Taggart-Miller aura finalement son dépotoir à Carlsbad Springs

OTTAWA – Plus aucun obstacle n’existe désormais sur la route de l’entreprise Taggart-Miller dans la construction de son dépotoir à Carlsbad Springs. La Ville d’Ottawa a officiellement approuvé le changement de zonage dans le dossier pour permettre à l’entreprise de commencer la construction, après huit ans de contestation de la part de la communauté Est ontarienne.
PASCAL VACHON
Collaboration spéciale
pvachon@tfo.org
Le site sera doté d’un centre de tri, de recyclage et de compostage qui sera installé dans un champ. L’entreprise prévoit pouvoir accumuler 450 00 tonnes de déchets par année dont la moitié sera enfouie sur le site et l’autre moitié recyclée ou récupérée. La construction du dépotoir est déjà enclenchée, alors que la coupe d’arbres et le défrichage du terrain ont commencé la semaine dernière. Le terrain du dépotoir sera situé près de l’intersection des chemins Boundary et Devine.
Bien que leurs moyens pour empêcher le projet soient désormais inexistants, les citoyens des alentours du futur dépotoir ne comptent pas abdiquer aussi facilement.
«Le dépotoir va être là, il n’y a pas de doute, mais il y a une ligne qui dit dans les règlements de la ville que chaque citoyen a le droit d’avoir une bonne qualité d’air et d’eau, alors on va prendre des actions pour s’assurer que le règlement est respecté», affirme Lucie Régimbald, porte-parole du mouvement Dump This Dump 2, un mouvement de près de 5 000 citoyens visant à dénoncer le projet.
Elle assure qu’il existe encore plusieurs moyens, comme de porter plainte.
«Je vais aller faire analyser la qualité de mon eau à chaque six mois et si elle est mauvaise, je vais porter plainte… La ville verra la différence entre mon eau en ce moment et celle que j’aurais avec le dépotoir.»
Aucun pouvoir, dit la Ville
La Ville d’Ottawa assure avoir fait tout son possible pour empêcher le projet, mais explique qu’elle ne pouvait rien y faire.
«La situation est entre les mains du gouvernement provincial, notre niveau d’intervention est très limité», affirme le conseiller municipal du quartier Cumberland, Stephen Blais.

«On a demandé à avoir plus de responsabilités pour faire des inspections, mais ça a été refusé et on doit respecter ça», poursuit-il, alors que le dépotoir se trouvera dans son quartier.
La porte-parole de Dump This Dump 2 ne croit pas que la ville n’a aucun mot à dire dans ce dossier.
«La ville dit qu’elle ne peut plus rien faire, mais c’est faux! Elle peut aller surveiller la construction, elle peut faire des tests pour s’assurer que rien n’est contaminé ou encore, elle pourrait faire une étude sur les risques d’une telle construction», déplore Mme Régimbald.
Le conseiller de Cumberland assure que la ville suivra le dossier de très près.
«On veut s’assurer que ça va être un centre de recyclage et non juste un dépotoir. Il faut que le tout soit bien partagé.»
Processus trop long
Le conseiller et la porte-parole s’entendent sur un point: tous deux jugent que le processus du comité environnemental de l’Ontario est archaïque.
«C’est un processus très long et il y a eu beaucoup d’erreurs. Le gouvernement n’a pas compris que c’était la mauvaise place», estime l’homme politique qui déplore que les libéraux n’aient pas trouvé un bon équilibre entre l’apport économique et le respect de l’environnement.
«Le processus pour une étude environnementale est désuet, tout ça est trop long. Même des ministres ont dénoncé le processus», rappelle la militante. «Tout ça parce que personne n’a le culot de faire changer les choses…»
Taggart-Miller devra respecter 15 conditions imposées par le ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique.
Une de ces conditions est la création d’un comité formé entre autres de Michelle Taggart, la directrice du développement chez Taggart-Miller et de différents citoyens. Ce comité aura pour mission d’informer les citoyens sur les avancements dans le dossier.
«Sur papier, c’est très beau, mais en réalité on dirait une petite liste de choses à faire où tu coches une case à chaque fois que tu en as fini une», regrette toutefois Mme Régimbald au sujet des 15 conditions.
«Michelle Taggart se cache derrière ses experts qu’elle paye à gros sous, alors le comité n’aura aucun pouvoir et ne pourra faire aucune plainte. Ça ne sert pas à grand-chose» – Lucie Régimbald
Si c’était à refaire, changerait-elle sa façon de faire?
«Avec le recul, je dirais qu’on ferait encore beaucoup plus de lobbying. On [Dump this Dump 2] était toujours en retard, car on essayait de deviner la prochaine action de la compagnie ou du gouvernement.»
Le choix de Carlsbad Springs met fin à une longue saga dans la région. Avant Dump this Dump 2, un autre mouvement citoyen s’était opposé au projet de Taggart-Miller d’installer son dépotoir dans la municipalité de Russell. Le projet avait finalement été abandonné en 2012.
Jointe par #ONfr, la compagnie Taggart-Miller a refusé toute entrevue téléphonique.