Simard, le commissaire et le fédéral : Ford contre-attaque

Le premier ministre de l'Ontario. Doug Ford. Archives ONFR+

TORONTO – La crise linguistique a atteint un pic, ce mercredi, à Queen’s Park. Alors que le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déposé une motion pour dénoncer les coupes francophones, c’est un Doug Ford assez offensif qui s’est présenté devant les médias.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Sans surprise, le premier ministre de l’Ontario est opposé à la motion néo-démocrate. Il sous-entend qu’il n’ira pas plus loin que les concessions accordées vendredi dernier. « On a offert un commissaire indépendant, un conseiller francophone à mon bureau et un ministère. Qu’est-ce que je peux faire de plus? », a fait part M. Ford.

En fin de semaine dernière, son bureau avait pris les francophones de surprise en annonçant la création d’un poste de commissaire aux services en français qui dépendra du bureau de l’ombudsman, un poste de conseiller principal en politiques responsable des Affaires francophones, ainsi que l’autonomie du ministère des Affaires francophones.

Dans la foulée de ces annonces, Caroline Mulroney a été assermentée, ce lundi, ministre des Affaires francophones de l’Ontario. Un changement de titre pour celle qui était jusqu’alors ministre déléguée aux Affaires francophones.

Simard injoignable, dit Ford

Interrogé sur le cas Amanda Simard, opposée publiquement aux compressions aux services en français de son gouvernement, Doug Ford s’est fait laconique. « Amanda Simard est toujours membre du caucus conservateur. »

Quelques minutes auparavant, la députée de Glengary-Prescott-Russell venait de voter en faveur de la motion du NPD qui a enflammé Queen’s Park, ce mercredi.

Le chef du Parti progressiste-conservateur affirme d’ailleurs que la communication avec Mme Simard reste très laborieuse. « On l’a appelée une douzaine de fois. Je dois pouvoir parler à mon caucus. Elle m’a regardé dans les yeux en disant qu’elle était en accord avec toutes mes autres décisions », affirme-t-il.

La politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, pense que Doug Ford a un ton dorénavant plus ferme envers Amanda Simard et les Franco-Ontariens.

« Il semblait agacé de la position de Mme Simard, en Chambre, aujourd’hui. Le fait qu’elle ait défié le parti pour voter pour la motion du NPD, ça a touché une corde sensible. Il est aussi agacé par le fait que son annonce de vendredi auprès des francophones ne semble pas avoir fait mouche. »

Le premier ministre a par ailleurs réitéré son envie de maîtriser un jour la langue de Molière. « Je vais apprendre le français. Un jour, je vais arriver et parler français, vous serez tous surpris. »

Toujours l’impasse

La conférence de presse de Doug Ford coïncidait avec la rencontre entre le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et les autres chefs fédéraux. Une rencontre où la crise linguistique en Ontario devait faire office de menu principal.

« J’aimerais qu’il passe autant de temps à parler d’emploi », a ironisé M. Ford à propos de son homologue fédéral.

« À ma connaissance, c’est toujours l’impasse », analyse Mme Chouinard. « Doug Ford ne semble pas vouloir revenir au statu quo, c’est-à-dire l’indépendance du commissaire aux services en français. À moins qu’il y ait des tractations en coulisses, la porte est fermée. »

Mulroney et l’Université : « Un jour »

Si les dossiers francophones étaient à l’ordre du jour de Queen’s Park ce mercredi, Caroline Mulroney a reparlé… de l’université franco-ontarienne. En chambre, la ministre des Affaires francophones a affirmé que l’abolition du projet demeurait une mauvaise information transmise par les médias.

Lors de la mêlée de presse quelques minutes plus tard, Mme Mulroney s’est montrée plus précise : « Comme le projet a été communiqué auparavant, c’était que l’Université allait ouvrir en septembre 2020. (…) L’idée d’une université pour et par les francophones continue d’exister. Je travaille dessus depuis le début, et on pourra aller de l’avant avec le projet, quand on aura remis l’Ontario sur la voie de la prospérité. »

« Elle joue sur les mots, mais sans offrir de promesses et de stratégies claires », croit la politologue Stéphanie Chouinard. « Si on comprend, il n’y a aucun changement par rapport à l’énoncé économique du 15 novembre. »

Article écrit en collaboration avec Étienne Fortin-Gauthier