Un programme en immigration francophone séparé, revendique le milieu économique

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Est-il temps à la lumière des récentes données du Recensement de 2021 pour le fédéral de se doter d’un programme en immigration francophone distinct de l’immigration générale? Des experts en francophonie, les organismes francophones et le milieu économique le souhaitent et demandent une réorganisation à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

La semaine dernière, le ministre de l’Immigration Sean Fraser a sorti le plan de son gouvernement pour augmenter l’immigration francophone au pays et atteindre la cible jamais atteinte de 4,4 %. Ce dernier propose d’assouplir Entrée express en élargissant le bassin de candidats francophones disponibles en plus de procéder à une révision du processus actuel pour les nouveaux arrivants francophones.

Mais pour les acteurs économiques francophones, la création d’un programme distinct en immigration francophone qui ne serait pas « mélangé » serait la meilleure solution.

« On a besoin d’un programme qui soit capable d’atteindre cette cible-là et qu’il y ait des mesures spécifiques pour recruter dans des pays francophones où il y a une main-d’œuvre qualifiée et prête à travailler au Canada dans les différentes catégories d’emplois en manque de main-d’œuvre », suggère Roukya Abdi-Aden, gestionnaire au RDÉE Canada, un organisme national qui représente le milieu économique francophone hors Québec.

L’organisme qui se veut comme le bras économique de la francophonie canadienne tient ce mercredi et ce jeudi un sommet sur l’économie francophone, après deux ans marqués par la pandémie. L’échec constant d’Ottawa en matière d’immigration francophone et les données du dernier recensement viennent mettre en lumière la nécessité de rapidement trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre francophone et bilingue hors Québec.

« On est à un tournant où il est important qu’on fasse les choses autrement. Ça fait 20 ans qu’on essaie d’atteindre la cible et on ne l’a pas atteint. On a une situation qui est très favorable pour recruter à l’international. On a des besoins en main-d’œuvre et le taux de chômage est bas… Il nous faut un programme différent qui va nous permettre d’aller chercher ces travailleurs qualifiés », soutient Mme Abdi-Aden.

L’échec d’atteinte de la cible constitue un manque depuis 20 ans de près de 120 000 immigrants francophones, selon une étude du Commissariat aux langues officielles.

En terme économique, ce manque à un énorme impact rappelle Roukya Abdi-Aden.

Selon RDÉE Canada, dans le domaine de la petite enfance, on indique que près de 2 450 postes seront à pourvoir dans les prochaines années dans les communautés francophones minoritaires du Canada. En tourisme, on estime que 93 000 postes seront vacants d’ici 2035. En francophonie minoritaire : 178 000 nouveaux emplois seront à pourvoir entre 2019 et 2018 pour des aides-infirmiers, aides-soignants et préposés aux bénéficiaires et 191 000 infirmiers autorisés et infirmiers psychiatriques pour la même période selon les estimations de RDÉE Canada.

Simplifier le processus, plaident des experts

Faire une politique ou un programme spécifiquement pour l’immigration francophone, c’est une bonne idée, estime la professeure Luisa Veronis, titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa. Selon elle, « l’immigration en général est très complexe » et le processus se doit d’être simplifié.

« Il y a une quantité énorme de catégories et de façon d’immigrer : il y a les candidats des provinces, les programmes temporaires, les étudiants internationaux, la réunification familiale, les réfugiés, etc. Et ça c’est la pointe de l’iceberg, donc c’est très très complexe et ça alourdit la machine alors si on fait un programme, on pourrait simplifier », estime-t-elle.

Une telle nouveauté pourrait notamment permettre aux immigrants francophones des avantages, par rapport aux anglophones, en termes de rapidité, avance Mme Veronis, donnant l’exemple des travailleurs temporaires et des étudiants internationaux déjà au pays.

« Il faut faciliter l’accès à la résidence permanente. Faciliter et accélérer pour l’attraction pourrait avoir un poids énorme et après ça peut faciliter la rétention, car ils ont déjà un statut stable. Plus rapidement on leur offre la permanence, plus la rétention suivra », souligne-t-elle.

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C’est aussi l’avis de l’experte en politiques linguistiques de l’Université d’Ottawa Linda Cardinal. Elle propose notamment qu’un tel programme puisse comporter des projets pilotes dans des régions francophones du pays comme à Sudbury, Ottawa ou Saint-Boniface.

« Donc des cibles pancanadiennes avec des cibles très ambitieuses pour certaines régions avec un suivi de ce qui marche et ce qui ne marche pas… Ça permettrait de gérer des programmes dans une optique de par et pour les francophones… Là, ce qu’on a, ce sont des programmes en immigration où on saupoudre les francophones », a témoigné la titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie en comité sénatorial sur le projet de Loi C-13.

Le milieu économique n’est pas seul dans sa demande. La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) espère aussi qu’IRCC mette en place une telle distinction pour les nouveaux arrivants. La FCFA avait fait cette demande combinée à d’autres comme l’augmentation de la cible à 12 % en 2024.