Un débat très cordial dans Glengarry-Prescott-Russell

Bonnie Jean-Louis et Pierre Leroux ont répondu aux questions du journaliste d'#ONfr, Benjamin Vachet. Crédit image: Sébastien Pierroz

[ONVote2018]

EMBRUN – Depuis plusieurs semaines, la campagne électorale dans Glengarry-Prescott-Russell a des airs de feuilleton. Entre le renoncement de dernière minute du député libéral Grant Crack à se représenter, l’investiture du même coup de Pierre Leroux, puis le resserrement des sondages, les rebondissements se multiplient. Le débat organisé par #ONfr, mercredi soir, au Centre récréatif d’Embrun, a pourtant été très calme.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le duel fratricide attendu entre le maire du canton de Russell, Pierre Leroux, et la conseillère municipale, Amanda Simard, tous deux résidents d’Embrun, n’a pas eu lieu. En cause : l’absence de la candidate progressiste-conservatrice toujours en tête des sondages si l’on se fie au site web Qc125. Une victoire qui signifierait la fin de l’hégémonie des libéraux au pouvoir depuis 1981 dans cette circonscription.

Entre Pierre Leroux et la néo-démocrate Bonnie Jean-Louis, le ton était pour le moins cordial, et les accords plus nombreux que prévus. Tous les deux ont parfois eu du mal à demeurer concis. Le libéral, déclaré candidat début avril, tout comme son adversaire investie par le Nouveau Parti démocratique (NPD) à la dernière minute, ont eu certaines difficultés à livrer leurs messages-clés durant les 60 minutes de débat.

C’est d’emblée le développement économique qui a dominé les discussions. Un thème crucial dans cette circonscription de plus de 100 000 résidents. Si Embrun, Casselman ou encore Rockland profitent du dynamisme économique d’Ottawa, ce n’est pas toujours le cas plus à l’Est aux alentours de Hawkesbury.

« Il faut plus d’internet à haute vitesse », a plaidé M. Leroux, tandis que son opposante néo-démocrate a fait l’éloge de mettre « plus d’argent dans les poches » des résidents et de mises sur des services de santé de qualité.

Interrogé un peu plus tard dans le débat sur le salaire à 15 $ l’heure, Pierre Leroux qui est aussi entrepreneur, a soufflé le chaud et le froid. « Ça m’a fait très mal, et ça avait un impact sur moi. Mais la réalité est que le taux de chômage avec l’augmentation salariale est au plus bas depuis 17 ans. »

Bonnie Jean-Louis lors du débat. Capture écran #ONfr

Pierre Leroux cite Bugs Bunny

Autre thème incontournable : l’environnement. D’autant que la question des parcs éoliens s’est invitée récemment au cœur de la municipalité de la Nation.

« Les gens doivent pouvoir dire s’ils sont pour ou contre. Si on donne plus de pouvoir au niveau municipal, ça ferait toute la différence », a fait valoir M. Leroux.

Bonnie Jean-Louis a approuvé l’idée de M. Leroux d’organiser des référendums pour ce genre de projets controversés.

« Il faut informer les communautés pour que les gens puissent prendre des décisions éclairées », a-t-elle plaidé.

Fermes laitières, Fromagerie St-Albert, ce n’est pas pour rien que l’Est ontarien est surnommé le « grenier agricole » de l’Ontario. « Je n’ai pas grandi sur une ferme », a reconnu M. Leroux. « L’expérience que j’avais sur une ferme, c’était de regarder Bugs Bunny le samedi matin (…) Ce n’est pas à moi de dire aux agriculteurs que faire, mais c’est à moi d’être leur représentant. »

« Les terres sont de plus en plus achetées par des entreprises de l’extérieur. Il faut s’assurer que les terres restent locales, et voir les possibilités de développer des projets avec des coopératives », a de son côté fait part Mme Jean-Louis.

Village d’Antan et Collège d’Alfred

La question francophone était aussi en filigrane du débat. Avec plus de 60 % de francophones, Glengarry-Prescott-Russell est longtemps restée la seule circonscription majoritairement francophone de l’Ontario. Un statut qu’elle partage pour la campagne de 2018 avec le nouveau territoire de Mushkegowuk-Baie James dans le Nord de la province.

