Un discours du Trône majoritairement unilingue marqué par la pandémie

La gouverneure générale Mary Simon. Crédit: capture d'écran

OTTAWA – Dans un discours du Trône principalement en anglais, mais aussi en français et inuktitut mardi, la gouverneure générale Mary Simon a étalé les principales priorités du gouvernement Trudeau marquées par la COVID-19.

Parmi les principaux engagements du discours lu par la gouverneure générale Mary Simon : la réconciliation avec les peuples autochtones, l’urgence climatique ainsi que la relance économique post-COVID-19. Elle souligne aussi que la crise du coronavirus a touché tout le monde « y compris les membres de cette chambre qui viennent de perdre une collègue très appréciée, il y a quelques jours à peine, la sénatrice Forest-Niesing ».

« J’offre à sa famille et à vous tous mes plus sincères condoléances », a ajouté Mme Simon sur la sénatrice franco-ontarienne qui est décédée en fin de semaine dernière.

Les langues officielles sont mentionnées dans un paragraphe dans lequel le gouvernement s’engage à redéposer « sa proposition de la Loi visant l’égalité réelle du français et de l’anglais et le renforcement de la Loi sur les langues officielles ».

« Ça contredit ce qu’on entend depuis une semaine de la part de la ministre Petitpas Taylor qui a insinué qu’il y aurait des changements apportés au projet de loi. L’opposition et la FCFA ont exigé des changements. Moi, ça me laisse entendre que l’on va faire un copier-coller quand on va déposer la loi C-32. Donc, il y a une inquiétude », analyse le politologue Rémi Léger.

Une porte entrouverte que dénonce Alain Rayes, porte-parole aux Langues officielles chez les conservateurs.

« Ils disent qu’ils vont redéposer le projet de loi et qu’ils n’ont rien changé ou presque, ça veut dire qu’on rejoue dans le même film (…)On est toujours dans les belles paroles, on repousse à plus tard un dossier qui est important. On a vécu une situation malheureuse avec le PDG d’Air Canada et l’ouverture de postes au ministère de l’Immigration unilingue anglophone à Montréal. Rien qui me fasse croire que les libéraux vont être différents. Je reste sur mon appétit », lâche le membre de l’opposition officielle.

Le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Alain Rayes (au centre). Source : Site Web Alain Rayes

Pas de cible de 4,4% en immigration

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) veut donner la chance à la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor avant de penser qu’un copier-coller du projet de loi sera déposé. L’organisme francophone a demandé quelques jours après les élections des modifications au futur document législatif.

« On a eu quelques rencontres avec elle et on a déjà eu plusieurs discussions déjà. On a eu énormément de discussions par rapport aux amendements qu’on veut voir. Je pense qu’il ne manque que la décision de la ministre pour s’asseoir vraiment avec nous et faire ces améliorations-là », souligne Liane Roy, la présidente de la FCFA.

La ministre Petitpas Taylor s’est déjà engagée depuis sa nomination à déposer la loi dans les 100 premiers jours. Une échéance qui n’a pas été mentionnée dans l’allocution de la gouverneure générale.

« Oui, on la veut, mais on veut une bonne loi bien faite », précise Mme Roy. « Si ça prend 110, 115 ou 125 jours, pourvu qu’on ait les amendements qu’on veut voir dans la loi, c’est ce qu’on cherche… Mais assez rapidement aussi, on ne veut pas trop étirer ça non plus. »

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy

Le gouvernement mentionne aussi qu’il est « crucial d’appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire et de protéger et promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec ». Un bon signe note Rémi Léger.

« Appuyer les communautés de langues officielles, c’est important et reconnu, on ne dit pas juste d’appuyer les fonctionnaires pour travailler dans la langue officielle de leur choix. On dit clairement que les communautés sont maîtres d’œuvre de leur développement. On parle aussi du fait d’en faire plus pour protéger la langue française que l’anglais. On dit aussi que la loi doit viser une égalité réelle entre le français et l’anglais ce qui ouvre la porte à l’asymétrie qui est un concept clé. C’est une bonne valeur qui est affirmée », lance le professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver.

S’agissant de l’immigration, on ne fait pas mention de la cible du 4,4 % d’immigration francophone hors Québec d’ici 2023, mais le gouvernement veut accroître l’arrivée de nouveaux arrivants notamment en augmentant la « réunification des familles en offrant un programme de rétablissement des réfugiés parmi les meilleurs au monde ».

80 % du discours en anglais

Près du ⅕ du discours de Mme Simon était en français. Dans la version écrite, il y a 578 mots en français sur un total de 2 990, soit près de 19 %. Un peu moins de 100 mots en inuktitut, sois près de 3 % alors que tout le reste était dans la langue de Shakespeare.

Le français de Mme Simon s’est toutefois attiré les critiques du sénateur Claude Carignan qui lui donne une note de 4 sur 10 pour l’effort.

« Le chef d’État du Canada s’est donc à peine adressé à plus de huit millions de ses concitoyens. Ce discours est une gifle à tous les francophones du Canada », affirme celui qui a déjà été le chef de l’opposition conservatrice au Sénat.

Pour ce dernier, il était « utopique » de dire que Mme Simon arriverait à maîtriser le français à l’intérieur de son mandat.

« Sans enlever quoique ce soit aux nombreuses qualités de la très honorable Mary Simon, son arrivée au poste de chef d’État du Canada marque un recul pour le fait français dans notre pays », ajoute le représentant du Québec.

De son côté, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet n’a pas voulu s’avancer sur la qualité du français de Mme Simon dans son allocution.

« Le commentaire qu’on avait fait sur la nomination de Mme Simon n’est pas relatif au fait qu’elle parle plus ou moins bien français, mais que le premier ministre était responsable d’avoir nommé quelqu’un qui ne parle pas français. »

Logements et garderies

Un des autres principaux dossiers mentionnés est le taux d’inflation qui est à l’un de ses niveaux les plus élevés en deux décennies.

« Même si la performance économique du Canada est meilleure que celle de beaucoup de nos partenaires, nous devons continuer à lutter contre l’augmentation du coût de la vie. Le plan du gouvernement à cet égard inclut deux priorités : le logement et les services de garde d’enfants. »

Pour les logements, le gouvernement indique vouloir construire plus d’unités de logements abordables en plus de réduire les coûts pour les premiers acheteurs.

Le fédéral précise aussi vouloir conclure une entente sur les garderies à 10 $ si possible d’ici la fin de 2022. L’Ontario et le Nouveau-Brunswick sont les deux seules provinces à ne pas avoir conclu d’entente.

« Le gouvernement continuera de travailler avec les deux autres provinces pour conclure des ententes qui donneront des services de garde à dix dollars par jour pour les familles qui en ont tant besoin. »

Ce texte à été mis à jour à 17H32.