Une bien longue attente pour le Campus d’Alfred

L'Institut de formation et de recherche rurale et agroalimentaire (IFRA) remplace désormais le collège d'Alfred.

[ANALYSE]

ALFRED – Le Campus d’Alfred dans l’Est ontarien est toujours là. Quatre ans jour pour jour après sa fermeture annoncée, l’édifice offre toujours des programmes en français. Il conserve du même coup son étiquette de seule institution d’enseignement agricole en français de la province.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Rien n’a changé ou presque pour les étudiants depuis l’annonce du retrait de l’Université de Guelph, le 11 mars 2014. Si ce n’est que depuis mars 2015, les programmes sont administrés en grande partie par La Cité. Officiellement, on ne parle plus de Collège d’Alfred, mais d’Institut de formation et de recherche agroalimentaire (IFRA), chapeauté par La Cité. Et comme l’institution collégiale a la motivation de continuer à offrir ces programmes, on pourrait donc penser que tout va bien. Ce n’est pas faux, mais pas exact non plus.

Car l’IFRA est encore loin du compte : accueillir plus de 200 élèves dans le courant des prochaines années. Pour le moment, ce sont 102 élèves qui franchissent les portes du campus. Des chiffres même en légère baisse, si l’on compare à ceux de 2015, quand La Cité parlait plutôt de 120 élèves.

Autre enjeu majeur : le fait que la bâtisse soit toujours une propriété du ministère de l’Agriculture de l’Ontario. La communauté francophone, menée par les Comtés unis de Prescott et Russell, le gouvernement régional de plusieurs municipalités de l’Est ontarien, aimerait que l’édifice soit directement entre ses mains. Depuis plusieurs mois, le projet traîne.

Entretenir la bâtisse

Les discussions à huis clos entre le ministre de l’Agriculture Jeff Leal et les municipalités n’ont encore pas abouti. Aux dernières nouvelles, les Comtés unis de Prescott et Russell demandaient toujours au gouvernement un coup de pouce financier de 7,3 millions de dollars sur cinq ans pour assurer le transfert de l’établissement. Une somme nécessaire entre autres pour assurer son entretien et sa maintenance. Il va de soi que le gouvernement régional n’a pas les ressources financières de l’exécutif ontarien pour s’acquitter ainsi de cette tâche.

Pour résumer, le hic, c’est que si les programmes sont aujourd’hui bien protégés pour les années à venir, la bâtisse, elle, ne l’est pas encore. Le risque que les cours puissent être donnés, par exemple, directement dans les locaux La Cité à Ottawa, à presque 70 km, existe. Pour beaucoup, cette décision fragiliserait la formation en français dans l’Est ontarien. D’éventuels étudiants pourraient se tourner vers le Québec ou même des institutions anglophones. Une perte en perspective. Rare région de l’Ontario où les francophones sont encore majoritaires, l’Est ontarien n’a pas besoin de cela.

Possibilité d’une annonce électoraliste

Toujours est-il que les élections provinciales approchent à grands pas. Et la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell, où se trouve le Campus d’Alfred, s’annonce une des plus indécises en Ontario. Dans ces conditions, il n’est pas impossible que les libéraux profitent des prochaines semaines pour faire un « cadeau » aux électeurs, et ainsi assurer la réélection de leur député Grant Crack.

Mal embarqués, les libéraux n’ont plus grand-chose à perdre. L’arrivée à la tête du Parti progressiste-conservateur de Doug Ford leur offre peut-être l’ultime chance de soigner un électorat à priori dénigré par la « Ford Nation ». Pour une circonscription de plus 60 % de francophones et un statut de « grenier agricole » de la province, le cadeau ne serait pas si mince. Presque logique.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 12 mars.