Un candidat à la direction libérale crée la surprise sur sa plateforme en français

Le candidat à la chefferie du Parti libéral de l'Ontario, Alvin Tedjo. Source: Facebook

TORONTO – Engagé dans la course à la direction du Parti libéral de l’Ontario (PLO), Alvin Tedjo lance sa plateforme en français avec des propositions concrètes. Il mise sur ses idées et son image franco-ontarienne pour se rapprocher des électeurs francophones en vue des prochaines échéances provinciales.

Ce père d’une famille franco-ontarienne a été l’un des premiers à manifester, au printemps dernier, son intention de succéder à Kathleen Wynne à la tête des libéraux provinciaux, dont le parti porte encore les stigmates de la débâcle électorale de 2018.

Sa toute première bataille politique, en tant que candidat dans la circonscription provinciale d’Oakville-Nord-Burlington, a été un échec sans appel. Balayé par une progressiste-conservatrice, l’ancien directeur des relations gouvernementales au collège Sheridan n’a pas pour autant baissé les bras. En 2020, il vise même plus haut et plus « large ». Il veut conquérir le fauteuil de leader de son parti et le faire en s’exprimant dans les deux langues.

S’il n’a pas encore la capacité bilingue de l’ancienne première ministre ontarienne libérale, M. Tedjo est déterminé à s’adresser aux francophones dans leur langue.

« Ma femme est franco-ontarienne, mes enfants fréquentent une école de langue française et je suis en train d’améliorer mon français », confie-t-il. « Je crois que c’est important de reconnaître l’histoire de cette communauté et l’opportunité que représente le français en Ontario. On doit reconstruire la confiance qui a été brisée entre le gouvernement et les Franco-Ontariens. »

Moderniser la LSF 8 et rétablir un commissariat indépendant

S’il est élu chef du parti et devient le prochain premier ministre, M. Tedjo s’engage à moderniser la Loi sur les services en français.

« On a besoin de s’assurer que ces services soient fournis dans les deux langues partout. Je veillerai à ce que ce soit le cas dans toute la province et que le commissaire aux services en français indépendant soit rétabli, car c’est son travail de veiller à ce que les gens soient bien servis dans leur langue. »

L’ancien conseiller du ministre de la Formation, des Collèges et des Universités, Brad Duguid, de 2013 à 2015, veut même lui donner des pouvoirs élargis pour faire respecter les mesures prescrites par la Loi.

Alvin Tedjo, un père de famille franco-ontarienne. Gracieuseté

Sur sa plateforme en français, qui sera disponible en ligne ce vendredi et dont ONFR+ a pu se procurer la version beta, le résident de Mississauga décrit précisément ses engagements envers les francophones, ce qu’aucun autre candidat ne fait pour l’heure. Retenons-en cinq :

  • Revoir le règlement 444/98 de la Loi sur l’Éducation pour que les immobilisations scolaires publiques soient mieux utilisées et que les écoles excédentaires soient transférées aux conseils qui en ont besoin,
  • Mettre sur pied un groupe de travail pour remédier à la pénurie, d’enseignants dans les écoles de langue française, d’éducateurs de la petite enfance et de personnel spécialisé,
  • Investir dans des programmes et des organismes qui appuient l’intégration des nouveaux arrivants francophones dans leur communauté, à l’école et au travail,
  • Financer des modèles de soins intégrés en français comme les centres de santé communautaires, ainsi que des modèles de prestation de services novateurs comme la télésanté,
  • Mettre à profit le statut d’observateur de l’Ontario auprès de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour créer davantage de possibilités d’échanges économiques et culturels.

« Ce gouvernement n’a pas compris combien la communauté francophone peut apporter à la province si on lui donne les outils en investissant dans l’éducation, le business et la culture », affirme M. Tedjo, surfant sur l’impopularité de Doug Ford. « Nous sommes un pays bilingue ouvert sur l’immigration francophone. M. Ford n’a pas voulu apprendre le français. Je veux être bilingue dans quelques années. On a besoin de comprendre qui sont les gens pour faire notre possible. »

Rude concurrence

Alvin Tedjo fait face à quatre autres candidats qui seront départagés lors d’un congrès en mars 2020. Parmi eux, figurent des poids lourds du parti comme l’ancienne ministre de l’Éducation, Mitzie Hunter. La députée de Scarborough-Guildwood siège toujours à Queen’s Park, au sein d’un maigre contingent libéral dépouillé de ses deux dernières représentantes francophones au cours l’été dernier.

Michael Coteau siège toujours lui aussi. Le député de Don Valley-Est s’est jeté dans la course à la chefferie, disposant de plusieurs appuis et capitalisant sur son expérience ministérielle, aux Services sociaux et communautaires, aux Services à l’enfance et à la jeunesse et au Tourisme, à la Culture et au Sport.

L’ancien ministre du développement économique et ex-député de Vaughan, Steve Del Duca, ainsi que l’enseignante en science politique à l’Université Western de London, Kate Graham, complètent un tableau qui peut encore évoluer jusqu’au 25 novembre.

Michael Coteau, Mitzie Hunter, Kate Graham et Steve Del Duca. Montage ONFR+

Sur son site web de campagne, Mitzie Hunter a traduit en français sa vision et sa politique générale, tandis que Michael Coteau a seulement traduit son formulaire de contact. Kate Graham et Steve Del Duca proposent une plateforme unilingue.

Selon le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand, tout candidat a pourtant intérêt à faire valoir ses arguments en français.

« Avoir un chef qui sait s’exprimer en français est une façon de démontrer une solidarité avec la communauté », estime-t-il. « Une plateforme est un geste qui confirme que le candidat est à l’écoute, capable de se démarquer au sein du parti et de se rapprocher des électeurs. »

Un parti à reconstruire

Selon lui, le fait qu’il y ait plusieurs candidats sérieux dans la course démontre un fort niveau d’engagement.

« C’est plutôt utile pour un parti qui doit se reconstruire. Bien menée, une vraie course avec de bons échanges peut donner de la visibilité dans les médias. »

Le politologue n’exclut pas qu’un autre candidat fasse irruption dans la course.

« Mais plus il attend, plus ça devient compliqué, car les anciens députés commencent à donner leur appui. Tout nouveau candidat aura une côte à remonter. Une telle dynamique n’est pas impossible », dit-il en prenant l’exemple de Doug Ford, sorti du lot avec peu d’appuis dans la course à la chefferie conservatrice.

« Le parti a besoin d’une nouvelle génération de leaders », croit de son côté Alvin Tedjo. « De bonnes choses ont été réalisées dans le passé mais le temps est venu de tourner la page et de présenter des idées différentes pour l’Ontario et de travailler pour le futur », dit-il.

L’avenir du Parti libéral se jouera sur deux scénarios, analyse M. Normand.

« Soit choisir un visage nouveau pour repartir à neuf, sur de nouvelles bases, soit miser sur une figure qui connaît le parti, capable de faciliter le recrutement d’une équipe de candidats. Il est difficile à ce stade de dire qui sera capable de porter ce mouvement et d’incarner ce changement. »