Un congrès de l’AFO pour sortir du tunnel

Le président de l'AFO, Carol Jolin. Crédit image: Patrick Imbeau

[ANALYSE] 

SUDBURY – En octobre 2018, au moment de clôturer son congrès annuel dans la banlieue de Toronto, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) n’imaginait sûrement pas vivre 12 mois aussi agités jusqu’à son prochain événement du genre. 12 mois marqués par les compressions aux services en français par Doug Ford, le mouvement de La Résistance, et le feuilleton de la relance du projet de l’Université de l’Ontario français (UOF).

Le congrès de 2019 à Sudbury aura été l’inverse que celui tenu un an plus tôt. Cette fois-ci, pas d’élection à la présidence. Le deuxième mandat de Carol Jolin s’achèvera d’ailleurs en 2020. Les six nouveaux membres ajoutés sur le conseil d’administration de l’AFO ont tous été élus par acclamation.

Alors que le choix entre Carol Jolin et Pablo Mhanna-Sandoval avait provoqué les discussions l’an passé, l’ordre du jour à Subdury était plutôt centré sur l’après-Résistance. À ce sujet, les francophones ne sont pas encore sortis de l’auberge.

Le protocole d’entente signé in-extremis avant le déclenchement des élections fédérales a permis certes de confirmer le lancement de l’UOF probablement à partir de 2021. Un succès dû en partie au travail en coulisses mené par l’AFO, et à l’urgence des élections qui a forcé les libéraux fédéraux et les conservateurs ontariens à sortir leurs plus beaux atours.

Vers une indépendance du commissaire?

Mais les dégâts du « jeudi noir » n’ont pas tous été réparés. Le commissaire aux services en français reste dépendant du bureau de l’ombudsman, Paul Dubé. Pour ne rien arranger, ce poste de commissaire même non-indépendant est actuellement vacant.

Le document de modernisation de la Loi sur les services en français présenté aux membres de l’AFO lors de l’assemblée générale exige justement ce retour à l’indépendance.

La proposition est économiquement réaliste, au même titre qu’offrir des services gouvernementaux en français dans tout l’Ontario, l’autre grand souhait de l’AFO par cette modernisation. Mais l’équipe de Doug Ford verra-t-elle cela avec les yeux de la logique ou d’un recul politique? L’organisme tentera sans doute d’utiliser le vocabulaire économique – un langage apprécié par le gouvernement – pour arriver à ses fins.

D’autres défis pour l’AFO

Ce congrès 2019 rappelle que l’AFO doit convaincre sur d’autres dossiers. Celui de l’inclusion revient par exemple sans cesse. Malgré deux membres de son conseil d’administration obligatoirement issus des minorités raciales et ethnoculturelles, et de réels efforts, l’AFO est fréquemment montrée du doigt pour ne pas inclure suffisamment.

Par ailleurs, un autre défi se profile de plus en plus pour l’organisme : asseoir définitivement sa position de groupe francophone numéro 1 en Ontario.

Le mouvement de Résistance a prouvé la capacité de l’AFO à y parvenir, mais d’autres obstacles sont là. D’une, la concurrence que lui livre dans les coulisses la Société économique de l’Ontario (SEO). Par ailleurs, l’AFO doit solidifier sa relation avec Caroline Mulroney, très distante vis-à-vis de l’organisme.

La ministre des Affaires francophones présente lors du congrès de l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO) à Sudbury le mois passé brillait en revanche par son absence durant les trois jours d’événement. C’est la députée Natalia Kusendova qui a représenté le Parti progressiste-conservateur.

Sur le bon chemin, l’AFO doit s’armer de patience. Les Franco-Ontariens sont encore dans le long tunnel faisant suite au « jeudi noir », même si le plus dur est aujourd’hui derrière. La moitié du chemin est faite.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 28 octobre.