Un parfum de campagne électorale à Queen’s Park

La première ministre, Kathleen Wynne. Crédit image: Marc Whiteway

[ANALYSE]

TORONTO – Les gants sont d’ores et déjà jetés en vue des élections provinciales du 7 juin. Certes, la campagne officielle commencera théoriquement début mai. Sur le terrain, les chefs des trois principaux partis ont passé la semaine dernière à s’affronter à distance. Un lancement officieux de campagne en quelque sorte.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La raison principale : on connait depuis le 10 mars le nom du nouveau chef progressiste-conservateur. Pour la première ministre, Kathleen Wynne, et la néo-démocrate, Andrea Horwath, Doug Ford est désormais l’homme à combattre. Son élection a mis fin à un peu plus d’un mois et demi d’un feuilleton tragi-comique. Cette confusion a mis les projecteurs sur le Parti progressiste-conservateur, sans pourtant éroder l’avance de la formation dans les sondages.

Conséquence? La semaine de relâche à Queen’s Park a été l’occasion pour le gouvernement Wynne de distribuer ses premiers cadeaux de campagne. En déplacement à Ottawa, Kathleen Wynne a par exemple annoncé un investissement de 105 millions de dollars pour le Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO). Ce n’est pas rien. Surtout quand on sait que de nombreuses circonscriptions libérales sont menacées dans la région de la capitale.

Plus encore, le gouvernement présentera ses priorités ce lundi par l’intermédiaire d’un discours du trône à Queen’s Park. Une première depuis septembre 2016. La lieutenante-gouverneure, Elizabeth Dowdeswell, sera chargée de mettre en relief les priorités des libéraux pour les six semaines de travaux restants en chambre. Une sorte de programme électoral avant l’heure.

Une Kathleen Wynne plus au centre que prévu?

Le défi est immense pour le gouvernement Wynne. Le programme résolument à gauche des derniers mois, incluant le salaire minimum 15 $ de l’heure, ou encore le programme d’assurance-médicaments, avait été conçu en riposte à l’ancien chef progressiste-conservateur, Patrick Brown. Un adversaire plutôt centriste qui obligeait Mme Wynne à tendre vers sa base sociale-démocrate.

Or, Doug Ford n’est pas du même acabit. Bien qu’elle ait promis des investissements en santé, la première ministre sera peut-être contrainte de recentrer sa campagne, si elle veut éventuellement séduire les « Red Tories ». Un échantillon pas franchement séduit par M. Ford mais hésitant à se jeter dans les bras des libéraux.

Horwath, à gauche toute

Le repositionnement de Kathleen Wynne plus au centre pourrait même être dicté par la stratégie néo-démocrate. En promettant samedi la mise en place d’une assurance dentaire, Andrea Horwath a voulu frapper les esprits. Et montrer que sa campagne du printemps sera bel et bien à gauche. Les premiers éléments de sa plateforme mentionnent par ailleurs les prêts d’études postsecondaires en bourses, ou encore l’annulation de la privatisation d’Hydro One.

La chef néo-démocrate ne compte pas refaire la même erreur qu’en 2014. La campagne « centriste » avait alors éloigné le parti de sa base, et obscurci considérablement son message. Le NPD n’avait alors pas tiré profit des maladresses du progressiste-conservateur, Tim Hudak, et de l’usure du pouvoir collant déjà aux libéraux.

Nul doute que Mmes Horwath et Wynne tenteront aussi de discréditer M. Ford. Mais force est d’admettre que le tribun, réputé fort en gueule, met pour le moment de l’eau dans son vin. En adoptant une posture rassembleuse jusqu’en juin, l’ancien conseiller municipal de Toronto pourrait s’ouvrir un peu plus les portes de Queen’s Park. À moins que la campagne électorale ne ressemble aux dernières semaines du Parti PC : imprévisible et indécise.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 19 mars.