Le sort des Franco-Torontois marginalisés inquiète face à la pandémie

La conseillère municipale Jennifer McKelvie préside les travaux du Comité consultatif francophone de Toronto. Source: Ville de Toronto

TORONTO – Des membres de la communauté francophone ont alerté les représentants de la Ville de Toronto sur le sort de citoyens de langue française en situation précaire. La barrière de la langue constitue un facteur de risque en pleine période de pandémie, ont-ils soutenu à l’occasion du Comité consultatif francophone.

Ce vendredi, une large part des discussions de la première rencontre virtuelle du Comité consultatif francophone de Toronto a été consacrée à la question du manque d’informations et d’aide pour les francophones vulnérables.

Trois membres du Comité consultatif francophone : Dada Gasirabo, Marcelle Lean et Carlo Handy Charles. Crédit image : Séance du comité sur le site de la Ville de Toronto

« Les déterminants sociaux de la santé, comme le statut d’immigrant, sont importants à considérer. Et on sait que dans notre communauté francophone, il y a beaucoup d’immigrants. Ils vivent dans des situations qui peuvent les conduire à la marginalisation et donc attraper le virus ou le  propager », a soutenu Carlo Handy Charles, membre du Comité et doctorant en sociologie.

Son collègue président de l’Association des communautés francophones de l’Ontario à Toronto (ACFO-Toronto), Serge Paul, a renchéri.

« Dans notre communauté francophone, on a des gens qui parlent très très mal l’anglais. Je vous conseillerais de prendre en compte les barrières de la langue, car ça peut créer des problèmes au niveau de la communication et des problèmes au niveau de la deuxième vague », a-t-il soutenu.

Dre Vinita Dubey, médecin hygiéniste adjointe de la Santé publique de Toronto, a admis certaines lacunes et il y a des efforts faits pour y remédier, a-t-elle dit. Elle a soutenu que les groupes communautaires avaient un rôle à jouer pour informer la Ville des besoins de ces communautés marginalisées.

Mais le portrait actuel est incomplet, car aucune donnée n’est disponible sur la langue d’un Torontois infecté par le coronavirus, par exemple.

La Santé publique torontoise sait cependant que les quartiers où les francophones sont les plus nombreux ne sont pas touchés. Les quartiers où la population immigrante est la plus nombreuse sont touchés de manière disproportionnée, dit-elle. Dans les cinq quartiers torontois les plus touchés par le virus, entre 1,2 et 2,6 % de la population est de langue française, sait-on en s’appuyant sur les données de Statistique Canada.

Les cinq quartiers les plus touchés par la pandémie et leur pourcentage de francophones. Crédit image : Bureau de la santé publique de Toronto

Il pourrait être judicieux de poser une question aux personnes infectées sur leur langue afin d’avoir un meilleur portrait des personnes les plus touchées, ont soutenu les membres du Comité consultatif francophone.

La Dre Dubey a admis que la langue était un déterminant de la santé. Mais il a cependant fallu faire un choix dans les questions posées lors du retraçage des cas. Les autres bureaux de la santé publique ont décidé de ne pas poser de questions sur la langue, alors Toronto a fait de même.

« Ce n’est pas que la langue n’est pas importante. Mais on a finalement décidé de miser sur une quinzaine de questions. Nous voulons regarder comment on pourrait obtenir ces données. La langue est un déterminant important et nous voudrions l’ajouter à l’avenir », a-t-elle soutenu.

Un Bureau francophone au sein de la Ville?

Il y a un problème d’accès à l’information en français, a soutenu Dada Gasirabo, membre du Comité et directrice de l’organisme Oasis centre des femmes.

« Il y a des choses qui nous échappent comme francophone. Je ne veux pas dévaluer le rôle de notre Comité, mais avant que notre Comité se réunisse, il y a beaucoup de choses qui se sont passées et qu’on a ratées », a-t-elle soutenu.

Auparavant, elle avait évoqué l’exemple d’un programme permettant d’obtenir Internet à faible coût, mais dont la promotion ne s’est faite qu’en anglais et dont les organismes francophones n’ont pas entendu parler.

« Toronto devrait avoir un bureau francophone pour nous faire savoir ce qui se passe pour pouvoir avoir un lien continu avec la Ville. Notre voix n’est pas là, actuellement. Nous avons besoin d’être à bord sur ce qui se passe. Et en français! », a-t-elle insisté.

Un représentant de la Ville de Toronto a répondu avec prudence aux différents commentaires formulés.

« Je suis là pour noter vos commentaires. Cela fera partie de nos discussions pour développer des propositions. Concernant votre désir de ne pas seulement subir les décisions, mais de prendre part aux décisions, je crois que c’est un bon point. Démographiquement, nous devons faire cela et miser sur la diversité et augmenter notre inclusion », a noté Saad Rafi, qui a été nommé à la tête du Comité de redressement et de reconstruction de Toronto.

Il a soutenu qu’il serait possible de voir comment mettre en valeur la culture et les arts francophones davantage.

En matière de santé publique, la Dre Vinita Dubey n’a pas fourni de propositions précises pour améliorer les communications en français.

« Oui, la langue dans laquelle on communique a un impact. On ne peut pas seulement miser sur l’anglais. Notre ligne d’aide permet d’avoir accès à des interprètes. On essaye aussi de poster les documents en HTML pour que les gens puissent utiliser l’outil Google traduction. Les gens veulent de l’information crédible. Nous voulons rejoindre les gens dans leur langue maternelle, incluant le français », a-t-elle indiqué.

Le Comité consultatif de Toronto est présidé par la conseillère municipale Jennifer McKelvie. Par le passé, plusieurs intervenants se sont dits déçus du peu d’influence du Comité sur les décisions de l’appareil municipal.