Une année de transition pour le commissaire Fraser

L'ancien commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, avait-il assez de pouvoirs?

OTTAWA – Le commissaire aux langues officielles entame la dernière année de son mandat en 2016. Pour sa dixième année à la tête du Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada, Graham Fraser prépare sa succession et attend des gestes concrets de la part du nouveau gouvernement fédéral.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

En octobre 2016, Graham Fraser fêtera ses dix ans au poste de commissaire aux langues officielles du Canada.

« Je ne suis jamais resté aussi longtemps dans un travail! », plaisante-t-il. « Mais je pense que pour le bien de l’institution et de sa mission, autant que pour moi, il est temps de céder ma place et que quelqu’un arrive avec de nouvelles idées. Les dossiers que je n’ai pas pu faire avancer durant mon mandat de commissaire ne risquent pas plus d’avancer aujourd’hui. »

L’année 2015 a été une année particulière pour le bureau de M. Fraser avec une campagne électorale fédérale qui a paralysé l’activité du CLO pendant plusieurs mois. Le commissaire dresse un bilan nuancé de l’année écoulée.

« Nous attendions plusieurs décisions des tribunaux en 2015 et celles-ci n’ont pas abouti comme nous l’aurions souhaité, comme dans la cause Caron-Boutet ou le jugement de la Cour d’appel fédérale dans le litige nous opposant à CBC-Radio-Canada. Toutefois, nous avons pu observer plusieurs messages encourageants de la part du nouveau gouvernement dans le discours du Trône et les lettres de mandat. »

En 2016, M. Fraser prévoit une année de transition. Il surveillera de près les premiers pas du gouvernement Trudeau en matière de langues officielles.

« Le nouveau gouvernement arrive avec une approche intéressante. Il faudra toutefois voir comment il va s’y prendre dans la mise en œuvre. De même, il faudra voir comment cela va se passer dans les ministères où les nouveaux ministres demandent leurs notes et documentation en français. La dynamique va changer. »

Le commissaire aux langues officielles entend rappeler aux élus leurs responsabilités et préparer le terrain pour son successeur.

« Une grande partie de cette année sera consacrée à rencontrer les nouveaux ministres et députés pour les sensibiliser à l’importance de la Loi sur les langues officielles. Nous allons aussi travailler à préparer la transition avec le nouveau commissaire afin de le mettre dans les meilleures conditions. »

Afin d’aider celui ou celle qui le remplacera, M. Fraser annonce que le CLO reconduira, cette année, un exercice réalisé il y a plusieurs années de sondage auprès de la population canadienne pour évaluer son degré d’appui à la dualité linguistique et au bilinguisme.

« Les données recueillies pourront aider le nouveau commissaire et le gouvernement à mieux cibler et concentrer leurs efforts. »

Besoin de leadership

En dix ans, M. Fraser a pu observer de près l’évolution dans l’approche des langues officielles au sein du gouvernement, notamment sous celui de Stephen Harper. Sans blâmer directement l’ancien premier ministre conservateur, dont il loue l’écoute, les efforts pour s’exprimer dans les deux langues officielles et la volonté de ne jamais cibler directement les programmes relatifs aux langues officielles dans son plan de réduction des dépenses, M. Fraser parle toutefois d’un certain manque d’intérêt dans ce dossier.

« Les langues officielles n’étaient pas vraiment une priorité publique pour le gouvernement de M. Harper. Il y avait un certain laissez-faire qui a fait en sorte que la situation des langues officielles et leur prise en compte variaient de manière particulièrement frappante d’un ministère à l’autre, selon la volonté des ministres, des sous-ministres et des gestionnaires. »

La remise de son rapport de vérification du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, mardi 12 janvier, a confirmé que les besoins des communautés francophones en situation minoritaires n’étaient pas toujours pris en compte dans les décisions.

« Il est très important d’avoir un leadership fort au niveau politique. Le nouveau gouvernement doit avoir une approche affirmée et publique en matière de langues officielles. Dans ses propos et dans ses actions, il doit rappeler qu’il s’agit d’une composante essentielle de l’identité canadienne et que ces deux langues appartiennent à tous les Canadiens, qu’ils les parlent ou non. Le gouvernement a une excellente opportunité de prouver son attachement à la dualité linguistique avec les célébrations du 150e anniversaire du Canada en 2017. »