Un budget de la rédemption pour les libéraux à Queen’s Park

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Crédit image: Maxime Delaquis

TORONTO – Le budget de la dernière chance est devenu le budget de la rédemption pour le gouvernement libéral de l’Ontario.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org@fpdufault

Les troupes de Kathleen Wynne ont déposé, le lundi 14 juillet, une ébauche budgétaire identique à celle qui avait provoqué le déclenchement d’élections générales dans la province, 74 jours plus tôt.

C’est sur ce document, rejeté par une opposition alors majoritaire, le 1er mai, que les libéraux ont fait campagne et remporté une résonnante victoire aux urnes, le 12 juin.

« Nous sommes allés en campagne électorale avec ce budget. Nous avons consulté le public. Moi, toute ma campagne électorale était basée sur ce budget », a indiqué Madeleine Meilleur, Procureure générale de l’Ontario et ministre déléguée aux Affaires francophones, à #ONfr.

Budget à l’encre rouge

Le clan Wynne a gardé le cap sur un budget progressiste, bien que trempé dans l’encre rouge à hauteur de 12,5 milliards $, et ce, malgré la menace d’une dégradation de la cote de crédit de la province par l’agence de notation Moody’s.

Par contre, l’atteinte du déficit zéro serait toujours possible d’ici la fin de l’exercice financier 2017-2018, selon Charles Sousa, ministre des Finances.

« Nous reconnaissons qu’il y a des sceptiques », a laissé entendre M. Sousa lors du dépôt de son budget devant l’Assemblée législative, le 14 juillet. « Mais soyons clairs. Nous allons contrôler les dépenses. Nous allons éliminer le déficit. Nous allons continuer à couper là où nous le pouvons, mais nous allons aussi investir là où nous devons le faire ».

Pour augmenter ses revenus, le gouvernement entend taxer davantage les contribuables gagnant plus de 150 000 $ par année. Il envisage aussi la vente de certains actifs de la province, comme des édifices publics appartenant à la Régie des alcools de l’Ontario et à Hydro One, entre autres. La taxe sur le carburant d’avion serait majorée de 1¢ à compter du 1er septembre, puis de 1¢ par année pour les trois prochaines années.

Régime de pensions

Sans surprise, les libéraux assoient une bonne partie de leur budget sur la création d’un régime provincial de pensions. Ce programme, calqué sur le modèle fédéral et administré par un organisme indépendant, serait financé à parts égales par les employeurs et employés au moyen d’une cotisation maximale de 3,8% du salaire des participants.

Les contribuables qui économisent déjà suffisamment pour leur retraite, via des régimes privés, pourraient se soustraire d’un régime public provincial.

Emplois et infrastructure

Sur le plan des transports, encore une fois sans surprise, le clan Wynne souhaite dépenser 29 milliards $ sur dix ans. La moitié de cette enveloppe, soit 15 milliards $, irait à la grande région de Toronto pour bonifier et électrifier le réseau de trains de banlieues GO, notamment.

Les libéraux prévoient injecter 2,5 milliards $ sur dix ans pour un Fonds pour l’emploi et la prospérité, ayant pour but d’attirer des entreprises et créer des emplois. Ils promettent aussi 1 milliard $ pour favoriser l’exploitation minière dans le Cercle de feu, dans le nord-ouest de la province.

« Il s’agit d’une priorité économique nationale », a déclaré M. Sousa, exhortant le gouvernement fédéral à investir une somme équivalente dans le développement du Cercle de feu.

L’opposition impuissante

Sur les banquettes de l’opposition, le Parti progressiste-conservateur et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont à nouveau dénoncé le budget libéral, comme ils l’ont fait, le 1er mai.

Mais, cette fois, sans aucun recours face à un gouvernement majoritaire.

« C’est un jour sombre pour les contribuables de l’Ontario », a déploré Victor Fedeli, le chien de garde des progressistes-conservateurs en matière de Finances, à TFO. « Ce budget n’aide absolument pas nos chômeurs. Nous avons vu 34 000 nouvelles pertes d’emplois, le mois dernier. Et nous avons toujours les tarifs d’électricité les plus dispendieux dans toute l’Amérique du Nord ».

Une baisse de la cote de crédit de l’Ontario est presque inévitable, de l’avis de M. Fedeli, député de Nipissing et possible candidat à la chefferie de son parti.

Pour sa part, la chef néo-démocrate Andrea Horwath a comparé le budget libéral à un « cheval de Troie » parce que, selon elle, le document cache d’importantes mises à pied dans la fonction publique pour atteindre le déficit zéro d’ici 2018. Elle s’est aussi inquiétée de la vente possible de certains actifs de la province, comme la Régie des alcools et Hydro One.

« Bien des choses se sont produites depuis le mois de mai, et c’est important de le reconnaître. Mais, malheureusement, bien des choses n’ont pas changé », a déclaré Mme Horwath, qui a perdu la balance du pouvoir à la suite des élections du 12 juin.

Les libéraux se sont défendus de vouloir réduire la taille de la fonction publique et ont fait valoir que les mesures qu’ils proposent pour équilibrer les finances de la province ont de quoi rassurer ses créanciers.

Livrer la marchandise

Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le temps est venu pour Queen’s Park de livrer la marchandise.

« Désormais majoritaire, le gouvernement a la capacité de faire avancer les dossiers qu’il juge prioritaire. Il faut désormais concrétiser ces projets car le temps presse pour certains, notamment quant à l’avenir du Collège d’Alfred et pour le 400e anniversaire de présence française en Ontario qui arrive à grands pas », a déclaré Denis Vaillancourt, président de l’organisme porte-parole des quelque 611 500 francophones de la province.

QUELQUES CHIFFRES DU BUDGET

– Un régime provincial de pensions, calqué sur le modèle fédéral;
– Une somme de 29 milliards $ sur dix ans – dont la moitié pour la grande région de Toronto – pour les transports;
– Un fonds de 2,5 milliards $ sur dix ans pour stimuler la création d’emplois;
– Une somme de 1 milliard $ pour pistonner l’exploitation minière dans le Cercle de feu;
– La suppression de la redevance de liquidation de la dette de l’ancienne société d’État provinciale Hydro Ontario sur les factures d’électricité des clients résidentiels;
– Des investissements de 150 millions $ pour doter les écoles d’outils d’apprentissage technologiques, comme des tablettes;
– Une somme de 11,4 milliards $ sur dix ans pour agrandir et rénover des hôpitaux;
– Une somme de 810 millions $ sur trois ans pour l’élimination des listes d’attente pour des services aux personnes atteintes d’une déficience intellectuelle;
– Un poste d’ombudsman des patients pour accroître la transparence des hôpitaux;
– Des hausses des salaires de 11$ à 14$ l’heure pour les travailleurs de la petite enfance, et de 12$ à 16,50$ l’heure pour les préposés aux services de soutien à la personne.