Une cabane à sucre pas comme les autres dans l’Est ontarien

Claude Castonguay est propriétaire de la sucrerie Frank Sugar Shack à Moose Creek dans l'Est ontarien. Crédit image: Lila Mouch

MOOSE CREEK – C’est la fin de la saison des sucres en Ontario. Les acériculteurs tirent leurs derniers galons d’eau d’érable et attendront patiemment l’année prochaine, le gel et le dégel. Quel métier, tout de même, acériculteur! Un travail de l’ombre qui consiste à approvisionner le pays de ce liquide léché et épais, souvent appelé l’or canadien. En canne ou en bouteille, derrière ce délice, existent de véritables passionnés, à l’image de Claude Castonguay.

Propriétaire de la sucrerie Frank Sugar Shack à Moose Creek dans l’Est ontarien, M. Castonguay a construit en 2015 une cabane digne de ce nom. C’est avec humilité et bienveillance que cet ancien agriculteur nous accueille dans sa cabane à sucre, au dernier jour de production au Frank Sugar Shack. Le clap de fin!

Ce Franco-Ontarien à la retraite considère l’acériculture comme une passion et un passe-temps. Mais le Frank Sugar Shack est avant tout un hommage. C’est son fils, Francis, qui nourrissait le rêve d’avoir sa propre cabane dans les bois.

Malheureusement, le jeune homme, que tout le monde appelait Frank, est décédé à l’âge de 25 ans, en 2008, d’un accident de moto. « Il n’avait jamais eu d’accident de moto, jusqu’au jour où il est allé s’acheter la sienne. Il n’est jamais revenu. » 

L’acériculteur possède près de 1800 érables. Crédit image : Lila Mouch

« C’est lui qui rêvait d’avoir une cabane à sucre », reprend le producteur. 

En 2008, avant le décès de leur fils, la famille Castonguay s’était trouvé une parcelle de terre sur la route McNeil à Moose Creek. Quand nous, nous y rendons, il est facile de comprendre pourquoi la famille a été charmée par ce grand terrain à quelques minutes de Casselman. 

La sucrerie, c’est d’abord un lieu de partage 

En 2015, la sucrerie Frank Sugar Shack sort de terre, une belle grande maison que nous voyons là. « C’est un lieu de rassemblement, on se retrouve avec la famille et les amis », confie M. Castonguay. 

Ouverte au public durant la saison des sucres, cette maisonnette demeure un lieu de partage le reste de l’année. Les gens y viennent acheter du sirop ou les autres produits dérivés du producteur. 

« Produire du sirop d’érable, c’est une culture », assure l’acériculteur. « Et la cabane à sucre constitue un véritable lieu de rassemblement avec la famille et les amis, chaque année. C’est ça que j’aime. C’est ce que j’essaie de faire. »

Claude Castonguay fabrique seul son sirop d’érable. Crédit image : Lila Mouch

Ni une ni deux, vient le temps de découvrir ce que veut dire « partage » pour M. Castonguay. 

« C’est merveilleux », dit-il, en nous faisant découvrir son sirop. « Mais tout l’ouvrage qu’il y a derrière, tout ça, c’est encore plus merveilleux. »

« Il ne faut pas oublier que c’est un héritage des autochtones », souligne-t-il, « que nos grands-pères, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents ont développé ».

Alors que M. Castonguay enfourne son bois, laissant tomber quelques braises flambantes à ses pieds, il lance : « Il faut que ça boue! Voyez, entre 219 degrés et 220 degrés, vous allez voir le sirop couler. » 

En attendant que la température grimpe, un ami passe par là, glisse un « bonjour », puis repart. Plus tard, en fin de journée, Robert, un autre ami et complice de chasse, viendra ouvrir une bière.

Nous parlons de l’Ontario français et des terres agricoles de la région tout en observant notre hôte s’occuper de son sirop.

1 800 arbres plus tard

Claude Castonguay fait partie de ces gens qui ont beaucoup de belles histoires à raconter, mais ce qui est frappant chez ce sexagénaire, c’est la sagesse avec laquelle il les raconte. Bien sûr, dans chacune de ses histoires, le sirop d’érable n’est jamais loin. 

Dans sa cabane à sucre, M. Castonguay fabrique du sirop d’érable, du caramel à l’érable, de la sauce barbecue à l’érable est d’autres produits variés. Crédit image : Lila Mouch

Pendant, qu’il nous raconte comment son évaporateur de sève d’érable fonctionne, on ne peut être que frappé par le dur labeur qu’incombe l’acériculture. Des heures debout à contrôler la température, tantôt scientifique, tantôt à jeter du bois dans le four.

Claude Castonguay est seul à s’occuper de la production. Durant notre rencontre, il va extraire plusieurs gallons, mais nous rassure, quand il est temps d’entailler les érables, un ami vient l’aider. 

« C’est important que cet héritage reste dans la famille » – Claude Castonguay

« J’ai environ 1 800 arbres, des érables collectés dans les années 1970 qui aujourd’hui mesurent entre huit, dix et 12 pouces de diamètre. Mon érablière est donc très jeune. Un érable mature peut faire jusqu’à 24 ou 30 pouces. »

À 68 ans, le producteur prépare le futur de son exploitation « pour la prochaine génération ». Il espère que son petit-fils prendra la relève. « C’est important que cet héritage reste dans la famille. »

« En 2015, quand j’ai décidé de me lancer en acériculture, j’ai appris sur le tas, comme on dit en bon canadien français. J’ai posé des questions et écouter les autres. Je suis venu au bout de mon affaire. »

Entre 219 degrés et 220 degrés, le sirop d’érable sort de l’évaporateur. Crédit image : Lila Mouch

M. Castonguay parle de persévérance. Aujourd’hui, sa retraite lui va comme un gant. Pour lui, c’est simple, « il faut serrer la ceinture entre 20 ans et 40 ans, puis à 40 ans, on relâche d’un espace. À 50 ans un autre, puis à 60 ans… Et regardez aujourd’hui, tout va bien ».