Sur l’enjeu du bilinguisme officiel de la province, les deux candidats se sont montrés ambigus.

« On est en train de se rendre là, mais il faut être certain que cela va être à un niveau où il va y avoir un effet, et pas simplement créer des problèmes », a illustré M. Leroux.

Du côté de Mme Jean-Louis, ce n’était manifestement pas le même enthousiasme que certains de ses collègues néo-démocrates.

« Officialiser le tout trop vite, ça peut être dangereux. J’aurais plus tendance à représenter ma région, et miser sur la communauté bilingue de ma région. »

Dans un registre plus local, les deux aspirants se sont engagés à pousser pour le Village d’Antan franco-ontarien. Un projet dont le financement se fait toujours attendre. Sur le campus d’Alfred, dont l’avenir de la bâtisse est toujours incertain, Pierre Leroux est apparu prudent. « On parle de millions et de millions de dollars. Il faut être certain que le plan de relance soit efficace. »

Présent dans l’assistance, le président de l’Association canadienne française de l’Ontario de Prescott et Russell (ACFO Prescott-Russell), Jacques Héroux, a tout de même regretté l’absence du thème de l’immigration francophone.

« En 2012, la province s’est donnée une cible de 5 %, mais moins de personnes sont identifiées comme francophones. L’immigration est l’enjeu majeur de notre région. Au lieu qu’ils passent au-dessus du territoire pour aller à Ottawa, les immigrants devraient s’y arrêter. »

Absence d’Amanda Simard

Au Centre récréatif d’Embrun, le siège laissé vide par Mme Simard n’est pas passé inaperçu. Préférant miser sur le porte à porte, la progressiste-conservatrice a décliné la proposition de débat de #ONfr. Jusqu’à la dernière minute, Amanda Simard était encore attendue, et ce malgré son refus initial de venir partager ses opinions et idées aux résidents présents.

« J’aurais aimé en savoir un peu sur sa plateforme qu’on ne connait pas, connaitre les grandes idées de son parti, car les coupures inquiètent », a lâché un participant, préférant rester anonyme. « Son absence me dépasse. »

Le candidat du Parti Vert, Daniel Reid, avait quant à lui expliqué ne pas pouvoir participer à un débat en français, car ne parlant pas la langue de Champlain.

Éric Cabana, un avocat résident d’Embrun, est plutôt reparti satisfait du débat. « J’attendais un engagement du gouvernement de financer Aide juridique Ontario sur dix ans, le débat a répondu à mes attentes. J’ai juste trouvé dommage que la candidate progressiste-conservatrice n’y était pas, mais enfin… »

À noter que le candidat du Parti vert, Daniel Reid, a également décliné notre offre de débat.


PROFIL DE LA CIRCONSCRIPTION* :

Population : 109 975

Revenu total moyen : 46 456 $ (Moyenne provinciale : 47 915 $)

Proportion de francophones : 60,3 %

Historique de circonscription Gouvernement Député Parti
1981-1984 Davis (PC) Don Boudria Libéral
1984-1985 Davis (PC) Jean Poirier Libéral
1985-1987 Peterson (L -) Jean Poirier Libéral
1987-1990 Peterson (L) Jean Poirier Libéral
1990-1995 Rae (NPD) Jean Poirier Libéral
1995-1999 Harris (PC) Jean-Marc Lalonde Libéral
1999-2003 Harris (PC) Jean-Marc Lalonde Libéral
2003-2007 McGuinty (L) Jean-Marc Lalonde Libéral
2007-2011 McGunity (L) Jean-Marc Lalonde Libéral
2011-2014 McGuinty (L) Grant Crack Libéral
2014-2018 Wynne (L) Grant Crack Libéral

Notes : L = Parti libéral, NPD = Nouveau Parti démocratique, PC = Parti progressiste-conservateur, et IND = Indépendant

La carte montre la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell, avec au Sud Storomont-Dundas-South Glengarry.
Le découpage territorial de Glengarry-Prescott-Russell. Crédit image : Élections Ontario

Le découpage territorial de Glengarry-Prescott-Russell. Crédit image : Élections Ontario.* Informations obtenues selon le recensement de Statistique Canada en 2016