministère, on y apprend entre autres que bien que la pandémie n’ait pas aidé, « la cause principale de son déclin financier de 2010 à 2020 était l’expansion et la modernisation mal planifiées et coûteuses de ses immobilisations ».

Selon les informations figurant dans le rapport, l’établissement a investi près de 168 millions de dollars dans des projets d’expansions sans prévoir les conséquences financières pouvant en résulter.

« La Laurentienne a choisi de construire et d’agrandir ses installations alors qu’elle était en situation financière précaire », peut-on aussi lire dans le rapport.

De plus, la Laurentienne a modifié sa politique de dette interne pour lui permettre de contracter encore plus de dettes au titre des immobilisations, lesquelles s’élevaient déjà à près de 87 millions de dollars.

Rémunération injustifiée de la haute direction

Une autre faille dans le dossier demeure le salaire de la haute direction, mais aussi des conseillers spéciaux que le rapport considère « inappropriée et notablement croissante. »

Celui-ci a augmenté d’environ 75 % et comprenait également des avantages sociaux pour les cadres supérieurs.

Le bureau de la vérificatrice indique également que certains cadres supérieurs avaient accès à des allocations de dépenses discrétionnaires de 2,4 millions de dollars et ce « sans politique décrivant à quoi ces fonds pourraient être consacrés ».

Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l’Ontario. Archives ONFR+

Par ailleurs, le rapport détruit de nouveau l’argument de l’établissement selon lequel le salaire des professeurs aurait été à l’origine de troubles financiers.

Selon le rapport, les données semblent montrer que « les coûts globaux du corps professoral de l’Université Laurentienne ne dépassaient pas de façon significative ceux des universités comparables et que ses programmes universitaires généraux avaient contribué favorablement à l’Université ».

Il y est notamment expliqué que des fonds de prestations de retraite pour soins de santé des employés de la Laurentienne ont étés consacrés à des projets d’immobilisations.

Le manque de transparence encore dénoncé

Une des raisons évoquées pour expliquer le délai dans la divulgation dudit rapport dont les travaux ont commencé en avril 2021 a aussi été justifiée par un manque de coopération de la haute direction.

« Le recteur et le Conseil des gouverneurs (le Conseil) de la Laurentienne, guidés par un conseiller juridique externe, ont mis en place des restrictions sans précédent à notre accès à l’information. »

En rappel, la vérificatrice générale de l’Ontario affronte en ce moment l’Université Laurentienne en Cour d’appel en lien avec la contestation de la Loi sur le vérificateur général concernant l’accès à des informations internes.

Le rapport parle de « restrictions sans précédent » ayant limité notre accès direct et sans entrave aux renseignements et aux personnes. »

Une autre critique adressée à l’établissement concerne la surveillance exercée par le Conseil des gouverneurs de la Laurentienne qui, selon le rapport, « était faible et parfois mal orienté ».

Le rapport est aussi revenu sur le rôle du ministère des Collèges et Universités qui « n’est pas intervenu de façon proactive en temps opportun pour donner des conseils afin d’aider la Laurentienne à ralentir sa détérioration financière ou, en définitive, à réagir à celle-ci ».

Des recommandations bien accueillies

Plusieurs recommandations ont étés émises concernant l’administration de la Laurentienne, le Conseil de la Laurentienne, le ministère des Collèges et Universités et le Bureau du commissaire à l’intégrité de l’Ontario.

Une recommandation interpelle notamment l’implication de la province, laquelle est invitée à « envisager d’officialiser la prérogative du Ministère de nommer un superviseur pour aider une université lorsqu’il y a de sérieuses préoccupations en matière de viabilité ».

En outre, il y est indiqué que la province devrait suivre l’exemple des autres provinces en fixant des limites aux déficits, aux emprunts et aux dépenses en immobilisations importants.

De son côté, l’Université Laurentienne déclare être « d’accord avec les recommandations du rapport et a hâte de collaborer avec la vérificatrice générale et le gouvernement de l’Ontario (en particulier le ministère des Collèges et Universités), pour mettre en œuvre et opérationnaliser les recommandations ».

Celle-ci espère également, dans le rapport, que « les précieuses leçons tirées de l’examen de la vérificatrice générale profiteront à l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et des autres établissements du secteur public. »

Même son de cloche des autres parties, même si le Bureau du commissaire à l’intégrité exprime vouloir prendre en considération les recommandations en délibération, mais « sous réserve des limites de la Loi de 1998 sur l’enregistrement des lobbyistes ».