Un budget mi-figue, mi-raisin pour les Franco-Ontariens

La ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde. Crédit image: Stéphane Bédard

[ANALYSE]

TORONTO – On n’attendait rien de bien mirobolant pour les 622 000 Franco-Ontariens dans les pages du budget ontarien, dévoilé la semaine dernière. Entre l’augmentation de l’enveloppe du ministère des Affaires francophones, l’élargissement du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), et l’indication linguistique pour la carte santé, on serait tenté d’affirmer que tout n’est pas si noir. Bien au contraire.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

De là à dire que les francophones sont gagnants? Deux grilles de lecture s’imposent. La première est optimiste. Car si l’on scrute les quatre budgets présentés depuis les dernières élections en juin 2014, celui-ci est incontestablement le plus étoffé pour les Franco-Ontariens.

On est ici loin de l’exercice 2015 où il fallait se contenter seulement d’une enveloppe pour le 400e du passage de Champlain. Loin aussi du document de 2016 où les francophones recevaient quatre mentions.

La deuxième perspective est bien plus sombre. Et déplore, une fois de plus, le manque d’argent pour les initiatives mises en exergue pour les Franco-Ontariens.

Le ministère des Affaires francophones, autonome depuis juillet 2017, reflète cette tendance. Évidemment, les 7,8 millions dont bénéficiera l’office en 2018-2019 sont non négligeables, en comparaison des 5 millions sur 2016-2017. Mais cette augmentation n’est pas celle demandée par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) laquelle privilégiait plutôt 9 millions de dollars.

En épluchant un peu plus les 314 pages du budget, on constate que le ministère des Affaires des personnes âgées, devenu lui aussi indépendant en 2017, voit son budget passer sur deux ans de 19 à 46,5 millions de dollars. Une augmentation…. de 145 %, bien plus élevée donc que celle des francophones.

Le PAFO encore insuffisant?

Autre pas en avant à relativiser : l’enveloppe du PAFO doublée. Quelque deux millions de dollars seront injectés annuellement pour l’octroi de subventions par les organismes. On sait toutefois que le total des demandes pour le dernier exercice du programme s’élevait à huit millions de dollars. Pas sûr donc que cela contentera tout le monde. Sans compter que ce genre d’initiatives ciblées sur des projets ne répond pas sur le long terme au manque de financement des organismes.

Quant à l’identité linguistique des patients directement dans le système gérant la carte santé, on ne peut pas être contre la vertu. La mention directe sur la carte, soit la dimension symbolique – un reproche souvent adressé au gouvernement Wynne – est ici absente pour préférer une efficacité du système. Un bon point, qui contraste pourtant avec le désengagement du gouvernement à revitaliser la Loi sur les services en français, un projet pourtant crucial pour assurer les services en français dans les hôpitaux.

L’absence d’une mention pour l’université

Enfin, beaucoup de francophones auraient aimé une garantie financière quant à l’Université de l’Ontario français. Celle-ci était absente dans le budget, tout comme l’an passé… ce qui n’avait pas empêché le gouvernement de dévoiler un peu plus tard le fonds de démarrage.

En réalité, les défis de l’établissement durant les prochains mois sont tous autres. Trouver en premier lieu un emplacement qui satisfasse toutes les parties. Un dilemme qui pourrait faire beaucoup parler. Par ailleurs, s’assurer de la pérennité du projet en cas d’arrivée au pouvoir du progressiste-conservateur Doug Ford le 7 juin. Une éventuelle transition politique qui pourrait faire regretter le contenu de ce budget 2018, bien que mi figue mi-raisin pour les francophones

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 3 avril.