Un gouvernement progressiste-conservateur sans Doug Ford?

Doug Ford, chef du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) lors du dévoilement du budget 2018 à Toronto. Crédit image: Archives

[ONVote2018]

ETOBICOKE – Alors que la remontée du Nouveau Parti démocratique (NPD) ne semble pas en mesure d’enrayer la marche triomphale du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario le 7 juin, son chef, Doug Ford n’est pas encore assuré de remporter sa circonscription d’Etobicoke-Nord.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Selon le site de sondages Qc125.com, ce serait du 50/50 entre le chef du Parti PC et son adversaire néo-démocrate, Mahamud Amin, qui semble profiter du vent favorable soufflant dans les voiles orange de son parti.

Dès lors, la victoire probable du Parti PC le soir du 7 juin pourrait se faire sans son chef. Une hypothèse peu commune, mais déjà vue, rappelle la politologue au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Stéphanie Chouinard.

« On l’a déjà vu au fédéral et également en Colombie-Britannique, en 2013, avec Christy Clark. »

En 2013, malgré la réélection de son parti à la tête du gouvernement, Mme Clark avait perdu son siège de Vancouver-Point Grey. Elle avait finalement retrouvé sa place à l’Assemblée législative après une élection partielle deux mois plus tard dans la circonscription de Westside-Kelowna. Plus près de l’Ontario, mais plus loin dans le temps, ce fut également le cas au Québec, en 1985, pour Robert Bourassa, battu dans la circonscription de Bertrand, malgré la victoire de son Parti libéral du Québec.

Si la même chose arrive en Ontario, il faudra alors regarder la performance globale du Parti PC aux élections, prévient Tim Abray, professeur de sciences politiques à l’Université Queen’s.

« Tout dépendra du type de majorité qu’obtiendra le parti. Si c’est une forte majorité, il choisira une circonscription sûre et un des députés progressistes-conservateurs cédera sa place à M. Ford. »

Légitimité menacée?

Mais la légitimité de M. Ford en prendrait un coup, reconnaît Mme Chouinard.

« Gagner son siège dans une élection partielle entacherait sa légitimité et son image de chef. »

Pour Stewart Kiff, président de Solstice Affaires publiques, une compagnie de lobbying qui travaille à Queen’s Park, « cela signifierait que la Ford Nation n’existe pas au niveau provincial ».

Une possibilité que n’exclut pas M. Abray.

« Une élection provinciale, ce n’est pas la même chose qu’une élection municipale. C’est difficile de traduire des appuis municipaux sur la scène provinciale. »

Le style de M. Ford pourrait expliquer cette éventualité, selon Mme Chouinard.

« Il n’a pas vraiment réussi à convaincre l’électeur moyen. Et même si le Parti PC est encore donné gagnant, sa marge rétrécit. Ce n’est pas seulement de la faute de M. Ford, il y a eu des éléments extérieurs qui ont joué contre lui, comme l’histoire du vol de données de la 407, mais son type de populisme ne fonctionne pas partout. Et le fait de dévoiler sa plateforme si tardivement ne passe pas auprès d’un certain type d’électorat. »

Si pour l’heure, le Parti PC est concentré sur l’objectif de gagner le 7 juin, le vernis d’union pourrait également s’effriter en cas de défaite de M. Ford dans sa circonscription.

« Il ne faut pas oublier que ce sont les militants qui l’ont élu, mais que l’exécutif du parti lui était peu favorable pendant la course à la chefferie », souligne M. Abray.

Pour Mme Chouinard, une nouvelle course à la chefferie, advenant une défaite de M. Ford dans Etobicoke Nord, demeurerait peu probable.

« Cela coûte cher et le parti vient d’en faire une. Les progressistes-conservateurs sont sortis fragilisés de la démission de Patrick Brown. »

Se méfier des sondages

Mais ce scénario fiction doit aussi tenir compte de la capacité des sondages à bien témoigner de l’intention des électeurs, rappelle M. Kiff.

« Il y a une différence entre ce que les sondages indiquent et la réalité sur le terrain. Etobicoke-Nord, c’est le cœur de la Ford Nation, une circonscription sur laquelle la famille travaille depuis des décennies. Tout est possible en politique ontarienne, mais je ne pense pas qu’il puisse perdre. »

Une analyse que partage Mme Chouinard.

« Les conservateurs ont tendance à plus sortir voter et le parti va mettre le paquet pour faire élire son chef. »

M. Abray se montre plus prudent.

« C’est une course très serrée. Le redécoupage électoral a changé la démographie de la circonscription et de plus, les appuis pour Doug Ford n’y ont jamais été aussi forts que ceux de son frère, Rob. »