Caroline Mulroney
Caroline Mulroney, ministre des Affaires francophones, a rendu public son deuxième rapport annuel de la francophonie. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – Publié jeudi par le ministère des Affaires francophones, le nouveau rapport de la francophonie en Ontario de 2023 fait état des actions entreprises durant l’année, dont le nouveau règlement sur l’offre active et l’arrivée des accents sur les cartes Santé, la cible d’immigration francophone de 5 % atteinte, la formation, etc. dont l’ombre au tableau reste la grande pénurie de personnel francophone et l’absence de mention de l’Université de Sudbury.

Parmi les principales avancées de l’année 2022-2023, le nouveau règlement sur l’offre active dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les services en français (LSF), entré en vigueur le 1er avril, précise la définition des services en français et encadre leur application auprès des ministères, agences gouvernementales et organismes.

La liste des organismes désignés et soumis à la LSF n’étant pas à jour, le ministère des Affaires francophones précise dans ce rapport y travailler. La plateforme en ligne de gestion des demandes de désignation d’organismes a été optimisée en 2022 pour accélérer le traitement des demandes, après quoi de nouvelles fonctionnalités s’ajouteront cette année pour l’évaluation triennale des organismes en ligne.

Guy Bourgouin, député de Mushkegowuk-Baie James, porte-parole de l’opposition aux Affaires francophones, estime que les choses avancent et que le gouvernement procède à des changements, mais explique aussi que la communauté francophone en attendait plus.

Il déplore notamment le délai de mise en place réelle de l’offre active qui pourrait prendre jusqu’à trois ans : « Il n’y pas de suivi et pas de conséquences si les organismes ne répondent pas à ces nouvelles exigences. On ne veut pas se retrouver dans la même situation trois ans après! »

Initiatives pour pallier à la pénurie de personnel francophone

L’élu du Nord évoque une pénurie de main-d’œuvre francophone qui touche tous les secteurs, dont 450 % en éducation et des enseignants actuels qui ne sont pas qualifiés pour exercer. Il pointe du doigt l’immigration francophone trop modeste qui ne répond pas aux besoins de la province, bien qu’elle ait atteint sa cible de 5 %.

Une pénurie que le rapport mentionne : « La pénurie de travailleurs francophones et bilingues touche plus particulièrement les secteurs de la santé, de l’éducation, de la petite enfance et des services sociaux et communautaires. Le gouvernement de l’Ontario prend très au sérieux cette situation. »

Faisant état de la nécessité de renforcer le recrutement pour offrir ces services en français, il mentionne l’élaboration d’une initiative pour le développement d’une main-d’œuvre bilingue au sein de la fonction publique et du gouvernement.

Parmi les initiatives mises en place par le ministère des Affaires francophones, la Stratégie ontarienne de recrutement et de rétention du personnel enseignant de langue française de 2021 à 2025 a permis de créer un portail de recrutement Enseignerenfrançais. Un nouveau projet pilote de l’Ordre des enseignants de l’Ontario permet aux enseignants de France nouvellement diplômés de présenter une demande d’agrément auprès de celui-ci.

« Il y a dans ce rapport des choses très intéressantes, par exemple sur la stratégie concernant la pénurie de main-d’œuvre avec des incitatifs » – Fabien Hébert

Divers incitatifs financiers ont été également mis en place par la province pour les métiers spécialisés dans l’éducation, la santé, la petite enfance et les services sociaux, à raison de 1 000 $ pour les employeurs et apprentis à l’inscription, faisant partie d’un groupe sous-représenté, tel que les francophones.

Le Programme de formation relais de l’Ontario, géré par le ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences, vise à aider les nouveaux arrivants formés à l’étranger à obtenir un emploi dans leur champ d’expertise, sans devoir reprendre leurs études ou acquérir d’autres compétences.

« Il y a dans ce rapport des choses très intéressantes, par exemple sur la stratégie concernant la pénurie de main-d’œuvre avec des incitatifs ou encore sur les efforts en langage des signes francophones dans la fonction publique », commente Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

La Stratégie de développement économique francophone, mise en place en 2021 par le ministère des Affaires francophone, a permis de financer des entreprises en phase d’incubation et d’implantation grâce à un financement de 1,5 million de dollars sur trois ans. La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), créée il y a deux ans par le ministère, compte aujourd’hui 4 000 entreprises et entrepreneurs franco-ontariens.

Aucune mention de l’Université de Sudbury

Si le bilan de la francophonie recense l’Université de l’Ontario français à Toronto et l’Université de Hearst dans le nord comme établissements postsecondaires 100 % francophones, il ne fait aucune mention de l’existence de l’Université de Sudbury et du suivi du transfert des programmes francophones de l’Université laurentienne.

« Le rapport qui évoque l’Université laurentienne reste silencieux sur l’Université de Sudbury. Ça fait peur », réagit M. Bourgouin. « Le fait qu’il n’y ait aucune mention, ne serait-ce que le fait que c’est en cours est préoccupant. Le fédéral a donné le financement que la province retient, et le dossier n’avance pas. »

Il rappelle que les ministères des Affaires francophones et des Collèges et Universités avaient été décriés par la communauté francophone et accusés de ne pas avoir fait leur travail pour éviter que l’Université se retrouve au point mort.

M. Hébert nuance toutefois le propos : « Ce dossier continue à progresser. On continue à le surveiller. On s’attend à avoir des nouvelles sous peu. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. »

La santé avec les accents

Depuis août 2022, les francophones peuvent opter pour les caractères de langue française, comme les accents (p. ex. ç, è, é, ê, ë) sur leur carte Santé de l’Ontario.

« Les accents c’est une bonne chose, mais on a besoin d’avoir les données francophones, une identification des francophones, dont ce recensement aiderait à ajouter des services en français, reflétant les besoins », commente Guy Bourgouin.

Concernant la base de données sur les services de santé en français, elle est gérée par le ministère depuis mars 2022 qui récolte les données des fournisseurs de services de santé et permet aux planificateurs de mieux cerner leur capacité à offrir ces services en français.

Il est précisé que le ministère utilisera les données pour créer des rapports évaluant la capacité à prodiguer des services en français avec la possibilité de combiner ces données avec d’autres données ministérielles pour mieux cerner les besoins.

Depuis février 2023, 39 projets de développement de centres de soins de longue durée sont en cours de préparation à travers l’Ontario pour un total de 4 956 lits dédiés aux francophones, 3 166 nouveaux lits et 1 790 rénovations.

À noter également que depuis le 1er février 2022, les documents judiciaires peuvent être déposés en français partout dans la province dans tout type d’instance, y compris les affaires criminelles, civiles et familiales.