Un budget sans grands changements sous le spectre de l’inflation

Peter Bethlenfalvy, ministre des Finances Crédit image: Jackson Ho

TORONTO – La mise à jour fiscale du budget provincial de 2022 n’apporte pas vraiment de nouveautés, comparée à sa première version déposée en avril dernier. Pourtant, deux nouveautés apparaissent dans cette bible économiste.

Un budget qui s’attaque à l’année en cours, mais qui révèle de nombreux impacts sur un plus long terme. Peu de changements, les dépenses envisagées sont en fait quasiment les mêmes que dans le budget déposé en avril dernier lors de la dissolution de l’Assemblée législative.

La seule chose ayant augmenté, sont des dépenses soutenants les intérêts de la dette – environ 100 millions – les dépenses prévues représentent maintenant et environ 198,8 milliards de dollars.

Pour l’économiste en chef du Conférence Board, Pedro Antunes : « Vous savez, l’inflation est très néfaste pour les consommateurs, mais c’est bon pour les gouvernements. »

Avec l’inflation, les prix des impôts et des taxes sur les produits augmentent, car elle est basée sur la vente. « Un exemple simple est celui des taxes sur les ventes au détail. Si le prix d’un produit a doublé, la taxe sur ce produit a également doublé. »

Ainsi, les revenus du gouvernement sont plus élevés et « même si l’inflation est forte, ceci ne va pas régler le déficit ». En Ontario, la dette, par rapport à son PIB est l’une des pires au Canada.

Actuellement, la dette de l’Ontario représente à 40.4% du PIB. « Le plan fiscal annoncé ce 9 août indique que la situation se stabilise en 2022-23. Pendant la pandémie (en 2020-21), la dette nette s’est élevée à presque 44 % du PIB nominal. »

Un équilibre pour l’Ontario

Il est difficile de prévoir un retour à la normale. « Dans le temps du budget, au mois d’avril, on nous parlait d’un retour à l’équilibre en 2027/28 », souligne l’expert.

« Mais ce n’est pas clair, on voit dans le budget qu’il y a une amélioration fiscale, certes, mais la prévision de croissance pour l’année en cours nous indique que l’économie doit ralentir dans le prochain trimestre. »

M. Antunes constate également que la construction résidentielle est en train de s’abaisser. « Nous le voyons, l’inflation retire les effets de la surconsommation en réduisant le pouvoir d’achat aux ménages ontariens. »

Et rajoute : « Les consommateurs sont encore en bon état, beaucoup ont épargné pendant la pandémie, on est en train de vivre sur nos surplus. »

Pour l’économiste, ce sera un défi pour le gouvernement, de revenir à la normale. Même si la Banque du Canada et la Réserve fédérale des États-Unis augmentent les taux d’intérêt pour freiner l’inflation. C’est le « soft landing », l’idée étant de faire un ralentissement économique mais en douceur.

« Les mesures de Ford auront un impact sur l’inflation, si on baisse les taxes, comme cela a été fait avec l’essence. »

Pedro Antunes, économiste en chef au Conférence Board du Canada. Gracieuseté

Un budget pas forcément prudent

 « Je ne vois pas trop de prudence dans ce budget », nous dit l’économiste, « beaucoup de dépenses en infrastructures et en santé, ce qui est quand même une bonne chose ».

« C’est un budget de dépense. On devrait avoir un budget capable et préparé pour les crises à venir. »

Pour Pedro Antunes, le chômage est à un niveau très bas, ce sont même des records, 5,3% pour l’Ontario, c’est presque du jamais vu, « nous sommes en plein emploi ».

« Dans le budget, on dit que le niveau d’emploi est bien au-dessus, par rapport à avant la pandémie », 370 000 postes sont à pourvoir en Ontario, soit plus de 190 000 de plus qu’en février 2020.

Le gouvernement injectera 1,8 milliard de dollars dans le travail, la formation et le développement des compétences.

Cependant, il faut s’attendre à encore plus de pression sur le marché du travail, puisque de nombreux retraités, « au lieu de partir à la retraite durant la pandémie, ne le font que maintenant ». Dans six ou sept ans à venir, les derniers baby-boomers prendront leur retraite. « Cette énorme frange de la population est encore bien dans le marché du travail et cette cohorte va se retirer très bientôt. »

« Il y a des défis énormes dans l’industrie des chauffeurs/camionneurs, la cohorte de baby-boomers est très importante dans ce secteur. »

Les grandes lignes du budget

« 33 400 postes vacants dans la santé en 2022, c’est le double qu’en 2019 », s’insurge M. Antunes, « c’est inquiétant ».

De gros montants sont alloués à la santé, comprenant l’engagement de 27 000 personnes en santé. « Près de 70 milliards de dollars pour la santé, c’est 42% des revenus du budget. »

En éducation, « on aime tout ce qui touche à la capacité productive de l’économie », déclare l’expert.

Depuis les derniers 20 ans, ce n’est pas l’investissement en machineries, manufactures ou autres qui rapporte le plus, selon l’économiste en chef, « mais la croissance vient de l’économie du savoir ».

« C’est le capital humain, donc plus d’éducation. Il faut savoir que ce sont les gens avec des diplômes qui sont très recherchés dans le marché du travail au Canada, c’est un avantage comparatif. »

En ce qui concerne le logement et l’immobilier, l’économiste dit : « Il y a de nouvelles mises en chantier, et il va y avoir une grosse hausse du stock résidentiel au fil des prochains trimestres en Ontario. » Il rappelle aussi que le niveau des ventes a chuté d’environ 40%.  

 « C’est un budget qui investit dans de bonnes infrastructures », admet M. Antunes, « et qui contribue à la croissance économique à long terme. Il sera difficile d’atteindre un équilibre fiscal et de se préparer au prochain problème géopolitique ».

Pour l’expert, il faudra tout de même garder un œil sur le risque de ralentissement économique.

Deux nouvelles mesures dans le budget

  • Une augmentation de 5 % pour le POSPH (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées).

Le gouvernement promet d’augmenter le taux de soutien du revenu de 5 % à compter de septembre 2022 pour les familles et les particuliers qui en bénéficient. Le ministre des Finances assure également que le taux du POSPH sera ajusté sur l’inflation pour protéger les bénéficiaires de la hausse des coûts.

  • 225 millions de dollars additionnels en éducation en paiement direct pour les parents.  

En avril 2022, le gouvernement avait lancé un programme de tutorat dans la province, un investissement de 175 millions de dollars. Dans cette nouvelle version, le gouvernement renforce le programme en ajoutant 225 millions de dollars supplémentaires en paiements directs aux parents « afin de les aider à donner le soutien dont leurs enfants ont besoin pour leur rattrapage scolaire ». Cette subvention vise à pallier la longue absence des élèves ontariens durant la pandémie.

Pour l’économiste, ceci est très positif, mais « tout reste à voir dans l’application du programme ».