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Il manquerait alentour de 10 000 professeurs francophones au Canada dans les écoles d’immersion française et de Français langue seconde. Ce sont 42% des écoles d’immersion française qui disent éprouver des problèmes de pénuries de main-d’œuvre alors que ce chiffre s’élève à 50% en Ontario.

Pour les écoles de Français langue seconde, 39 % des écoles ontariennes, soit près de 180 disent avoir de la difficulté à trouver des enseignants francophones alors que ce chiffre est de 36% à l’échelle nationale.

Ces chiffres sont ceux d’une étude menée par l’Association canadienne des professionnels de l’immersion (ACPI) et l’Association canadienne des professeurs de langues secondes (ACPLS). Cette enquête a été faite auprès de 934 écoles à travers le Canada entre décembre 2020 et août 2021.

Pour l’immersion française, 96% du personnel enseignant dans toutes ces écoles est jugé qualifié alors que 86% sont jugés qualifiés dans les écoles qui affichent une pénurie. Ce n’est toutefois pas un facteur déterminant précis l’étude.

« On ne peut pas dire que les écoles qui sont plus exigeantes se retrouvent plus en situation de pénurie de personnel enseignant qualifié. »

« Les professeurs de français quittent souvent pour enseigner du côté anglais pour avoir un accès facile aux ressources et au développement professionnel » – extrait tiré du rapport

Une des principales causes expliquant ce manque d’enseignants est le fait que la population étudiante est en hausse fulgurante. Il y avait 283 000 élèves inscrits aux programmes d’immersion en français en 1998 alors qu’en 2019, ce nombre s’élevait à 478 000, soit une augmentation de près 40% en deux décennies.

« Concrètement, cette pénurie se traduit par du personnel non qualifié présent dans les classes, un manque de personnel suppléant pour pallier l’absence temporaire du personnel en place et des listes d’attentes pour des programmes qui ne peuvent être offerts. »

Toutefois, le scénario est différent chez les écoles en français langue seconde alors qu’en 1991, 2,1 millions d’élèves étaient inscrits à ces programmes tandis qu’en 2019, ils n’étaient plus que 1,7 million. Cette baisse pourrait justement s’expliquer par le manque d’enseignants disponibles, note l’étude.

Des professeurs non qualifiés

Il y aurait aussi la présence d’un certain « laxisme » des conseils scolaires pour régler le problème de la pénurie.

« Il y a un manque de volonté d’ouvrir plus de classes pour le programme même lorsque les chiffres sont là… Nous n’avons jamais assez de candidats au Conseil pour soutenir le nombre croissant de familles qui choisissent les programmes d’immersion française », affirme l’un des répondants en anglais.

Ce ne sont toutefois pas tous les conseils qui ont ce laxisme alors que plusieurs personnes dans la haute administration jugent que la réalité administrative rend leur tâche plus compliquée.

« Elles (les directions d’écoles) se disent complètement dépassées par la situation et affirment que leurs efforts de recrutement restent souvent infructueux, ou encore que les candidatures qu’elles reçoivent ne répondent pas aux exigences des postes affichés. Les directions décrivent une situation grave, qui non seulement les empêche de répondre à la demande grandissante, mais également les oblige à annuler des programmes et à fermer des classes en raison du manque de personnel qualifié. »

Pour une répondante d’une direction d’école, il est assez normal d’avoir une « personne non certifiée enseignant en immersion française ou avoir un professeur certifié qui ne parle pas français ». Une autre se dit « fatiguée de prendre des gens dans la rue pour enseigner ».

« Tous les nouveaux enseignants semblent vraiment avoir du mal avec la langue. C’est une vraie préoccupation. La qualité d’enseignement du français va baisser », avance un répondant.

Plus de ressources en anglais

Du côté des professeurs, plusieurs dénoncent le manque de valorisation envers leur emploi et disent ne pas avoir accès aux mêmes ressources que leurs confrères anglophones.

« Les professeurs de français quittent souvent pour enseigner du côté anglais pour avoir un accès facile aux ressources et au développement professionnel. »

Le fait que certaines écoles soient situées dans des milieux ruraux et la réalité culturelle que vivent les professeurs francophones dans ces milieux anglophones rend la tâche difficile, disent des enseignants.

« Le personnel enseignant en immersion francophone ou en français langue seconde évolue la plupart du temps dans un contexte culturel où le français est peu présent et peine à offrir des occasions d’entendre, de lire ou de parler le français. »

Chantal Bourbonnais de l’ACPI. Gracieuseté

Pour les associations concernées, plusieurs choses devront être mises en place dans le futur pour notamment revaloriser la profession, améliorer le recrutement en plus de mieux supporter les professeurs et les directions d’écoles.

« Il y a trois gros constats pour moi : d’un, on est à de la difficulté à s’adapter à cette hausse-là. Ensuite, au niveau de la compétence, vu qu’ils nous manquent d’enseignants, on va embaucher quelqu’un qui n’est pas qualifié et qui a de la difficulté à parler français. Le dernier enjeu est au niveau des ressources pédagogiques à savoir si on pourrait avoir des ressources spécifiques à l’immersion », avance Chantal Bourbonnais, directrice générale de l’ACPI.

Ce sont près de 9% des 10 630 écoles de langue anglaise au Canada qui sont représentées dans cette étude