Trudeau ignore la demande des Acadiens de Nouvelle-Écosse

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Archives #ONfr

OTTAWA – Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, mercredi, la nomination de quatre nouveaux sénateurs, dont Stanley Kutcher pour la Nouvelle-Écosse. Une déception pour les Acadiens de cette province qui espéraient voir un des leurs siéger à la Chambre haute.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

En annonçant la nomination de Margaret Dawn Anderson, pour les Territoires du Nord-Ouest, Pat Duncan pour le Yukon, Rosemary Moodie pour l’Ontario et Stanley Kutcher, pour la Nouvelle-Écosse, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a comblé l’ensemble des sièges vacants au Sénat.

Mais ces dernières nominations laisseront un goût amer aux Acadiens de la Nouvelle-Écosse. Depuis plusieurs années, ces derniers réclament que le gouvernement remplace l’ancien sénateur acadien de la Nouvelle-Écosse Gérald Comeau pour les représenter. La Nouvelle-Écosse possède dix sièges à la Chambre haute.

En juin dernier, la Fédération de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse (FANE) disait encore espérer un geste du premier ministre, près de cinq ans après le départ de M. Comeau du Sénat.

« Comme peuple fondateur de notre pays, la contribution des Acadiens de la Nouvelle-Écosse n’a plus à être démontrée.  D’ailleurs, jusqu’à présent, notre communauté a toujours été représentée par un sénateur acadien », argumentait le président par intérim de la FANE, Norbert LeBlanc. « Nous espérons donc que le premier ministre respectera cette tradition et qu’il procédera sous peu à la nomination d’un représentant acadien au Sénat, qui connaît notre réalité et nos besoins comme communauté de langue officielle en situation minoritaire. »

La demande n’aura finalement pas été entendue, malgré l’appui de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et du sénateur néo-brunswickois conservateur Percy Mockler.

Un spécialiste du domaine de la santé

« Nous sommes très déçus. Même si nous nous réjouissons de la nomination de M. Kutcher et respectons ses compétences, nous avions nous aussi des candidats acadiens de Nouvelle-Écosse de grande qualité », regrette la directrice générale de la FANE, Marie-Claude Rioux.

À la nomination d’un Acadien de Nouvelle-Écosse, M. Trudeau a préféré choisir Stanley Kutcher, un spécialiste du domaine de la santé mentale des adolescents, également chef de file en matière de recherche, de défense des intérêts, de formation et de politiques entourant la santé mentale, qui s’est impliqué dans ce domaine dans une vingtaine pays.

Le gouvernement insiste que les personnes nommées au Sénat ont été recommandées par un comité consultatif indépendant et sélectionnées au moyen d’un processus ouvert à tous les Canadiens.

Ce nouveau système a permis, insistent les libéraux, de faire passer la proportion de femmes siégeant au Sénat de 37 % à 47 % et de plus que doubler le nombre de sénateurs qui s’identifient en tant qu’Autochtones.

« Il est quand même ironique qu’au moment où nous nous battons pour obtenir une représentation effective des Acadiens à l’Assemblée législative provinciale [la FANE réclame le retour des circonscriptions acadiennes protégées au niveau provincial], nous ne l’ayons pas à la plus haute Chambre de notre pays », constate Mme Rioux. « Une des responsabilités du Sénat, c’est la défense des minorités de langue officielle en situation minoritaire. Les Franco-Manitobains, les Franco-Albertains, les Franco-Ontariens ont des représentants au Sénat. Nous, nous n’avons personnes pour nous représenter, personne qui connait notre réalité et nos besoins. On ne peut pas demander aux sénateurs anglophones de Nouvelle-Écosse d’avoir une identité qu’ils n’ont pas. »

Occasion ratée

Mais sur les médias sociaux, la FCFA n’a pu non plus cacher sa déception.

« Très décevant en effet. La FCFA, comme la FANE, attendait la nomination d’un sénateur ou d’une sénatrice de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. »

Même son de cloche du côté du sénateur Mockler, nommé en 2008 par le premier ministre conservateur Stephen Harper.

« Quelle déception pour la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse. Aucune représentation acadienne de la Nouvelle-Écosse, une tradition depuis Sir Wilfred Laurier au Sénat Canadien. Le premier ministre Trudeau a ignoré le peuple acadien. »

Le politologue de l’Université Simon Fraser, à Vancouver, Rémi Léger, ne mâche pas ses mots, dans le contexte de la crise linguistique qui touche l’Ontario.

« Trudeau, Joly et Fortier [députée libérale d’Ottawa-Vanier] font de la petite politique sur le dos des Franco-Ontariens depuis 3 semaines. À dix mois des élections, l’occasion de faire des belles photos était trop parfaite. Mais quand vient le temps de poser des gestes concrets, les priorités sont ailleurs. »

Un avis que partage son homologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand.

« Le premier ministre vient de combler les sièges vacants au Sénat, et fait la sourde oreille aux revendications de retrouver un francophone de la Nouvelle-Écosse à la Chambre haute. Tant d’occasions ratées pour poser des gestes concrets pour appuyer la dualité linguistique. »

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